Démission de Cahuzac : ce qu'il faut en retenir
Visé par une instruction judiciaire pour blanchiment de fraude fiscale, le ministre du Budget quitte le gouvernement au début d'une semaine cruciale. Décryptage.
Coup de tonnerre pour les uns. Sage décision pour les autres. La démission, mardi 19 mars, du ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, visé par une instruction judiciaire, intervient au pire moment pour le gouvernement socialiste. A quelques heures du vote d'une motion de censure déposée par l'UMP et dont le gouvernement Ayrault devait profiter pour se réaffirmer, francetv info résume "l'affaire Cahuzac".
Une décision pour ne pas salir le gouvernement
Au sein même de son propre camp, Jérôme Cahuzac commençait à perdre des soutiens. Dès l'annonce de l'ouverture d'une information judiciaire par le parquet de Paris pour blanchiment de fraude fiscale, les députés PS estimaient que Cahuzac était "cramé". "Franchement, on voit mal comment un ministre du Budget soupçonné de fraude fiscale peut conserver son poste", expliquait l'un d'eux à francetv info. "Il a des tas de dossiers à gérer. Ne serait-ce que pour préparer sa défense, le mieux pour lui serait quand même de quitter le gouvernement", renchérissait un autre.
Interviewé par francetv info, Christian Delporte, spécialiste de l'histoire des médias et de la communication politique, décrypte : "Soit le ministre justifie son retrait du gouvernement en expliquant qu'il veut se concentrer sur sa défense, soit il est tellement mis en cause qu'il affirme ne pas vouloir porter atteinte à son équipe gouvernementale. Mais dans tous les cas, il ternit l'image de ceux qui l'ont protégé. Ici, François Hollande et Jean-Marc Ayrault, qui lui ont accordé leur confiance."
Prompts à réclamer les démissions d'Eric Woerth et de Michèle Alliot-Marie, mis en cause pendant le mandat de Nicolas Sarkozy, les socialistes ont réagi rapidement afin d'éviter de brouiller le message du gouvernement.
Une conséquence de la "République irréprochable" de François Hollande
Une heure à peine après l'annonce de la démission du ministre du Budget, le Parti socialiste s'est félicité : "La démission de Jérôme Cahuzac est conforme à l'éthique fixée aux membres du gouvernement par le président de la République." Et le patron du PS, Harlem Désir, de saluer une décision qui témoigne "autant [du] sens de l'honneur [de Cahuzac] que du changement des pratiques politiques à la tête de l'Etat".
Le fameux changement décliné par François Hollande pendant sa campagne. Dans une interview au JDD en avril 2012, il promettait qu'il ne s'entourerait pas "de personnes jugées ou condamnées". Jérôme Cahuzac est ainsi la première victime de la "République irréprochable".
Hollande tente de reprendre la main
A l'heure où même François Rebsamen, très proche de François Hollande, réclamait publiquement que soit "ramené l'ordre dans ce gouvernement", tandis que d'autres demandaient un remaniement, cette décision rapide tombe comme un couperet. L'Elysée a toutefois pris soin de préciser que Jérôme Cahuzac avait lui-même demandé à démissionner.
"Le chef de l'Etat, outre qu’il ne souhaitait pas la poursuite d’un feuilleton politico-juridique empoisonné, se savait attendu : à gauche, beaucoup lui reprochaient, en effet, de manquer d’autorité. Eh bien l’autorité, la voilà, et Cahuzac en aura fait les frais", analyse le journaliste politique Dominique de Montvalon sur son blog.
Pour autant, le gouvernement perd l'un de ses ministres-clés, respecté jusqu'à la droite de l'échiquier politique, en pleine négociation sur les enveloppes budgétaires des ministères. Et à la veille d'une périlleuse opération de communication de Jean-Marc Ayrault, au plus bas dans les sondages. A l'Assemblée, mercredi, le Premier ministre devra défendre son cabinet, visé par une motion de censure déposée par une UMP soucieuse de tirer parti des déboires de la majorité.
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