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Nabilla chez Gaultier, Zahia chez Lagerfeld : pourquoi les créateurs recrutent des bimbos

Coup de cœur ou récupération marketing ? Francetv info s'est interrogé sur cette nouvelle mode chez les stylistes.

Article rédigé par Ariane Nicolas
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
La starlette de téléréalité Nabilla et Jean-Paul Gaultier à la fin de son défilé haute couture automne-hiver 2013/14, à Paris, le 3 juillet 2013. (MIGUEL MEDINA / AFP)

Elles n'ont pas le même humour, ne sont pas devenues célèbres de la même manière et ne viennent pas du même milieu. Mais elles ont désormais un point commun — en plus du tour de poitrine : elles séduisent les créateurs de mode.

Après l'ancienne call-girl Zahia, encensée par Karl Lagerfeld, la starlette de téléréalité Nabilla, qui présentera une émission de téléréalité sur NRJ 12 dès septembre selon Le Parisien, a défilé pour Jean-Paul Gaultier à l'occasion de la Fashion Week, mercredi 3 juillet. Vrai coup de cœur, fantaisie passagère ou simple récupération marketing ? Francetv info s'est demandé pourquoi les stylistes faisaient appel à ces bimbos a priori plus Pimkie que Gucci.

"Objet de luxe" ou "touche de cirque"

Quand Michel Denisot lui demande sur le plateau du "Grand Journal" pourquoi il a pris des photos de Zahia Dehar, Karl Lagerfeld joue l'étonné : "Et pourquoi pas ? Elle est ravissante (…) Elle se tient comme une petite reine." En plus de son physique de poupée Barbie, Zahia représente selon lui "la tradition française de la courtisane". Facétieux, comme à son habitude, Lagerfeld compare le cadeau d'anniversaire de Franck Ribéry à des courtisanes de la Belle Epoque : Liane de Pougy, la Belle Otéro, Emilienne d'Alençon. En un mot, "fascinante".

La présence de Nabilla au défilé de Jean-Paul Gaultier n'est pas du même ordre, à en croire l'intéressé. La starlette des "Anges de la téléréalité", devenue célèbre avec son "Non mais allô quoi ?" a fait une apparition sur le catwalk, vêtue comme une lionne. Rugissements, coups de griffes et tignasse extravagante… Selon Elle.fr, qui s'est glissé en coulisses, le créateur n'a pas voulu se prendre trop au sérieux : "La mode, c'est de la comédie. J'ai voulu ajouter cette touche de cirque un peu à la Fellini, quelque chose de fluide et aérien. Il faut bien s'amuser." 

"Ne pas faire passéiste"

S'amuser, peut-être, mais aussi coller à l'air du temps. Zahia Dehar, énigmatique autodidacte, et Nabilla, très populaire sur internet, apportent une touche de jeunesse à des marques et des créateurs vieillissants. "C'est un phénomène de récupération assez classique, commente Estelle Colin, journaliste mode à France 2. Les créateurs ont recours à elles pour faire jeune, pour avoir l'air moderne et au final, plaire à tout le monde."

A tout le monde ? Les clientes qui achètent ces produits de luxe ne sont pourtant pas celles qui regardent des émissions de téléréalité. "Peu importe, dit Estelle Colin. L'essentiel, c'est de ne pas faire passéiste. A une époque, on a mis en avant des personnes de bonne famille. On est ensuite passé aux comédiennes, et maintenant, à Zahia et Nabilla. Mais souvenez-vous, il y a dix ans, Loana et Steevy, de "Loft Story", défilaient eux aussi pour Jean-Paul Gaultier." Des prénoms et des visages différents, mais au final, le même coup d'éclat qui fait jaser. 

La consécration de la "fast fashion"

Faire le buzz. Coûte que coûte. Tant pis pour la blondeur vulgaire, les chaussures douteuses ou les seins refaits. "Toutes les marques ont plongé tête baissée dans la peoplisation car cela leur assure des retombées presse", regrette Sylvie Barbier, auteure d'un Dictionnaire impertinent de la mode (Bourin Editeur). 

Pour cette journaliste, "Zahia et Nabilla sont des égéries éphémères, leur célébrité aura la durée de vie d'une mouche". Le vrai problème, selon elle, c'est que "même la haute couture est contaminée par la 'fast fashion'. Il y a quelques années, les créateurs sortaient deux collections par an. Aujourd'hui, c'est huit." En cause, notamment, les mastodontes comme Zara et H&M, qui "nous ont habituées à acheter de nouveaux vêtements tous les quinze jours."

Zahia Dehar pose à l'occasion de son défilé de lingerie printemps-été 2013, à Paris, le 23 janvier 2013. (MAXPPP)

Une mode éphémère, mais aussi des physiques de plus en plus standardisés. La mode des mannequins vedettes dont on pouvait citer les noms (Claudia Schiffer, Cindy Crawford…) est passée. "Aujourd'hui, reprend Sylvie Barbier, les mannequins se ressemblement toutes : des filles de l'Est, grandes, filiformes, aux yeux bleus. Sans personnalité." Face à elles, Zahia et Nabilla détonnent, d'autant que les mannequins de couleur sont presque absentes des podiums. "Nabilla est une beurette qui joue sur son image 'fille de banlieue' et n'a aucun complexe. Elle a donne un coup de frais à cet univers aussi aseptisé." Reste à voir si la fraîcheur est une qualité qui veillit bien.

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