Texte socialiste contre Merkel : tensions, recadrage, divisions au PS
Malgré les appels à l'apaisement, le parti peine à sortir de la polémique lancée par son texte prônant "l'affrontement démocratique" avec Berlin.
Il était question de clarifier la ligne du Parti socialiste sur l'austérité, c'est tout l'inverse qui s'est produit. En préconisant, vendredi 26 avril, "l'affrontement démocratique" avec l'Allemagne pour assouplir les politiques d'austérité en Europe, certains éléments de la majorité ont déclenché une avalanche de critiques de la droite, mais pas seulement.
Entre volonté de s'opposer à la rigueur prônée par Angela Merkel et nécessité de préserver les relations franco-allemandes, le parti de la majorité est apparu divisé tout le week-end, avant de militer, lundi, pour la recherche du compromis. Retour sur trois jours mouvementés à gauche.
Un texte mentionne l'hostilité du PS à l'égard de Merkel
Tout est parti d'un texte de travail, destiné à préparer la convention du PS sur l'Europe, prévue en juin. Dans ce document, dont Le Monde a eu connaissance vendredi, la direction du Parti socialiste critique vertement l'Europe de l'austérité et sa meilleure avocate, Angela Merkel.
Le projet de résolution invite notamment la gauche européenne à "s'indigner" contre"les recettes qui ont conduit au pire : le libre-échange commercial comme seul horizon des relations extérieures, l'austérité comme étalon à l'intérieur de nos frontières". Et le PS d'égratigner la chancelière allemande, à "l'intransigeance égoïste." "Les socialistes français veulent l'Europe. Ce qu'ils combattent, c'est l'Europe de droite et son triptyque : dérégulation, désindustrialisation, désintégration", martèlent encore les rédacteurs du texte de travail, pilotés par Jean-Christophe Cambadélis.
Quelques jours plus tôt, le président de l'Assemblée, Claude Bartolone, avait déjà prôné l'opposition à Berlin sur la rigueur : "[François Hollande] appelle cela la 'tension amicale' ; pour moi, c'est la tension tout court et, s'il le faut, la confrontation. La France doit pouvoir combattre la conception de la droite européenne (...)", avait-il dit au Monde.fr.
L'exécutif recadre le PS
A peine cette charge du PS rendue publique, le Parti socialiste est sommé de reculer. "On a eu le texte jeudi soir très tard et nous avons tout de suite réagi", confie au Journal du Dimanche un membre de l'équipe de Jean-Marc Ayrault, qui confirme au passage avoir transmis le document à l'Elysée. Et le Premier ministre de tweeter dimanche : "On ne résoudra pas les problèmes de l'Europe sans un dialogue intense et sincère entre la France et l'Allemagne." En allemand et en français.
On ne résoudra pas les problèmes de l'Europe sans un dialogue intense et sincère entre la France et l'Allemagne.
— Jean-Marc Ayrault (@jeanmarcayrault) April 27, 2013
"C'est justement grâce à ce dialogue intense et respectueux que nous donnerons un nouvel élan au projet européen et que nous trouverons le chemin de la croissance", répète-t-il lundi dans un entretien au quotidien régional La Dépêche. Allemagne et France sont "les piliers de l'Europe et cette responsabilité nous oblige", assure-t-il.
Au final, toutes les mentions explicites à la chancelière allemande sont gommées de ce projet de résolution. Et le texte comporte désormais la phrase suivante : "Nous voulons redonner toute sa valeur, toute sa force et tout son sens à l’amitié franco-allemande."
Les ministres défendent "le compromis"
Dimanche, Manuel Valls et Michel Sapin sont montés au créneau pour défendre l'amitié franco-allemande. "Oui pour un débat avec l’Allemagne. (...) En revanche, l’affrontement avec l’Allemagne, c’est non", a asséné le ministre de l'Intérieur dans Le Parisien, s'en prenant également violemment à Claude Bartolone, lequel a tenu des "propos irresponsables, démagogiques et nocifs", poursuit Manuel Valls.
Invité d'Europe 1, Michel Sapin, le ministre du Travail, est allé dans le même sens et a averti : "Si un pays se replie sur lui-même, l'Allemagne sur elle-même ou la France sur elle-même, ça aboutira au pire."
Pour Bernard Cazeneuve, ministre du Budget, et auteur d'une tribune dans Libération lundi, "l'histoire (...) nous enseigne que les compromis les plus utiles à l'Europe se sont toujours construits, au terme de discussions franches et sans concessions entre la France et l'Allemagne".
Tout en assurant que la France n'est pas "à la remorque de l'Allemagne", le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, met aussi en avant les vertus du compromis dans la relation Paris-Berlin : "L'Union européenne, c'est d'abord le fonctionnement des institutions communautaires ainsi que le dialogue et l'amitié entre nos deux pays, à partir de positions différentes le cas échéant, mais débouchant sur un compromis dont la qualité dépend de notre force de conviction", a-t-il réagi sur Le Monde.fr.
Des voix discordantes persistent
Attaqué par ses camarades, Claude Bartolone a répliqué dimanche. Le président de l'Assemblée a publié sur son blog une note intitulée "Tempête dans un verre d'eau". Elle commence par la définition donnée par le Larousse du mot polémique "confrontation" : "action de rapprocher des choses, de les comparer en les opposant." ll demande aux ministres de s'habituer à ces prises de parole des élus de la majorité, qu'il appelle "au courage", avec cette promesse : "Moi, je ne me tairai plus."
Razzy Hammadi, secrétaire national du Parti socialiste aux services publics, a quant à lui assuré soutenir "les formules de Claude Bartolone [qui] sont frappées du bon sens de la gauche." Il s'interroge sur le fait que les textes du Parti soient "soumis à amendement direct par le gouvernement".
C'est sur son blog également que Jean-Christophe Cambadélis, le secrétaire national du PS chargé de l'Europe, qui a piloté la rédaction du texte incriminé, réplique. Il dénonce "une certaine hypocrisie française" : "Tout le monde sait que le texte de la convention est cohérent, charpenté, (...) et ne serait se réduire aux formules déjà gommées", scande le député de Paris. Invité sur LCI lundi, il a par ailleurs indiqué qu'il demanderait la suspension du PS de celui ou celle qui a fait fuiter le brouillon de la discorde.
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