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Comment des escarpins sur des tapis de prière ont fait tourner une expo au fiasco

Après une semaine de polémiques, les commissaires d'une exposition organisée à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) ont annoncé le retrait définitif de l'œuvre et de celles de "la majorité" des autres artistes. Chronique d'un fiasco.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
"Silence", œuvre de Zoulikha Bouabdellah, lors de son installation au Pavillon Vendôme, à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine). (ZOULIKHA BOUABDELLAH / ALEXANDRE MAYEUR / GALERIE ANNE DE VILLEPOIX)

Avec ses escarpins, alignés sur des tapis de prière musulmans, Zoulikha Bouabdellah ne s'attendait pas à faire autant de bruit. Face à la polémique, l'artiste franco-algérienne "a renoncé définitivement" à exposer son installation Silence à Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), ont fait savoir, dimanche 1er février, les commissaires de l'exposition Femina ou la réappropriation des modèles.

>>> Des escarpins sur des tapis de prière retirés d'une exposition : l'artiste s'explique

Dans la foulée, "la majorité [des autres artistes] demande le retrait de leurs œuvres", écrivent Charlotte Boudon et Christine Ollier dans un communiqué. "Dès [lundi], des œuvres seront décrochées et restituées aux artistes qui le demandent, et pourront être remplacées par un communiqué." Comment en est-on arrivé là ? Francetv info vous explique comment cette exposition a tourné au fiasco.

"L'inquiétude" d'une association musulmane

Avec ses escarpins, sagement alignés sur des tapis de prière, Zoulikha Bouabdellah "rend hommage" au "militantisme des femmes au sein des sociétés musulmanes". "On a une image erronée des femmes au sein de l'islam, raconte l'artiste à francetv info mercredi. Elles sont vues comme des personnalités figées, indolentes, soumises. Ce n'est pas le cas. Silence rend hommage à leur dynamisme."

L'œuvre avait déjà été exposée à Paris, Berlin, New York, ou Madrid. Sans jamais soulever de polémique jusqu'alors. Mais jeudi 22 janvier, "à la fin de l'accrochage", les commissaires indiquent avoir été informés "par la mairie de mises en garde émanant de représentants d'une fédération de citoyens clichois de confession musulmane sur 'd'éventuels incidents irresponsables' non maîtrisables pouvant survenir". "J'ai fait part de leurs inquiétudes à tous les membres de la majorité [municipale]", confirme au Parisien Nicolas Monquaut, adjoint (PCF) à la culture.

Passes d'armes entre la mairie et les responsables de l'exposition

Zoulikha Bouabdellah décide alors de remplacer Silence par Dansons, une installation vidéo où l'artiste danse "avec trois foulards aux couleurs de la République, sur fond de Marseillaise". Sauf que des artistes exposés à Clichy s'émeuvent de ce changement de dernière minute, survenu dans le contexte des attentats perpetrés début janvier en France. L'artiste ORLAN dénonce ainsi une "censure". "C'est la porte ouverte à toutes sortes de restrictions insidieuses de notre liberté d'expression", écrit-elle dans une lettre ouverte, dans laquelle elle demande le décrochage de son œuvre.

Les commissaires reprochent alors au maire (PS) de la ville, Gilles Catoire, de leur avoir fait porter la décision de présenter ou non l'œuvre face à des "menaces potentielles" dont ils "ne pouvaient mesurer les conséquences". "Je ne suis pas là pour garantir l'ordre public", explique à francetv info Zoulikha Bouabdellah. Il n'était "pas question pour moi de choisir telles ou telles œuvres pour une exposition qui est sous la responsabilité des organisateurs", répond l'édile dans un communiqué.

"Je n'ai pas conçu 'Silence' pour choquer"

Finalement, des discussions reprennent entre la municipalité et les responsables de l'exposition. Mercredi soir, un accord est semble-t-il trouvé : Libération annonce même le raccrochage, dès jeudi, de Silence. Sauf que dans la nuit, tout tombe à l'eau. Par e-mail, Zoulikha Bouabdellah fait savoir qu'elle ne souhaite pas réintégrer son œuvre, en raison de l'absence de "réponses claires" de la mairie, notamment sur les "conditions de sécurité" de l'exposition. "Je n'ai pas conçu Silence pour choquer ou provoquer", martèle l'artiste à nouveau.

L'annonce prend de cours tout le monde, confie jeudi matin à francetv info Stéphane Magnan. Représentant de plusieurs artistes de l'exposition, il espère encore à ce moment-là faire changer d'avis Zoulikha Bouabdellah. Mais le revirement ne s'est pas produit. Les commissaires de l'exposition confirment, dimanche, le retrait définitif de son oeuvre et de celles de "la majorité des autres artistes", taclant une nouvelle fois au passage le maire pour son "manque de soutien".

Plus tôt, le maire socialiste Gilles Catoire, avait dénoncé un événement "préparé en dépit du bon sens", sans que la municipalité ne soit "associée". L'exposition devait s'achever le 26 avril prochain.

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