Benoît Schneckenburger, un philosophe-karatéka dans les pas de Jean-Luc Méléchon
Benoît Schneckenburger est un hyperactif méthodique. Militant dans l'âme et philosophe de profession, ce quadragénaire fait partie de la garde rapprochée du candidat du Front de gauche à la présidentielle, qu'il connaît depuis près de vingt ans.
"Comme partout, il y a des gens qui aiment bien être sur les affiches. Moi, ça ne m'intéresse pas", dit Benoît Schneckenburger. Philosophe féru de politique, Benoît plante le décor : il est peu sensible à la "lumière". Issu "d'une famille peu politisée", ce natif du nord des Hauts-de-Seine a une double fonction au sein du parti du gauche (PG) co-présidé par Jean-Luc Mélenchon : la formation des militants et le service d'ordre.
Une singularité parmi d'autres pour cet agrégé de philosophie, par ailleurs ceinture noire de karaté.
Une étonnante capacité à convaincre
1992, un soir tard. Alors qu'il revient d'un "collage" avec deux ou trois camarades, Benoît Schneckenburger croise Jean-Luc Mélenchon. "Ha, c'est vous qui colliez des affiches, maintenant il faut que vous écriviez des tracts". Dire que cette rencontre fut marquante est une évidence. Elle fut même structurante sans doute.
Des "cathos de gauche" du collège à SOS racisme au lycée, en passant par le collectif des jeunes libertaires à l'université et le parti socialiste, le jeune étudiant a croisé nombre de dirigeants à cette époque mais "sans aucun échange intéressant".
Avec l'ancien trotskiste tendance lambertiste Jean-Luc Mélenchon, c'est différent. "J'ai été impressionné par son discours, sa capacité à convaincre", se souvient Benoît décrivant un homme qui, aujourd'hui encore, "travaille beaucoup et fait partager son amour de la culture et de la lecture à tous les militants".
"Je trouvais surprenant dans le paysage de l'époque, qu'un dirigeant de son envergure se mette à discuter des théories quantiques de Mendel et de leur application à la politique", poursuit-il.
Il préfère le rapport de forces politiques
1997, l'affaire des sans-papiers de l'église Saint Bernard. Benoît quitte le PS jugeant "complètement contradictoire la politique et le discours officiel de la majorité des socialistes". Direction le syndicalisme où il milite pendant plusieurs années jusqu'à ce que l'effervescence autour du "non" au traité européen le ramène à la politique.
Il reprend contact avec Mélenchon "la semaine avant qu'il ne quitte le PS" et il se retrouve dès sa naissance, au sein du Parti de gauche, avec "deux casquettes" : la formation des militants et le service d'ordre. Désormais, c'est lui qui l'accompagne régulièrement "sur les trajets pour éviter tout problème", des flâneries agrémentées de riches discussions.
"La présence suffit souvent", souligne ce karatéka attiré par "le rapport à soi et la maîtrise" de cet art martial. "En situation de violence, on a des camarades capables d'agir", ajoute-t-il préférant de loin, le rapport de forces politiques.
Rendre la philosophie populaire
Enseignant dans un lycée parisien le jour, formateur le week-end, garde du corps à d'autres heures, Benoît reconnaît "dormir peu", veille à ne pas mélanger les registres - "un abus de pouvoir" inconcevable pour ce "libertaire anti-libéral" - et à ne pas s'enfermer dans la politique. Son credo, les structures collectives ; son projet, la construction d'un parti fort ; sa vocation, la transmission des moyens du savoir "montrer que c'est à chacun d'ouvrir son esprit".
"Je suis de ceux qui pensent que la raison est partagée par tous". "Rendre la philosophie populaire, ce n'est pas la galvauder, c'est semer les germes de curiosité, semer les germes de compréhension", détaille-t-il en se référant à Diderot. Pour lui, le savoir ne doit pas être confisqué mais transmis parce qu'il sert à chacun à se libérer.
"C'est difficile mais important", insiste-t-il. Et d'évoquer Auguste Comte "pourtant pas un dangereux révolutionnaire qui donnait des cours de philosophie populaire dans le milieu ouvrier".
Analyse morale et analyse marxiste
Expert en histoire de la philosophie politique et observateur attentif des temps modernes, il assure : "On est à un moment de bouleversement du modèle de civilisation". A l'appui de son affirmation, il avance une configuration inédite : "On est face à trois crises : une crise écologique qui va bouleverser nos modes de production, d'échanges et de répartition des richesses, une crise économique avec une spéculation financière qui a pris une place inouïe et une crise de confiance dans les démocraties".
Si ces trois crises entrent en conjonction, on va aboutir à quoi ? se demande-t-il. "Il ne suffit pas d'avoir des idées d'indignation pour que les choses bougent", lance-t-il, pointant au passage "une différence de fond entre l'analyse morale et l'analyse marxiste".
Pour lui, le rôle d'un parti politique de gauche est de rappeler aux gens qu'ils sont les acteurs du système. "Tous les libéraux disent au contraire que la politique doit être réduite au maximum… Ils sont fondamentalement antidémocrates. Si le peuple se mêle de politique pour eux, c'est la catastrophe".
Une autre vision du monde
S'il se plait à scruter le passé et disséquer le présent, Benoît goûte peu la politique fiction. Quel rôle aimerait-il jouer en cas de victoire de Jean-Luc Mélenchon en 2012 ? Silence. Re-question .Blanc. Relance. "Eventuellement, dans mes domaines de compétences… Si on créé une structure en charge de l'éducation populaire comme cela se fait au Vénezuela".
En attendant, il souhaite "que la campagne ne soit pas confisquée par une sorte de bipartisme, qu'une autre voie s'exprime » et « que la logique ne soit pas entre plus ou moins de rigueur : une rigueur de Sarkozy et une rigueur de Hollande". D'où le rôle des médias : "On est dans une démocratie mais dans une démocratie d'opinion et l'opinion n'est pas donnée. Elle est construite".
"C'est un travail politique de dire qu'il n'y a pas qu'une vision du monde", soutient celui qui plaide pour une réaffirmation "de l'autonomie et de la dignité de l'action politique".
L'optimiste du pessimisme
Pour ce qui est des objectifs, pas d'ambiguïté : "On vise un score à deux chiffres. On doit être en capacité de dire qu'une partie des citoyens en France est pour une autre gauche" et "faire comprendre au PS que la logique n'est pas la recherche, par avance, d'une position médiane au centre…. que le centre névralgique est à gauche".
Et en cas d'échec, où ira sa voix ? "On ne peut pas savoir à l'avance. C'est ce que l'on va faire qui importe. Je pense que le pire est possible donc qu'il faut tout faire pour l'éviter… Je suis un optimisme du pessimisme".
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