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Au PS, la réforme des retraites relance de vieux débats

Jean-Marc Ayrault a installé, mercredi, une commission sur le sujet, avec à la clé un possible allongement de la durée de cotisation. Au sein du Parti socialiste, le sujet divise.

Article rédigé par Bastien Hugues
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le président de la République, François Hollande, discute avec des responsables syndicaux, le 17 janvier 2013 à Paris. (CHAMUSSY / SIPA)

C'était en 2010. Il y a trois ans, il y a un siècle, il y a une éternité. Alors dans l'opposition, le Parti socialiste menait une bataille féroce contre la réforme des retraites du gouvernement Fillon, dont la principale mesure consistait à reculer l'âge légal de départ à la retraite de 60 à 62 ans, et l'âge pour une retraite à taux plein de 65 à 67 ans. Depuis ? La loi a été promulguée en novembre 2010, François Hollande a été élu en mai 2012, et le système des retraites demande à nouveau à être réformé.

Le Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, a donc officiellement installé, mercredi 27 février, une commission chargée d'élaborer, d'ici au mois de juin, de nouvelles pistes pour sauver le système. Les principales pourraient consister à allonger la durée de cotisation et à repousser l'âge de la retraite. Toujours est-il qu'au sein du PS, la question suscite un certain malaise, tant elle fait l'objet de divisions entre ceux qui prônent un allongement de la durée de cotisation et ceux qui jugent que la question des retraites est un faux problème.

Ceux qui veulent réformer les retraites depuis longtemps

En la matière, François Hollande n'a jamais été un grand défenseur du système actuel. Dès 2010, fidèle à sa ligne social-réformiste, il estime ainsi qu'"à mesure que l'espérance de vie s'allonge, la durée de cotisation doit être liée à cet allongement". Des déclarations qui vont alors à rebours de la ligne officielle du PS, qui érige l'âge légal des 60 ans en totem et refuse tout allongement de la durée de cotisation avant au moins 2020.

Sur cette question, François Hollande se rapproche à l'époque de Dominique Strauss-Kahn. Lequel affirme en mai 2010 que dans la mesure où l'"on vit cent ans, on ne va pas continuer à avoir la retraite à 60 ans. (...) Si on vieillit plus longtemps, il faut qu'on travaille plus longtemps."

Proche de François Hollande, l'actuel patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, voit alors "beaucoup de bon sens dans les propos de Dominique". Classé dans "l'aile droite" du Parti socialiste, Manuel Valls salue également "la vision claire et adaptée" de DSK, regrettant qu'"au PS, on n'assume pas clairement l'allongement de la durée des cotisations" et ajoutant que le moment venu, "la réalité s'imposera à tous".

Ceux qui se plient au principe de réalité

Trois ans plus tard, donc, les positions évoluent, lentement mais sûrement. Pour preuve, les propos du député Henri Emmanuelli, figure de l'aile gauche du PS, qui affirme désormais qu'"il faut quand même se poser la question de la durée de cotisation parce que (...) des gens qui aujourd'hui auront passé plus de temps à la retraite que dans la vie active, c'est une situation qui ne peut pas perdurer".

"C'est un consensus, l'allongement de l'espérance de vie doit se partager entre temps travaillé et temps retraité", approuve sur RTL le ministre du Budget, Jérôme Cahuzac. Lui qui, dans une tribune publiée dans Le Monde en juin 2010, considérait que "le choix de relever l'âge légal de 60 à 62 ans est la solution la plus défavorable pour les salariés modestes qui ont commencé à travailler tôt", et que "le relèvement de l'âge de départ à taux plein de 65 à 67 ans touche de plein fouet les salariés qui ont connu des carrières incomplètes".

"Il ne doit pas y avoir de tabous, estime aujourd'hui sur RMC le porte-parole des députés socialistes, Thierry Mandon, un proche de Benoît Hamon. Il faut faire preuve de réalisme."

Des déclarations qui montrent que les socialistes opèrent bel et bien "un atterrissage sur la réalité", juge le député Jean-Marie Le Guen dans Le Parisien (article payant), mais qui "déçoivent, attristent, peinent" le coprésident du Parti de gauche, Jean-Luc Mélenchon. "C'est très douloureux pour moi d'entendre [Henri Emmanuelli] parler comme ça", assure l'ancien candidat du Front de gauche à la présidentielle, en déplorant "un changement de pied tout à fait extraordinaire".

Ceux qui estiment qu'il s'agit d'un faux problème

Heureusement pour Jean-Luc Mélenchon, tous les socialistes ne se sont pas encore convertis au social-réformisme de François Hollande ou de Dominique Strauss-Kahn. Au sein de l'aile gauche du PS, beaucoup n'ont pas compris les déclarations d'Henri Emmanuelli, qui a d'ailleurs corrigé ses propres propos, sur L'Express.fr : "Je n'ai pas dit que j'étais favorable à l'allongement de la durée de travail. Je suis exaspéré par le buzz artificiel créé par quelques journalistes." 

"On ne doit pas faire, au nom d'un prétendu réalisme, l'inverse de ce que prônait le Parti socialiste en 2010. On doit faire preuve de cohérence, prévient la sénatrice Marie-Noëlle LienemannJe rappelle qu'en France, l'espérance de vie en bonne santé est de 63 ans." 

"Cette question des retraites n'est pas une priorité, c'est au contraire un faux problème, juge le député Pascal Cherki, joint par francetv info. La priorité, c'est de faire baisser le chômage. S'il y avait moins de chômeurs et donc plus de cotisants, le problème des comptes sociaux serait totalement différent !"

Un avis partagé par son collègue Pouria Amirshahi : "Philosophiquement, je ne conçois pas que les années de vie qu'on gagne au fil du temps, on doive les passer au turbin. Ce qu'il faut, c'est créer de l'emploi pour avoir davantage de cotisants." Quant aux accusations de démagogie dont ils font l'objet, ces parlementaires de l'aile gauche du PS soulignent au moins la fidélité et la constance de leurs engagements : "Doit-on rappeler qu'en 2003, François Hollande, lui, promettait la retraite à taux plein à 60 ans devant Bernard Thibault ?"

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