Brésil : qu'est-ce qui cloche dans la vie quotidienne ?
Les manifestants dénoncent les dépenses astronomiques du Mondial 2014, mais ils protestent avant tout contre l'explosion des prix dans tous les domaines.
"Pas de football, mais de l'éducation !" A un an du Mondial, des dizaines de milliers de Brésiliens descendent dans la rue. La facture démesurée de la Coupe de monde, qui s'élève à 15 milliards de dollars (environ 11 milliards d'euros) est surtout un prétexte. Les Brésiliens dénoncent la hausse des prix, qui dépasse 6,5% au mois de mai 2013 dans un pays pour qui les années de croissance folle semblent terminées. Le Brésil est en outre le 17e pays le plus inégalitaire du monde, avec un coefficient de 51,9 selon l'indice de Gini, où 100 signifie l'inégalité totale et 0 l'égalité totale. Et dans la vie quotidienne, cela donne quoi ?
Les transports
Se déplacer, ça coûte combien au Brésil ? "Ici, un employé touche un salaire minimum de 678 réaux (244 euros) et on veut nous faire payer 3,20 réaux (1,12 euro) pour un billet de transport", lit-on parmi les commentaires acerbes sous les hashtags #acordabresil ou #vemprarua sur Facebook. A titre de comparaison, un salarié au smic à Paris peut se payer 841 allers-retours, alors qu'un Brésilien ne peut en payer que 217.
Qu'est-ce qui a provoqué la colère ? Une hausse de 20 centimes. Le 6 juin, après le passage du prix du ticket de métro et bus de 3 à 3,20 réaux (1,05 à 1,12 euro), la foule a défilé à São Paulo sous le slogan "Si les prix ne baissent pas, São Paulo va s’arrêter", rapportait le site Aujourd'hui le Brésil.
Qu'est-ce que cela révèle ? Plus globalement, c'est surtout la mauvaise qualité des transports qui indigne les Brésiliens. "Ici, à São Paulo, où j’habite, les métros et les bus sont bondés le matin et le soir, le trafic est chaotique et il y a beaucoup d'embouteillages. Et la qualité de transports ne s'améliore pas... nous ne voyons pas d’introduction de nouvelles lignes, ni d'augmentation de la fréquence des métros ou des autobus. Les gens se demandent alors où part leur argent. C’est un peu le cas de toutes les villes brésiliennes", détaille Emerson Fernandes Marçal, le coordinateur du département des études macroéconomiques à l’Ecole d’économie de São Paulo.
Les produits alimentaires
Manger, ça coûte combien au Brésil ? D’après Numbeo, un site participatif qui recense les prix dans différents pays du monde, les prix des aliments au Brésil ne diffèrent pas beaucoup de ceux pratiqués en France. Le problème, c'est que le salaire minimum au Brésil est quatre fois moins élevé que le smic français.
Qu'est-ce qui a provoqué la colère ? La tomate. Alors que, début 2011, un kilo de tomates coûtait environ 1 euro, "fin 2012, le prix est grimpé jusqu'à 2,43 euros", rapportait la BBC (en anglais) en avril 2013. "Certains restaurateurs, ici à São Paulo, ont annoncé qu’ils retireraient la tomate de leur menu tant que les prix ne seraient pas revenus à un niveau normal", raconte Emerson Fernandes Marçal. Aujourd'hui, en France, on peut acheter 421 kilos de tomates avec un smic. Au Brésil, quelqu'un qui touche le salaire minimum ne pourrait en acheter que 100.
Qu'est-ce que cela révèle ? A l'image de la tomate, les prix d'autres denrées alimentaires se sont envolés. Celui des oignons a grimpé de 70% en un an, celui du riz de 20% et celui du poulet de 23%. "Depuis le début 2012, les prix ont explosé. Les responsables sont à chercher dans la météo (une sécheresse suivie de pluies trop abondantes) et dans la hausse du prix du pétrole, qui augmente le coût des importations", explique l'économiste brésilien.
L'immobilier
Se loger, ça coûte combien au Brésil ? Pour louer un deux-pièces à São Paulo, il faut débourser environ 3 000 réaux (environ 1 000 euros), sans compter les frais d'électricité, d'eau ou de chauffage. Les coûts sont quasi les mêmes dans d'autres grandes villes du pays.
Comment cela a-t-il évolué ? Le Brésil est le champion du monde de la hausse des prix dans l’immobilier en 2012, explique Forbes (en anglais). Selon le journal économique, ils ont augmenté de 13,7% de 2011 à la fin 2012. Aujourd’hui, un mètre carré coûte 6,806 réaux (2 340 euros) à São Paulo et 8 300 réaux (2 850 euros) à Rio de Janeiro.
Qu'est-ce que cela révèle ? Le Figaro expliquait déjà en 2011 que la croissance économique, la hausse du réal et la pacification des favelas par la police avaient dopé les prix. "On note une hausse des prix de l’immobilier depuis dix ans déjà. Les préparatifs pour la Coupe du monde de foot en 2014 et les Jeux olympiques en 2016 ont poussé ces prix encore davantage à la hausse. Il y a beaucoup plus de demande, ce qui fait monter les prix", s’indigne Emerson Fernandes Marçal.
L’éducation
Aller à l'école, ça coûte combien au Brésil ? Les écoles publiques sont gratuites, mais… "Si vous voulez une bonne école pour vos enfants, vous les enverrez dans une école privée. Et cela coûte cher. J’ai deux enfants de moins de 10 ans et je paie plus de 700 euros par mois et par enfant", explique Emerson Fernandes Marçal.
Qu'est-ce qui dérange ? L'état de l'éducation publique. En août 2012, une élève de 13 ans a créé avec un certain succès une page Facebook dans laquelle elle dénonce les carences des écoles publiques brésiliennes. La jeune Isadora Faber a notamment publié des photos et des vidéos qui montrent l'état lamentable de son établissement.
Qu'est-ce que cela révèle ? Une inégalité profonde du système éducatif. Le site Voxxi (en anglais) parle même d'un "apartheid". Plus de 80% des jeunes Brésiliens étudient dans les écoles publiques, faute de moyens, mais sont confrontés à la pénurie de matériel et d'enseignants, ainsi qu’à la violence.
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