Cet article date de plus de dix ans.

Houellebecq par Aubert : "C'est quelqu'un de trĂšs doux"

Dans les volutes d'une cigarette, Jean-Louis Aubert a eu un "coup de foudre" pour un poÚme de Michel Houellebecq. Il en a fait un album publié lundi prochain, "Les parages du vide", qui jette une lumiÚre inédite sur l'écrivain. Histoire d'une rencontre.
Article rédigé par franceinfo - franceinfo Culture (avec AFP)
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Michel Houellebecq et Jean-Louis Aubert dans "Isolement"
 (DR)

Le musicien le reconnaĂźt sans peine : "Houellebecq et Aubert , sur le papier, ça ne marche pas". "Il y en a un qui est la face sud et l'autre la face nord, s'amuse-t-il. Mais on a un peu le mĂȘme Ăąge, on a Ă©coutĂ© les mĂȘmes choses, on a vu les mĂȘmes horreurs, on a les mĂȘmes rĂ©flexions, mĂȘme si on a eu des maniĂšres diffĂ©rentes de les construire et une envie diffĂ©rente de faire marcher le monde".

"L'histoire a commencé par l'envie de s'en griller une"

"Finalement, c'est le sommet de la complĂ©mentaritĂ© et ce sont des alliances que je trouve merveilleuses quand elles peuvent arriver. Il y a un peu la main du destin lĂ -dedans", dit-il. Avec ce disque, "des gens qui n'ont jamais lu un bouquin de lui vont peut-ĂȘtre connaĂźtre un de ses poĂšmes par coeur.

C'est merveilleux", ajoute le chanteur. L'histoire a commencé par l'envie de s'en griller une. Jean-Louis Aubert descend à son "tabac-papeterie" et tombe sur un recueil de poÚmes de Houellebecq, "Configuration du dernier rivage".

 
RemontĂ© chez lui, il l'ouvre au hasard. Le texte, qui deviendra la chanson "Isolement", lui inspire tout de suite une musique. "En un week-end, j'ai fait huit chansons", se souvient-il. Il obtient l'adresse Ă©lectronique de Michel Houellebecq, qu'il admire "de loin". "Un grand Ă©crivain, ça fait un peu peur, on se demande si on peut ĂȘtre accueilli dans ce milieu. S'il avait dit 'je n'ai pas le temps', j'aurais arrĂȘtĂ©", confie-t-il.

Aubert de Houellebecq : C'est quelqu'un de trĂšs doux

Mais l'Ă©crivain, fan de rock, est enthousiaste. "La premiĂšre fois qu'il a Ă©coutĂ© 'Isolement' il s'est levĂ©, m'a embrassĂ© et m'a dit: 'c'est mieux que ce que j'ai Ă©crit'. C'est quelqu'un de trĂšs doux, il me rappelle Bashung", confie Jean-Louis Aubert . "Je recevais des messages: 'ce qui est incroyable, c'est que toujours ta voix va', et puis: 'j'aime tellement le solo que, peut-ĂȘtre, si tu veux, tu peux retirer des phrases. N'hĂ©site pas, tu peux changer des mots'".

Finalement, Jean-Louis Aubert n'a rien changé. Mais dans le recueil, il a choisi les poÚmes les plus doux, laissant de cÎté les textes crus, cyniques. "Je trouve qu'ils sont difficiles à chanter. Il est possible de les dire sur de la musique, mais il faut un petit élan pour qu'une mélodie naisse: une mélancolie, de l'amour, une joie", estime-t-il.

Ses choix ont aussi Ă©tĂ© guidĂ©s par sa personnalitĂ©. "Quand j'ai vu qu'il y avait un cĂŽtĂ© un peu lumineux, c'est lĂ -dessus que j'ai pris la main. Le reste me fait rire ou m'effraie". "J'ai quelquefois l'impression qu'il serait prĂȘt Ă  dire quelque chose qu'il ne fait pas, ou qu'il ne pense pas, pour dĂ©noncer ceux qui le pensent ou le font. Il en est presque Ă  ce sacrifice-lĂ ", dit Jean-Louis Aubert .

"Tendresse tactile"

"Si j'arrive Ă  retranscrire (sur le disque) un peu de la tendresse que je ressens pour lui, ça donnera une facette de plus Ă  son personnage", se rĂ©jouit-il, comparant le prix Goncourt 2010, "mal Ă  l'aise avec la vie", Ă  "l'albatros de Baudelaire dont les ailes de gĂ©ant l'empĂȘchent de marcher".

Quand Aubert Ă©voque Houellebecq, sa "tendresse presque tactile" est mĂȘlĂ©e Ă  une infinie pudeur. Quand on lui parle d'amitiĂ©, il rĂ©pond: "je ne voudrais surtout pas le dĂ©ranger". "La derniĂšre fois qu'on s'est quittĂ©s, en montant dans le train, il m'a dit: 'profite!'. Je lui ai dit: 'reviens!'", confie-t-il.


Commentaires

Connectez-vous Ă  votre compte franceinfo pour participer Ă  la conversation.