Cumul des mandats : les députés PS renoncent à leur promesse
Pour obtenir l'investiture socialiste, les candidats s'étaient engagés à abandonner leurs mandats locaux sous les trois mois suivant leur élection. Un serment qui ne devrait pas être respecté.
Les 282 députés élus sous l'étiquette du Parti socialiste tiendront-ils leurs engagements en matière de non-cumul des mandats ? Pour obtenir l'investiture du parti aux législatives, tous se sont engagés, par écrit, à respecter un principe voté par les militants dès 2010 : abandonner d'ici à septembre leurs mandats exécutifs locaux s'ils étaient élus ou réélus les 10 et 17 juin, sans attendre l'éventuel vote d'une loi sur le sujet. François Hollande lui-même avait prévenu, le 12 octobre 2011, que s'il était élu, ce principe serait applicable "dès 2012 pour le Parti socialiste" (voir la vidéo). Une promesse qui, depuis, semble tombée aux oubliettes.
Lorsqu'on rappelle cet engagement à ce député proche de Martine Aubry et maire d'une ville de 15 000 habitants, il répond par un large sourire : "Il y a eu autant d'engagements différents que de députés élus !". Maire de Lens depuis 1998 et député depuis 2007, Guy Delcourt dénonce "un engagement démagogique de Martine Aubry. Le non-cumul, c'est quelque chose de sérieux. Cela demande de préparer la succession, et ça ne se fait sûrement pas à coup d'effet d'annonce démago !"
Elu pour la première fois à l'Assemblée en 1986 et président de la région Paca depuis 1998, Michel Vauzelle dit, quant à lui, "attendre les indications de Martine Aubry ou de François Hollande. Si Martine Aubry nous impose de respecter l'engagement que nous avons pris, nous le respecterons. Si François Hollande considère que l'on doit attendre une loi qui s'appliquera à tous, nous le suivrons. Moi, vous savez, je suis obéissant...".
Le calendrier de la loi "pas encore fixé"
Interrogé par FTVi, le ministre chargé des Relations avec le Parlement, Alain Vidalies, a reconnu, mercredi 27 juin, que la date à laquelle le gouvernement présentera son projet de loi n'était "pas encore fixée". "Mais on peut penser qu'il sera adopté avant les prochaines élections, d'ici à 2014", a-t-il ajouté. Quant à l'engagement pris par les députés PS de montrer l'exemple en démissionnant de leurs mandats locaux sans attendre le vote d'une loi, Alain Vidalies se montre plus évasif : "Ce serait mieux qu'à l'intérieur du Parti socialiste, il y ait une anticipation... Mais ça ne va pas changer la face du monde."
Le nouveau patron des députés socialistes, Bruno Le Roux, ne dit pas autre chose. "Nous ferons ce que le PS nous demandera de faire... L'essentiel, c'est qu'il y ait un calendrier pour faire adopter cette loi."
"Si on avait perdu les élections, on aurait appliqué la loi du parti, et on aurait appliqué le non-cumul dès septembre. Sans vouloir renier un engagement, maintenant qu'on a gagné, autant appliquer la loi du pays lorsqu'elle sera votée et s'appliquera à tous. On ne va pas chipoter pour quelques mois..." confirme le vice-président des députés socialistes, Philippe Martin, qui cumule lui-même son mandat parlementaire avec la présidence du conseil général du Gers. "Entre arrêter de cumuler à l'automne 2012 et arrêter de cumuler au printemps 2014, il n'y aura que quelques mois d'écart, acquiesce Patrick Bloche, député et maire d'arrondissement à Paris. François Hollande a annoncé une loi, elle s'appliquera à tous."
Respectivement députés des Bouches-du-Rhône et de Haute-Saône, Henri Jibrayel et Jean-Michel Villaumé sont du même avis : "Cela ne sert à rien de précipiter les choses. Attendons la loi et, d'ici là, laissons le temps de mettre ça en place et de préparer la relève !" "Dans la mesure où le PS a gagné et que la loi sera adoptée, la question d'une anticipation symbolique ne se pose plus vraiment...", abonde le député nordiste Bernard Roman.
"Ce serait une erreur de s'asseoir sur un principe qui a été voté par les militants et accepté par écrit par chacun d'entre nous, prévient pourtant Christian Paul, un des rares députés à regretter que ses collègues renoncent à leur engagement. A ce jour, il y a une règle qui a été adoptée par le parti, et elle vaut donc pour chacun des députés socialistes. Martine Aubry doit le rappeler au prochain bureau national."
"C'est comme demander à un alcoolique d’arrêter de boire"
Toujours est-il que le principe du non-cumul des mandats au PS, promis pour 2012 par le candidat François Hollande, ne devrait donc s'appliquer finalement qu'en 2014, au mieux. Car rien ne dit qu'une majorité de parlementaires daignera voter, le moment venu, la promesse de campagne du chef de l'Etat. "A l'Assemblée, ce devrait être le cas, même si beaucoup voteront en traînant les pieds. Au Sénat, rien n'est moins sûr..." prévient un député socialiste.
"Evidemment, le sujet est difficile, c'est un peu comme demander à un alcoolique d’arrêter de boire", disait le député parisien Christophe Caresche en octobre 2010. Il ne croyait pas si bien dire.
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