La vie de Booba en trois punchlines
La star du hip-hop français a sorti, lundi, son septième album solo, "D.U.C". Portrait de ce businessman lyrique, trash et égocentrique.
L'usine à punchlines rouvre ses portes. Le rappeur Booba a sorti, lundi 13 avril, son septième album solo, intitulé D.U.C. Ce collectionneur de disques d'or et de platine a déjà vendu près de deux millions d'albums depuis 2002, et la planche à billets promet de continuer de tourner, pour son plus grand bonheur.
A 38 ans, tête de gondole du rap français, Booba est un artiste solitaire et volontiers provocateur. Sous sa casquette culminant à 1,92 m, celui qui assure avoir "plus de flow qu'une femme fontaine" peut être présenté à travers trois citations, respectivement tirées de ses morceaux Carton rose (2007), Numéro 10 (2004) et Kojak (2010).
“J’ai tellement d’ennemis, si peu d’adversaires”
Il est loin le temps où Elie Yaffa, pas encore majeur, complexait sur son cheveu sur la langue. Premier rappeur à avoir rempli Bercy en solo en 2011, Booba se présente aujourd'hui comme le "boss du rap game", et malheur à celui qui osera le défier. B2o (ça rime avec gros ego) est devenu maître en matière de "clashs", défiant verbalement des artistes comme Rohff, Sinik ou Kaaris, qu'il aime renvoyer dans les cordes ("T’es nouveau dans le game, j’suis riche depuis le franc").
"C'est une histoire d'ego, de testostérone, explique-t-il au Parisien. On est des vikings en mode hooligans au Parc des Princes." Sa rivalité avec Rohff a toutefois très sérieusement dérapé, il y a un an : un vendeur distribuant la marque de vêtements de Booba a été agressé, à Paris, par plusieurs personnes dont Rohff lui-même, lequel est toujours poursuivi dans cette affaire. "Tous ceux qui se sont frottés à moi sont morts, affirme fièrement Booba aux Inrocks. Aujourd’hui, la compétition se fait avec moi-même. Je suis un maître Jedi."
Le maître Jedi a un côté plus obscur, avec trois passages par la case prison entre 1997 et 2003, dont une peine de quatre ans pour le braquage avec violences d'un taxi. En 2006, il a été indirectement visé, lorsque deux jeunes d'une cité de Meudon (Hauts-de-Seine) ont séquestré sa mère et son frère et lui ont demandé une rançon de 500 000 euros. La police a mis fin à l'enlèvement et Booba s'en est tiré avec un tacle de Sinik ("Un voyou n'appelle jamais les keufs").
"Dans le rap j'écris et produis, j'suis chauffeur, livreur"
Il est loin le temps où Booba, en 2008, accueilli sous les sifflets et les projectiles, lançait sa bouteille de whisky sur le public du Stade de France. "Bédeuzobéa" est devenu un businessman sage et cordial, une PME du rap. Il organise ses interviews dans sa boutique de vêtements Ünkut, a des dizaines d'employés et ne peut pas "se permettre de rater un coup de téléphone ou un e-mail". Une diversification inspirée des Américains Jay-Z et P. Diddy, dont il apprécie le côté "entrepreneur".
“Vivre de la musique n’a jamais été un rêve, reconnaît-il dans Les Inrocks. Je me suis tout de suite dit que c’était un business." Il écoute peu de rap français, mais surveille les rappeurs et "regarde toujours tout : comment certains démarrent, quels contrats ils signent". Il a lancé une plateforme de découvertes musicales, pour contourner les maisons de disques. Et sa carrière de rappeur passe presque au second plan, comme il le confie à 20 Minutes : "Aujourd’hui, je m’occupe de plein de trucs, je n’ai plus le temps d’apprendre tous mes textes par cœur."
"J’drague à Miami Beach, tu dragues à la piscine municipale"
Il est loin le temps où le jeune ado Elie Yaffa commettait ses premières conneries, dans le Var, en "brûlant des palmiers". Depuis 2007, il vit à Miami (Etats-Unis), en famille, au milieu des palmiers de Floride. Le décor rappelle l'un de ses premiers titres solo : "Sur Cash Flow, je parlais d'oseille, de biatches, de limousines et de jacuzzi", rappelle-t-il aux Inrocks. Il vit le rêve américain avec une démesure inscrite sur la peau, sous forme de tatouage inspiré du film Scarface (1983) : "The world is yours" ("Le monde est à toi").
Derrière cet étalage américain se cache un rapport compliqué de Booba à ses racines. "J'suis pas né dans l'ghetto", reconnaît tout juste le natif de Sèvres (Hauts-de-Seine). "Ses détracteurs imaginent, dans cette discrétion, une volonté de cacher un milieu social qui serait confortable, à l’encontre de cette street credibility, condition nécessaire au rap", souligne Libération. Il a quitté la France, n'a "jamais voté", paye ses impôts aux Etats-Unis et n'apprend pas le français à ses enfants. "Je n’ai pas choisi la France, je ne suis pas amoureux de ce pays, explique-t-il aux Inrocks. Je suis un être humain. Tu demanderais à un éléphant s’il se sent plutôt d’Afrique ou d’Inde ?"
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