"Des paroles et des actes" : Le Pen et le FN en quête d'identité
La présidente du Front national était l'invitée de l'émission politique de France 2 hier soir. Elle a tenté de définir les grandes lignes de son programme.
Marine Le Pen a effectué sa rentrée médiatique sur le plateau de l'émission "Des paroles et des actes", jeudi 21 février sur France 2. Son quatrième grand format sur la chaîne depuis 2010. La présidente du Front national a tenté de définir les grandes lignes d'un parti en quête d'identité. "Le Front national reste le Front national, il se développe, se professionnalise, s'investit dans les territoires et participe à un rassemblement de patriotes de gauche et de droite qui s'appelle le Rassemblement bleu Marine."
Relativement absente des médias nationaux ces dernières semaines, Marine Le Pen a débuté un tour de France par une usine de savon à Marseille, qu'elle poursuit vendredi 22 février par une visite du site PSA de Sochaux. Son objectif est de séduire l'électorat populaire, d'ici aux municipales de 2014, quitte à nouer des ententes au niveau local. "Je suis pour une alliance avec des élus sincères, divers droite comme divers gauche."
Ses points d'accord à droite
Le nombre de places en prison. Marine Le Pen veut 40 000 nouvelles places en "détention" fermée ou ouverte. Un chiffre beaucoup plus élevé que l’augmentation de 6 000 places proposée par la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Celle-ci s’est engagée, fin 2012, à atteindre le chiffre de 63 000 places de prison d'ici cinq ans, contre environ 57 400 actuellement. L’objectif de Marine Le Pen se rapproche davantage de celui de l’UMP. Un projet de loi voté en février 2012 par la droite prévoyait en effet 80 000 places en 2017.
La suppression de la journée de carence pour les fonctionnaires. Annoncée jeudi par la ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, cette suppression de la journée de carence pour les agents de l'Etat en cas d'arrêt maladie rencontre l’opposition de l’UMP comme du Front national. "Tout ce qui contribue à agrandir la différence entre le privé et le public ne m'apparaît pas être une bonne proposition", a estimé Marine Le Pen. "Nous avions proposé que le jour de carence soit fixé à un pour le public et un pour le privé [au lieu de trois actuellement]", a rappelé la présidente du FN. La création de ce jour de carence était une mesure du gouvernement Fillon, adoptée en novembre 2011.
La taxe à 75%. Lors de l’émission, Marine Le Pen a réitéré son opposition à la taxe à 75% sur les revenus supérieurs à un million d'euros voulue par le gouvernement. Elle a limité cette mesure à un simple affichage : "Cette taxation, il n’a jamais été question de la mettre en œuvre pour une raison simple, c’est qu’elle touche tous les amis de François Hollande." "Si j’avais été pour, je l’aurais mise dans mon programme présidentiel", a ajouté la présidente du FN.
Le mariage pour tous. Marine Le Pen a expliqué à nouveau sa position particulière sur l'ouverture du mariage et de l'adoption aux couples homosexuels : contre le texte et contre les manifestations pour s’y opposer. "Le lancement de ce débat sociétal avait pour objectif essentiel de détourner les Français des sujets prégnants qui créent des souffrances dans la population", a-t-elle affirmé. Interrogée sur l’attitude d’éventuels maires Front national par rapport au mariage homosexuel, elle a indiqué que ces derniers "laisseront à un conseiller municipal la joie" de marier les couples de même sexe.
Ses points d'accord à gauche
La critique de la mondialisation et des privatisations. Marine Le Pen s'en est pris à Malek Boutih, député PS de l'Essonne et ancien président de SOS Racisme, présent face à elle sur le plateau. Elle l'a accusé de ne pas avoir été assez à gauche dans les années 1980. "Pendant que vous manifestiez avec la petite main jaune [de SOS Racisme], la mondialisation, la financiarisation et les privatisations étaient organisées par vos amis du Parti socialiste." Déjà, le 17 février, elle avait déclaré sur France Inter : "Nous n’avons jamais été pour des privatisations massives, ça, c’est n’importe quoi, nous sommes pour un Etat stratège." Une analyse démentie par Le Monde, qui rappelle le passé libéral du Front national. Ces déclarations traduisent une nette évolution dans la ligne du parti, amorcée pendant la présidentielle.
Des éléments de langage communs avec Jean-Luc Mélenchon. Le journaliste François Lenglet a relevé des éléments communs entre le leader du Parti de gauche et Marine Le Pen, après l'accord sur la sécurisation de l'emploi.
La présidente du Front national a dénoncé "la politique ultralibérale menée à la demande de Bruxelles, qui impose la dérégularisation du travail au bénéfice des grands groupes et du Medef." L'ancien ministre de l'Agriculture UMP, Bruno Le Maire, invité sur le plateau, a raillé son vocabulaire : "On dirait que ce sont des accents d'Arlette Laguiller, des années 1970, où on répète toujours la même chose." Il l'a également accusée d'être ouverte à la compromission avec des "gens de gauche".
Salaires et retraites. Marine Le Pen estime qu'il est possible de revenir sur la réforme des retraites. "Si nous voulons faire des économies pour privilégier nos retraités, c'est possible. Je suis pour une retraite pleine à 40 annuités." Elle propose pour cela d'utiliser les intérêts versés chaque année par la France à ses créanciers. "La pauvreté est très importante en Allemagne et 22% des salariés allemands sont considérés comme de petits salaires. Là-bas, les petits salaires, c'est 500 euros. Si vous me vendez ce modèle allemand-là, ce n'est pas celui que je veux."
Depardieu critiqué. Jean-Marc Ayrault avait jugé "minable" le départ de Gérard Depardieu en Belgique. Marine Le Pen enfonce le clou. "Je le juge assez lâche d'être parti. Si Gérard Depardieu est en désaccord, il pourrait rester dans son pays et se battre contre une situation qu'il juge injuste."
Les thèmes traditionnels du Front national
La priorité nationale. C'est l'un des thèmes favoris de Marine Le Pen. Il remplace celui de la préférence nationale, défendu par son père, Jean-Marie Le Pen. Cette priorité nationale s'applique notamment aux secteurs de l'emploi ou du logement et doit donner un "avantage" aux Français. Dans son projet présidentiel, le Front national réclamait également la suppression des allocations familiales aux familles étrangères (hors Union européenne) résidant en France. "La priorité nationale est un avantage donné en matière d'emploi ou de logement aux Français. Pas aux Blancs, pas aux Français de souche", a-t-elle assuré, mais "à ceux qui ont la nationalité française, quelle que soit leur origine, quelle que soit leur religion."
L'immigration. La présidente du Front national veut réduire le nombre d'entrées d'immigrés en France "de 200 000 par an actuellement à 10 000 par an", ce qui pour elle constitue "un seuil incompressible".
La dénonciation du "gaucho-laxisme" et de "l'ensauvagement". "Il y a une culture du laxisme, ce que j'ai appelé le gaucho-laxisme", a estimé Marine Le Pen, parlant d'"ensauvagement de notre nation". Elle a jugé que la mise hors d'état de nuire de "5 000 délinquants qui sont un peu des caïds" entraînerait "la baisse probablement de 30 à 40% de la délinquance immédiatement". Elle s'est également appuyée sur l'ouvrage récent du journaliste Laurent Obertone, La France Orange mécanique, qui assure qu'il y a en France “13 000 vols, 2 000 agressions, 200 viols toutes les 24 heures". Les conclusions de ce livre sont très contestées, notamment par le chercheur Laurent Mucchielli, qui dénonce un "avatar du lobby sécuritaire".
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