Polanski président de la cérémonie des César : retour sur l'affaire de viol qui le poursuit depuis 40 ans
L'Académie des César et Canal+ ont annoncé mercredi 18 janvier que le réalisateur présiderait la 42e cérémonie des trophées du cinéma français. Et cela ne plaît pas à tout le monde.
Artiste accompli et figure majeure du cinéma mondial, le réalisateur franco-polonais Roman Polanski, âgé de 83 ans, est, par ailleurs, poursuivi en justice pour le viol d'une mineure en 1977. La justice américaine réclame son extradition depuis des années. Mais le cinéaste ne sera pas extradé vers les Etats-Unis : une décision de la Cour suprême de Pologne, rendue le 6 décembre 2016, a mis fin à la procédure.
Pour autant, le dossier n'est pas clos aux Etats-Unis, car la justice américaine exige la présence de Roman Polanski devant un tribunal pour rendre son verdict. C'est cette situation qui déplaît à de nombreux internautes, mercredi 18 janvier, alors que l'Académie des César et Canal+ ont annoncé que le réalisateur serait le président de la 42e cérémonie des trophées du cinéma français. Beaucoup critiquent cette décision, et certains appellent au boycott de la cérémonie avec le mot-clé #BoycottCesar sur Twitter.
#BoycottCesar
— Mirka. (@miroslavazetkin) 18 janvier 2017
Parce qu'on n'oubliera jamais le crime de #Polanski, et la lâcheté avec laquelle il a échappé à toute conséquence.
Les César sans moi cette année... On me dira haters gonna hate. Je ne cautionne pas du tout la présence de Polanski !!!! #BoycottCesar
— Clém L (@misterclem) 18 janvier 2017
Je #BoycottCesar #Cesars2017 pas d'autre commentaire à faire.
— Chloé Bdll (@ChloeB95) 18 janvier 2017
La blogueuse féministe Mirion Malle, étudiante en sociologie et études de genre, avait déjà résumé l'affaire dans une BD, en septembre 2016.
Roman Polanski, violeur et réalisateur,présidera les #Cesar2017. @ohhmarion parle de l'impunité des hommes célèbres: https://t.co/0uqGdGZsQ2 pic.twitter.com/7kbE5k7KCr
— Camille R. (@_camille_r) 18 janvier 2017
Pour mieux comprendre, franceinfo résume les principales dates de ces quarante années de procédure judiciaire.
Dans les années 70, le début de l'affaire
Au printemps 1977, Roman Polanski est accusé du viol de Samantha Geimer, en marge d'une séance de photographie chez l'acteur Jack Nicholson, en Californie. A l'époque, le cinéaste a 43 ans, la jeune fille 13 ans. Sa famille dépose plainte et six chefs d'inculpation sont retenus, dont viol, sodomie et fourniture de drogues à un mineur. Roman Polanski plaide non coupable.
Finalement, une négociation est proposée. le cinéaste accepte de plaider coupable en échange de l'abandon des charges les plus graves. Seule l'accusation de détournement de mineure est retenue. Le 8 août 1977, un accord est conclu pour éviter un procès public. Mais avant de prononcer la peine, le juge exige une évaluation psychiatrique, pendant trois mois, en prison. Le 17 décembre, Roman Polanski est incarcéré à l'hôpital-prison de Chino, en Californie. Il y passe un mois et demi, puis il est libéré avec une expertise favorable.
A sa sortie de prison, il apprend qu'il risque 50 ans de réclusion. Le juge aurait en effet changé d'avis et souhaité une peine plus lourde, relate Le Monde. Mais ce scénario est impossible à vérifier car le juge est mort en 1993. Paniqué, Polanski s'envole pour Paris à la veille de l'audience du 1er février 1978, qui doit déterminer sa peine. Le 24 février, la justice américaine refuse de rendre un verdict en son absence. Le dossier ne sera pas rouvert pendant une quinzaine d'années.
Le tournant de 1994
Le 23 août 1994, le procureur chargé de l'affaire exige la présence du cinéaste devant le tribunal. Une nouvelle législation change la donne et fixe le maximum de sa peine à quatre ans. Entre-temps, Polanski a mis un terme au procès au civil, en échange du versement de 225 000 dollars à la victime, Samantha Geimer.
Arrêté en Suisse dans les années 2000
Samantha Geimer lui "pardonne" publiquement le 1er mars 2003, mais répète qu'elle a subi un viol. Trois semaines plus tard, Roman Polanski reçoit l'Oscar du meilleur réalisateur pour Le Pianiste, mais n'assiste pas à la cérémonie.
Le 3 décembre 2008, ses avocats américains demandent l'abandon des poursuites, car ils affirment disposer de preuves montrant l'iniquité de la procédure pénale. Mais le juge refuse la requête de relaxe en l'absence du cinéaste.
Roman Polanski est finalement arrêté à Zurich (Suisse), le 26 septembre 2009. Il s'est rendu en Suisse pour être honoré pour l'ensemble de son œuvre. Il est incarcéré. Les Etats-Unis demandent son extradition, mais il refuse. Une pétition internationale en faveur de sa libération recueille de nombreuses signatures.
Le cinéaste franco-polonais est libéré le 25 novembre, lorsque la justice suisse accepte sa libération contre une caution de 4,5 millions de francs suisses (3 millions d'euros). Il est assigné à résidence avec sa famille dans son chalet de Gstaad, le 4 décembre 2009.
Une procédure d'extradition lancée en 2014, mais close deux ans plus tard
Roman Polanski n'est pas assigné à résidence très longtemps : les autorités suisses rejettent la demande d'extradition américaine le 12 juillet 2010. Le réalisateur est libre de ses mouvements. Entre-temps, une cour d'appel californienne a rejeté une demande d'abandon des poursuites, présentée par Samantha Geimer. Et l'actrice britannique Charlotte Lewis accuse à son tour Roman Polanski d'avoir abusé sexuellement d'elle, au début des années 1980, quand elle avait 16 ans. Les avocats de Polanski la menacent de poursuites.
L'affaire rebondit en 2014, lorsque le réalisateur se rend à Varsovie. Les Etats-Unis demandent à la Pologne de l'interpeller. En fait, il est entendu par un juge et laissé en liberté. Un an plus tard jour pour jour, un tribunal de Cracovie annonce sa décision : elle refuse l'extradition demandée par la justice américaine.
En 2016, la Pologne conteste devant la Cour suprême la décision du tribunal de Cracovie. La décision est annoncée par le ministre de la Justice polonais. Mais le 6 décembre, la Cour suprême refuse de rouvrir la procédure d'extradition vers les Etats-Unis. Une décision qui met définitivement fin à la procédure d'extradition.
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