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Guillon, Tati, Gainsbourg… Qui sont les recalés du métro ?

Ces dernières années, plusieurs affiches ont été bannies du métro parisien en raison de leur non-conformité à une règlementation qui suscite le débat.

Article rédigé par franceinfo
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L'affiche pour le spectacle de Stéphane Guillon, retirée des couloirs du métro parisien le 26 janvier.  (DR)

Stéphane Guillon sera à l'Olympia, à Paris, du 1er au 6 mai. Mais vous ne risquez pas de croiser l'humoriste dans le métro parisien. Pas qu'il ait été privé de pass Navigo, non ; c'est plutôt l'affiche de son dernier spectacle qui pose problème à la régie publicitaire de la RATP.

Jeudi 26 janvier, Métrobus a ainsi fait recouvrir les posters en question, où l'ont pouvait lire "En mai 2012 Guillon s'en va aussi…". Qu'il se rassure, ce n'est pas personnel. Depuis quelques années, nombreux sont les artistes qui n'ont pas pu faire leur promo au-delà des tourniquets. 

Les rebelles 

• Le slogan de Stéphane Guillon 

"Aussi". C'est le mot de trop sur l'affiche de Stéphane Guillon. Un adverbe qui désigne, on l'aura bien compris, Nicolas Sarkozy, chef de l'Etat et candidat sortant à la présidentielle. A la hâte, Métrobus a fait recouvrir les affiches, invoquant son "caractère politique". "Le problème, c'est que le slogan de l'affiche est politique, or notre convention avec la RATP nous interdit tout affichage à caractère politique - et tout particulièrement en période électorale", a expliqué la régie au Huffington Post.

Interrogée aussi, Ève De Dommartin, qui s'est occupée de la campagne de l'humoriste, s'étonne de cette décision : "En vingt ans de carrière, j'ai vu bien pire et nous trouvions même que cette affiche était très 'soft' pour du Guillon. Je suis tombée des nues. (…) Le même slogan pour un spectacle de Laurent Gerra serait passé. Le problème, c'est Stéphane Guillon."

L'humoriste a dénoncé sur son compte Twitter un acte de censure.

• La femme nue de Damien Saez

Jadis "jeune et con", en 2010, Damien Saez, 33 ans et relativement inspiré, a choisi un cliché du très réputé photographe et clippeur Jean-Baptiste Mondino pour illustrer son album J'accuse. On y voit une femme, nue, assise dans un chariot de supermarché.

L'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), interrogée à titre consultatif, se prononce en défaveur du placardage. L'affiche est retirée. Saez s'indigne, forcément. 

Pour l'auteur-compositeur-interprète, qui rend hommage avec le titre de son disque à la tribune d'Emile Zola en pleine affaire Dreyfus, l'affiche, l'album et la chanson éponyme entendent dénoncer la société de consommation. Naturellement, il revendique la liberté d'expression. "Des publicitaires portant le drapeau des droits de la femme ? C'est Tartuffe qui continue", s'insurge le chanteur, interrogé sur France Inter, avant de confirmer son intention de faire appel de la décision. 

Saisi par le chanteur, le jury de déontologie publicitaire rejette la plainte, au motif que "lorsque la publicité utilise la nudité, il convient de veiller à ce que sa représentation ne puisse être considérée comme avilissante et aliénante"

• Les algues vertes de France nature environnement 

A l'approche du salon de l'agriculture 2011, la fédération française des associations de protection de la nature et de l'environnement, France nature environnement (FNE), planche sur une campagne choc de sensibilisation contre les effets de l'agriculture intensive, en plein scandale des algues vertes.

Autorisés par la justice et validés par l'ARPP, trois des six visuels proposés par l'organisation se voient pourtant privés de placardage par Métrobus.

 

Cette affiche, imaginée dans le cadre d'une campagne de France nature environnement n'a pas pu être placardée dans le métro. (FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT)

Les affiches évoquant les algues vertes délivrent un message "trop agressif et visent directement les éleveurs. Ces visuels très dénigrants sont contraires au principe de neutralité du service public", justifie la régie dans Le Parisien. Pour le ministre de l’Agriculture, Bruno Le Maire, la campagne de FNE n'est ni plus ni moins qu'un "scandale", une "provocation" qui cible directement les agriculteurs, rapporte 20minutes.

Un autre visuel, inspiré de l’affiche du film Kill Bill de Quentin Tarantino, a également été recalé. "Notre service juridique a estimé qu’il manquait l’autorisation de Tarantino", justifie Métrobus.

Les fumeurs 

• La pipe de Jacques Tati

Il est interdit de fumer dans le métro. En France, il est aussi interdit de faire de la publicité pour le tabac. Deux bonnes raisons d'ôter la pipe de la bouche du grand Jacques Tati ?

En 2009, sur l'affiche d'une exposition consacrée au réalisateur des Vacances de monsieur Hulot à la Cinémathèque française, Tati perd sa pipe, au profit d'un moulinet-à-vent, conformément à la loi Evin qui interdit depuis 1991 toute propagande, directe ou indirecte, en faveur du tabac.

L'affiche censée promouvoir le cycle Jacques Tati à la Cinémathèque française à Paris. (CINEMATHEQUE FRANCAISE)

L'objet de substitution, drôle mais ridicule, dévoile l'absurdité de l'interdiction. Les députés interviennent pour faire cesser la mauvaise blague. Le 19 janvier 2011, les élus de la commission des affaires culturelles votent quasi-unaniment en faveur de l'exclusion du patrimoine culturel d'une application trop littérale de la loi Evin. Même Claude Evin, qui lui a donné son nom, adhère.

Va pour la pipe de Tati. En revanche, la cigarette d'Audrey Tautou à l'affiche du film Coco avant Chanel, c'est niet. 

L'affiche du film d'Anne Fontaine, "Coco avant Chanel". (WARNER BROS FRANCE)

La clope de Serge Gainsbourg

En mai 2009, l'ARPP assure déjà mettre de l'eau dans son vin. A l'avenir, promet-elle, les produits liés au tabac, qu'ils soient cigarette, pipe ou cigare, pourront figurer sur des publicités sous certaines conditions. Les mégots doivent par exemple être "inséparables de l'image et de la personnalité de la personne disparue" et avoir une "finalité culturelle ou artistique".

Et voilà qu'en janvier 2011, Métrobus prive Gainsbourg de "Gainsbarre". Plus exactement, la régie refuse de placarder l'affiche du film de Joann Sfar Gainsbourg (vie héroïque), sur laquelle on voit le comédien Eric Elmosnino, double parfait du fumeur de Gitanes, cracher une fumée qu'on devine nicotinée.  

L'affiche du film de Johann Sfar, "Gainsbourg (Vie héroïque.) (UNIVERSAL PICTURES FRANCE)
 

"Cette affiche tombe sous le coup de la loi Evin, qui n'a pas changé, même si l'ARPP a demandé à la ministre de la Santé Roselyne Bachelot d'ouvrir des discussions en vue de l'assouplir", affirme alors une porte-parole de Métrobus. "Aujourd'hui, une association de défense des droits des non-fumeurs peut toujours nous attaquer, car l'avis émis par l'ARPP n'a pas de valeur juridique." Dommage, surtout qu'Universal Pictures, le distributeur du film en France, avait prévu son coup en évitant la cigarette. 

Interrogé par le Nouvel Observateur en mai 2009, le PDG de Métrobus Gérard Unger note que l'application de la loi Evin demeure complexe : "Je ne suis pas un censeur dans l'âme, au contraire, se justifiait-il. Mais dans ce cas, changeons donc cette loi, aménageons-la, ou mettons-nous d'accord pour l'interpréter différemment, puisque même les pouvoirs publics ont reconnu qu'elle avait ses limites."

Reste que l'avantage d'une interdiction, c'est qu'elle fait de la pub.

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