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L'association Le Refuge veut porter plainte après le canular homophobe de Hanouna : "Piéger les gens comme ça, c'est inhumain"

Nicolas Noguier, le président de cette association qui vient en aide aux jeunes homosexuels en difficulté, réagit à la séquence polémique jouée par Cyril Hanouna dans "Touche pas à mon poste".

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'animateur Cyril Hanouna, le 30 avril 2015 sur LCI. (IBO / SIPA)

Voix de fausset, blagues tendancieuses... Jeudi 18 mai, sur C8, Cyril Hanouna a piégé des homosexuels par téléphone en direct dans son émission "Touche pas à mon poste". L'animateur star du petit écran a joué "Jean-José", un homme ayant passé une petite annonce sur un site de rencontres. Son canular, taxé d'homophobie, a provoqué un tollé. Nicolas Noguier, président de l'association Le Refuge, qui vient en aide aux jeunes homosexuels en difficulté dans toute la France, explique à franceinfo les raisons de sa colère.

Franceinfo : Comment avez-vous réagi en découvrant la séquence ?

Nicolas Noguier : Faire des blagues sur les homosexuels, ce n'est déjà pas tolérable. Mais piéger une personne isolée, qui passe par un site de rencontres, en l'appelant, cela va au-delà de la blague, c'est humiliant et stigmatisant, parce que cette personne est visée en raison de sa sexualité. Et prendre si peu de précautions pour qu'elle ne soit pas identifiable, cela peut avoir des conséquences catastrophiques. Les voix n'étaient pas masquées. Et ne serait-ce que par la voix, on peut très bien reconnaître quelqu'un. Piéger les gens comme ça, c'est inhumain. Les exposer au grand jour, c'est terrible. 

Le Refuge a annoncé son intention de porter plainte. Est-ce chose faite ?

Le CSA a déjà été saisi par des milliers de téléspectateurs qui ont fait des signalements. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel a déjà envoyé plusieurs avertissements à l'émission pour d'autres séquences jugées choquantes ou humiliantes. Nous, nous voulons aller au-delà. Nous voulons vraiment que ses paroles et ses actes soient condamnés par la justice et que ce soit reconnu comme de l'homophobie.

Notre avocat étudie les contours de cette plainte pour être sûr qu'elle soit recevable et qu'elle aboutisse. C'est une volonté forte du Refuge. Nous voulons être sûrs que Cyril Hanouna ne puisse pas non plus se prévaloir d'avoir été attaqué pour homophobie et d'avoir été blanchi par la justice. Mais les faits sont là : il y a une volonté de piéger des gens à cause de leur orientation sexuelle, il y a aussi une forme de stigmatisation à travers des moqueries, des rires, des imitations caricaturales... 

Sur votre page Facebook, vous rapportez qu'une victime de Cyril Hanouna a appelé Le Refuge. Quelle était la raison de son appel ? 

Il était environ 1h30 du matin. Un jeune a appelé le numéro d'urgence de notre association, actif 24 heures sur 24 et  7 jours sur 7, parce qu'il avait été piégé par Cyril Hanouna. Il a dit à la personne qui lui a répondu au téléphone qu'il avait peur d'être reconnu par sa famille qui ne sait pas qu'il est homosexuel. Il était en pleurs. Pour les jeunes qui appellent, c'est toujours délicat. Mais lui était dans un état assez difficile. Notre écoutant a réussi à maintenir le lien, à l'écouter et à lui parler. Mais il avait tellement peur qu'il n'a pas voulu donner son numéro de téléphone.

Cyril Hanouna a déjà été pointé du doigt à plusieurs reprises. Pourquoi ne pas avoir agi plus tôt ?

Nous avions réagi sur les réseaux sociaux, mais pas de manière aussi forte. A l'époque déjà, cela avait entraîné des débats. J'estimais que tout le monde avait droit à une seconde chance et que Cyril Hanouna pouvait changer et prendre conscience de la portée de ses actes et de ses propos. Je me souviens d'un tweet dans lequel il s'engageait à ne plus tenir ce type de propos. On lui a laissé le bénéfice du doute. Je pensais qu'il avait évolué. Cinq ou six mois après, il a recommencé. On a clairement vu qu'il ne changerait pas. On ne peut pas laisser passer ça. Cette fois, Cyril Hanouna a vraiment franchi une ligne jaune.

Cyril Hanouna se défend en disant qu'il soutient votre association et lutte contre l'homophobie. Que répondez-vous ?

Nous avons été invités l'année dernière dans son émission pour présenter Le Refuge. C'était important pour nous car cela nous a permis de faire connaître notre dispositif à un très large public, en particulier jeune, qui a besoin d'être sensibilisé. Je ne regrette pas qu'on y soit allés, car nous avons reçu des centaines de mails après cette émission. Cela ne nous dispense pas d'être vigilants et de réagir à ses propos. Il ne peut pas se prévaloir de nous avoir invités et de nous soutenir en portant le ruban bleu après avoir tenu des propos homophobes. Les spots en faveur du Refuge, ce n'est pas lui ou son émission qui les diffusent, c'est la chaîne C8 dans le cadre d'une campagne nationale.

Pour notre opération de sensibilisation, nous avions demandé à des présentateurs et animateurs de toutes les chaînes de télévision de porter un ruban bleu en signe de soutien. Cyril Hanouna et ses chroniqueurs ont accepté. Le voir faire ce "sketch" alors qu'il portait le ruban bleu, c'est encore plus choquant. Porter le ruban bleu, ce n'est pas juste pour faire joli, c'est le symbole d'un engagement moral. On lui demande de ne plus le porter tant qu'il n'y aura pas eu d'avancées concrètes de sa part.

Accepteriez-vous une invitation dans "Touche pas à mon poste", si on vous le proposait ?

Cyril Hanouna ne nous a pas invités et s'il le faisait, nous refuserions. Ce que je souhaite en revanche, c'est lui proposer une action de sensibilisation à l'homophobie, hors des plateaux et loin des caméras de télévision, comme nous en menons dans les établissements scolaires. En tant que star de la télévision, il a une responsabilité énorme. D'autant plus qu'il est regardé par des dizaines de milliers d'adolescents tous les jours de la semaine. Il est en première ligne face à toutes les thématiques de l'adolescence. Lui, mais aussi toute son équipe, ses chroniqueurs, sa production. Ils étaient là à l'antenne, en direct, ils ont ri, ils n'ont rien dit, ils ont en quelque sorte cautionné. Ils sont complices de tout ça. 

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