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Au secours, ma pilule est déremboursée !

Les contraceptifs de 3e génération ne seront plus pris en charge par la Sécurité sociale à partir de septembre 2013. Voici ce que doivent savoir les 2 millions de Françaises concernées.

Article rédigé par Marie-Adélaïde Scigacz
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Les pilules contraceptives de 3e génération ne seront plus remboursées à partir du 31 mars, a annoncé la ministre de la Santé, Marisol Touraine, le 2 janvier 2013. (ALE VENTURA / ALTOPRESS / AFP)

SANTE - La ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé mercredi soir la fin du remboursement par la Sécurité sociale des pilules contraceptives dites de troisième génération. Ce déremboursement prendra effet à compter du 30 septembre 2013. Environ six millions de femmes prennent la pilule, dont environ deux millions utilisent une pilule de troisième génération... Autant de personnes qui se retrouvent aujourd'hui dans le flou. Pourquoi ce déremboursement ? Francetv info répond aux interrogations.

Est-ce que je prends une pilule inefficace ?

La différence entre la deuxième et la troisième génération de pilules réside dans leur composition. Plus précisément dans une différence de progestatif, une hormone de synthèse utilisée dans la contraception. Là où la deuxième génération contient du lévonorgestrel, les pilules de troisième génération contiennent, elles, soit du désogestrel, soit du gestodène, soit du norgestimate, soit de la drospirénone. L'introduction de ces nouveaux progestatifs aux noms barbares était justement censée en améliorer l'efficacité.

Surtout, la troisième génération devait corriger des effets secondaires connus et aussi variés que la prise de poids, la baisse de la libido ou l'apparition d'acné. Ainsi, en 2009, la ministre de la Santé d'alors, Roselyne Bachelot, avait annoncé la prise en charge de cette pilule par la Sécurité sociale.

"Ces bénéfices vantés s'observent à un niveau individuel", précise le professeur Bernard Hedon, président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français, interrogé par francetv info. Ainsi, nombre de femmes sont satisfaites de leur pilule de troisième génération. "La logique de la Haute autorité de santé [AHS] se base sur la balance bénéfice-risque, poursuit le gynécologue. Or, les effets bénéfiques ne sont que des bénéfices allégués et non confirmés par des études. Si ces pilules conviennent parfaitement à des femmes, on ne peut pas dire qu'elles ont un effet médical rendu [EMR] supérieur aux autres."

Ma pilule est-elle mauvaise pour la santé ?

"Cette pilule de troisième génération a fait l'objet, dernièrement, de travaux défavorables, explique le professeur Bernard Hedon. Alors qu'elle devait réduire les risques, notamment cardiovasculaires, ces études récentes ont plutôt montré le contraire." La Commission de transparence (HAS) a par ailleurs relevé "un risque de complications thrombo-veineuses (les phlébites) deux fois plus élevé que chez les femmes sous pilules de deuxième génération". "Ce risque reste toutefois très faible, de 3 à 4 cas pour 10 000 utilisatrices", précise le communiqué. D'ailleurs, "si ce risque est plus élevé avec la pilule de troisième génération, il demeure inférieur au risque présenté chez la femme enceinte", précise le professeur Hedon

L'Association des victimes d'embolie pulmonaire, l'Avep, estime que la pilule est responsable de plus de 1 000 décès, rapportait Le Monde.fr en novembre dernier. Mais l'Agence française du médicament, l'ANSM, évoque plutôt entre 20 et 40 décès par an de femmes qui prennent une pilule de troisième génération, dont 14 à 28 par embolie pulmonaire. Les gynécologues précisent par ailleurs que ces effets secondaires apparaissent dans les premiers mois de prise de la pilule. 

"Normalement (...), on conseille [d'abord] une pilule de deuxième génération", expliquait, en décembre, le gynécologue Alain Tamborini à Europe 1.fr, conformément à une recommandation de l'HAS datée de 2001. "Si la patiente ne la supporte pas, on passe à la troisième génération." Pourtant, "certains médecins la prescrivent d’office sans chercher si une deuxième génération, moins risquée, conviendrait à leur patiente", notait Elle.fr à la même époque. 

Pourquoi ne pas simplement la retirer du marché ? 

"S'il y a un problème sanitaire, c'est normal qu'on dérembourse, mais pourquoi on les laisse sur le marché ?" s'est alors interrogé la secrétaire générale du Planning familial, Marie-Pierre Martinet. "Si l'HAS la considère inutile, la retirer du marché serait logique, concède le professeur Hedon. Mais nous, les gynécologues, ne sommes pas favorables à cette logique brutale. Car sur le terrain, nous restons très vigilants afin que cette annonce ne provoque pas ce que l'on appelle un 'pill scare', c'est-à-dire une crainte de la pilule, une désaffection pour ce mode de contraception."  

Mais surtout, "quand on réduit l'offre de soin, constate-t-il, il existe un effet secondaire grave, qui est l'augmentation des grossesses non désirées et des avortements qui y sont liés".

Et si je veux changer de pilule ? 

"Changer de pilule n'est pas contraignant", assure Bernard Hedon. Les femmes qui souhaitent opter pour une pilule remboursée peuvent discuter avec leur gynécologue de la possibilité d'adopter une pilule de deuxième génération. Quant à la quatrième génération, elle fait l'objet d'une vigilance particulière, notamment aux Etats-Unis, en raison de ses risques comparables à ceux de la troisième. Outre-Atlantique, plus de 10 000 plaintes ont été déposées contre le laboratoire Bayer, qui produit des pilules de quatrième génération (dont les plus répandues se nomment Yas, Jasmine et Jasminelle), en raison d'effets secondaires

Pour choisir un produit adapté, "c'est important qu'il y ait un interrogatoire avec la patiente", en particulier pour connaître ses antécédents familiaux et les risques potentiels liés à la prise de la pilule (tabagisme, etc.). "En revanche, il n'existe aucun bilan biologique qui permette de façon pertinente de prédire le risque d'effets secondaires", prévient Bernard Hedon.

Cependant, le gynécologue déplore que tous les moyens contraceptifs, et notamment les moyens alternatifs, comme le patch ou l'anneau vaginal, ne soient pas remboursés. "Plus on multiplie les modes de contraception, plus on en facilite l'accessibilité", explique-t-il.

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