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Cancer : Michael Douglas a-t-il raison d'incriminer le cunnilingus ?

L'acteur a expliqué, dimanche, que son cancer de la gorge était le fait d'une pratique intense du sexe oral sur ses partenaires féminines. Explications.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Pour l'assurance-maladie britannique, des études montrent que "pratiquer le cunnilingus est plus risqué que pratiquer la fellation". (NIKO GUIDO/E+/GETTY IMAGES)

On pensait la pratique inoffensive, ou presque, et pourtant... L'acteur américain Michael Douglas, qui souffre depuis trois ans d'un cancer de la gorge, a dénoncé, dimanche 2 juin, la raison de son mal : "Ce cancer très spécifique est causé par le virus du papillome humain et provient [de la pratique] du cunnilingus."

Alors, déclaration fantaisiste ou risque bien réel ? Les relations buccogénitales peuvent-elles, comme le tabac, favoriser le cancer ? Francetv info vous dit si l'acteur aurait dû tourner sept fois sa langue dans sa bouche.

Qu'est-ce que le papillomavirus ?

Le virus du papillome humain (VPH) que l'acteur accable est un virus avec lequel 70% de la population sexuellement active entrera en contact un jour ou l'autre. Sa transmission, qui ne nécessite pas de pénétration, se fait par voie muqueuse ou simplement cutanée. Dans 90% des cas, le VPH est naturellement éliminé par l'organisme. Autrement, il donne lieu à des infections bénignes, comme des verrues ou des condylomes. Mais il peut aussi causer des cancers de l'anus, du pénis et surtout de l'utérus, dont le VPH est responsable dans 99% des cas en France, d'après la Ligue contre le cancer (PDF)

On observe déjà une légère augmentation du nombre de cancers de la gorge. Et des études ont montré que la tendance est à la hausse en ce qui concerne la présence du VPH dans les tumeurs ou la salive des malades. Maura Gillison, professeure de médecine à l'université de l'Ohio (Etats-Unis) et spécialiste du papillomavirus, rappelle sur le site américain NPR (en anglais) qu'une équipe de chercheurs suédois a trouvé qu'en 2005, 93% des tumeurs de la gorge étaient testées positives au VPH, contre 23% en 1970.

La chercheuse, dont certains travaux ont été financés par le laboratoire Merck, qui commercialise un vaccin contre le VPH, renchérit, sur le Guardian (en anglais) : "Aux Etats-Unis, on constate une hausse de 200% de l'incidence des cancers oropharyngés associés aux VPH ces vingt dernières années." Maura Gillison estime même sur NPR que 64% de ces cancers sont causés par le VPH aux Etats-Unis – ce qui en ferait la première cause de cancer de la gorge dans le pays, alors que le tabac conserve la première place dans le reste du monde.

Cunnilingus : attention, danger ? 

Des liens ont pu être établis par certains scientifiques entre papillomavirus humain et cancer de la gorge. Ce genre de virus ne se transmettant que par contact sexuel, il n'a pas fallu longtemps à Maura Gillison pour relier la maladie au sexe oral. Dans une étude, elle montre que le fait d'avoir pratiqué cunnilingus ou fellations avec plus de six partenaires au cours de sa vie multiplie par huit au moins le risque de développer un cancer oropharyngé – contre trois pour les fumeurs, indique le Telegraph (en anglais). Les personnes les plus sujettes à ce type de cancer aujourd'hui aux Etats-Unis ont entre 40 et 60 ans : elles ont découvert la bagatelle pendant la révolution sexuelle américaine, dans les années 1960-1970, souligne Maura Gillison, qui y voit un lien de cause à effet.

Michael Douglas invoque le cunnilingus, mais la fellation est-elle aussi dangereuse ? En principe oui, sauf qu'une étude américaine citée par le Guardian a montré qu'aux Etats-Unis, 10% des hommes seraient infectés par le VPH au niveau oral, contre 3,6% des femmes. "Ce qui indique que pratiquer le cunnilingus est plus risqué que pratiquer la fellation", conclut la NHS, l'assurance-maladie britannique.

Faut-il prévenir (plutôt que s'abstenir) ?

Il n'existe à ce jour pas de traitement pour se débarrasser du VPH. Pour les femmes, des frottis réguliers permettent de le dépister et agir à temps en cas de cancer du col de l'utérus, qui tue encore 1 000 personnes chaque année.

Un vaccin existe, conseillé aux adolescentes avant leur premier rapport sexuel ou "dans l'année suivant le début de leur vie sexuelle", selon les recommandations de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé (PDF). Mais il est très coûteux et certains médecins jugent son efficacité discutable, comme le rappelle Martin Winckler sur son blog. Alors faut-il songer à vacciner aussi les jeunes hommes pour diminuer le risque de cancer de la gorge ? Maura Gillison n'en doute pas : "Cela les protégera des verrues génitales, du cancer de l'anus et un effet secondaire les protégera peut-être des cancers oropharyngés causés par le VPH", affirme-t-elle au Telegraph.

Mais pour Martin Winckler, les cancers oropharyngés liés au sexe sont une nouvelle "mode", qui profite "à ceux qui ont quelque chose à nous vendre". Pour lui, "on oublie que les deux facteurs les plus importants de cancer sont la consommation d’alcool et de tabac (bien plus élevée chez les hommes que chez les femmes)" et que "les facteurs environnementaux, comme la pollution, les additifs alimentaires et les pesticides ne sont pas pris en compte".

En attendant, pour diminuer le risque de transmission du papillomavirus et vous protéger des infections sexuellement transmissibles comme le VIH, on ne saurait que trop vous conseiller l'utilisation d'une digue dentaire ou d'un préservatif lors de vos ébats buccaux.

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