Pourquoi "Mad Max : Fury Road" énerve les antiféministes
Tout est parti d'un article publié sur un blog américain, qui dénonce la "propagande féministe déguisée en film de mec".
Ils s'attendaient à voir un blockbuster gorgé de testostérone et ont visiblement été déçus. Mad Max : Fury Road, presque unanimement qualifié d'épopée féministe, a donné de la fièvre au blogueur américain Aaron Clarey et ses compères antiféministes. Le premier a d'ailleurs déversé sa colère dans un article intitulé "Pourquoi vous ne devriez pas aller voir Mad Max : Feminist Road" (en anglais). Présenté en ouverture du festival de Cannes et déjà sorti en salles, le film de George Miller a pourtant été encensé par les critiques.
Mais pourquoi les antiféministes sont-ils fâchés avec ce nouvel épisode de Mad Max ?
Parce que Furiosa a plus de texte que Mad Max
Imperator Furiosa, incarnée par une Charlize Theron au crâne rasé, parle plus que Mad Max (Tom Hardy). Dans la bande-annonce en tout cas, car Aaron Clarey s'est arrêté là. Il n'a pas vu le film et refuse de le voir, mais cela ne l'empêche pas de dérouler sa longue critique contre ce "tract de propagande féministe déguisé en film de mecs". Et ce sont les dialogues qui lui ont mis la puce à l'oreille. "Charlize Theron était très présente dans la bande-annonce, alors que Tom Hardy ne faisait que des apparitions, explique-t-il. Elle parle vraiment beaucoup et je ne crois pas qu'il dise un mot". Et surtout, "à la fin, elle aboie des ordres sur Mad Max. Personne n'aboie sur Mad Max."
En guise d'ordre, Furiosa demande simplement son nom à Max (un peu fort, certes). Et surtout, Aaron Clarey n'a pas dû bien écouter la première voix off, qui est bien celle de Tom Hardy. Au final, Charlize Theron prononce peut-être deux phrases de plus que lui.
Mais il est clair pour beaucoup de médias que c'est bien Charlize Theron la star de Mad Max : Fury Road. Le film s'ouvre d'ailleurs sur Furiosa qui libère des femmes réduites à l'esclavage sexuel par Immortan Joe, et George Miller a sciemment décidé d'en faire "des héroïnes et non des victimes", comme l'explique RTL.
Parce qu'ils ne connaissent pas la saga "Mad Max"
En plus de ne pas avoir vu ce quatrième volet, il semble que le blogueur ait déjà raté la trilogie originelle. Pour preuve, "il écrit que 'personne n'aboie sur Mad Max' alors que pas mal de gens le font, en fait, relève Screenrant (en anglais), et considère la trilogie comme un bastion de l'hétéronormativité", quand certains personnages masculins portent des pantalons troués laissant voir leurs fesses nues, proches de l'iconographie gay de l'illustrateur Tom of Finland.
Il ignore donc aussi que la trilogie a toujours donné de l'importance aux personnages féminins. Dans le premier volet, en 1979, "la compagne de Max [dont l'assassinat déclenche la folie meurtrière de Max] est centrale, elle constitue véritablement son pivot émotionnel, moral et symbolique", rappelle Ecran large. Dans Mad Max 3 : le Dôme du Tonnerre, Tina Turner incarne Entity, une femme de pouvoir qui règne d'une main de fer sur Bartertown.
Pas étonnant, donc, qu'en 2015, l'humaniste et visionnaire George Miller donne encore plus de place à ses personnages féminins. "George a cette compréhension innée du fait que les femmes sont aussi complexes et intéressantes que les hommes", raconte d'ailleurs Charlize Theron, citée par Mashable (en anglais).
Parce qu'ils se sentent menacés par les femmes
Pour comprendre la colère de l'auteur, il faut également relire son texte dans son jus. Son blog s'appelle Return of the Kings (le retour des rois) et les auteurs le présentent, ici, comme un "blog pour les hommes hétérosexuels et masculins", sur lequel "les femmes et les homosexuels ne sont pas invités à commenter". Ils estiment, dans leur profession de foi, que "la valeur d’une femme se mesure à sa fertilité et à sa beauté. Celle d’un homme dépend de son intelligence et de son caractère."
La libération d'esclaves sexuelles par une autre femme, puissante et capable de se battre, gêne terriblement ces messieurs qui souhaitent "le retour de l'homme masculin dans un monde où la masculinité est de plus en plus punie, au profit d'une société androgyne et politiquement correcte qui permet aux femmes d'affirmer leur supériorité et de contrôler les hommes". Alors quand Furiosa rappelle tout simplement que "les femmes ne sont pas des objets", le message n'est pas révolutionnaire, mais il suffit à hérisser le poil des bonshommes qui se sentent menacés, partout, tout le temps, par les femmes. Et que dire de cette ceinture de chasteté coupée à la tenaille ?
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