Reprise : et si François Hollande avait raison ?
"La reprise est là", a affirmé le président de la République. Alors que le chômage est au plus haut, l'opposition raille l'optimisme de François Hollande. Pourtant, il y a bien quelques (petites) raisons d'espérer.
C'était sans doute la phrase la plus marquante de l'interview de François Hollande lors du 14-Juillet : "la reprise, elle est là". Mais où ? L'opposition ironise, tant il est vrai que les mauvaises nouvelles pleuvent sur l'économie française. C'est acquis, le déficit va déraper au-delà des 3,7% du produit intérieur brut. L'Insee prévoit que le chômage va augmenter d'ici fin 2013 et que la récession est inévitable… Et le moral des ménages a atteint un niveau historiquement bas, selon les derniers chiffres publiés par l’Insee : 78 points en juin, quand la moyenne est de 100 points entre 1987 et 2012.
Et pourtant, l'affirmation de François Hollande n'est pas totalement dénuée de sens. Il y aurait donc des raisons de se réjouir ? Francetv info analyse ces signes qui donnent envie d'espérer.
Le chômage s'est stabilisé en mai
Après deux ans de hausse continue, le nombre de chômeurs (3,26 millions en catégorie A) a marqué une pause en mai. On est loin du "retournement attendu", reconnaît le ministère du Travail, mais il souligne tout de même que ce résultat est un "encouragement". Tout en évitant de se réjouir trop vite, l’exécutif y voit des raisons de croire en son objectif affiché d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année. Cet objectif a été réaffirmé par François Hollande lors de son discours du 14-Juillet.
Pourtant, la stabilisation du chômage est à relativiser. D'abord parce que les chiffres sont dopés par la disparition de nombreuses personnes des listes de Pôle emploi. Sur le seul mois de mai, 36 400 demandeurs d'emploi ont disparu des listes principales (A, B et C) car ils n'avaient pas actualisé leur situation (+20%) pour des raisons inconnues (oublis, reprises d'emploi, etc.).
De plus, les économistes sont majoritairement pessimistes. Marion Cochard, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), interrogée par francetv info, souligne que "la situation est très loin d'être rose". Selon elle, "il n'y aura pas suffisamment de croissance pour parvenir à inverser la courbe du chômage". Alors pourquoi le chef de l'Etat s'accroche-t-il à cet objectif ? Parce qu'il n'a pas le choix : "Un président de la République qui vous dirait 'Quoi qu'on fasse, quoi qu'on décide, le chômage va augmenter et augmenter sans cesse' (...) On se dirait 'A quoi ça sert qu'il soit là ?''", a expliqué Michel Sapin.
Par ailleurs, l'exécutif compte beaucoup sur les emplois aidés, ce qui lui vaut les foudres de l'opposition et des syndicats. Le président de l'UMP, Jean-François Copé, a accusé le gouvernement de vouloir faire baisser "de manière artificielle" les statistiques. "Peut-être qu'à la fin de l'année, ça va marcher statistiquement, mais on ne peut pas infléchir durablement la courbe du chômage avec des contrats aidés", a prévenu de son côté Jean-Claude Mailly, secrétaire général de Force ouvrière.
Des embellies du côté des indicateurs économiques
La stabilisation du chômage est "cohérente avec certains signaux favorables observés ces dernières semaines", avance le ministère du Travail. En effet, plusieurs indicateurs d’activité publiés dernièrement autorisent à envisager une timide reprise.
Production industrielle. L’industrie affiche quelques timides signes de meilleure santé. Même si elle a légèrement chuté, de 0,4% en mai, la production avait augmenté de 2,2% en avril, selon les chiffres publiés par l’Insee. L'indice des directeurs d'achat, qui fournit les indications les plus actualisées possibles sur l'économie du secteur privé, fait lui aussi état d’un ralentissement de la contraction dans l'industrie en juin. Ces embellies font prévoir à l’Insee une reprise de l’activité de 2% au deuxième trimestre 2013.
Intérim. Parmi les "signaux favorables", le ministère du Travail met en avant la "bonne tenue de l'intérim depuis octobre", avec une augmentation de 4,6% en six mois. Le nombre de salariés intérimaires est effectivement considéré comme un chiffre annonciateur des évolutions du marché de l’emploi. Les professionnels du secteur ont toutefois affirmé, jeudi à l'AFP, qu'ils n'entrevoyaient pas de rebond. Les effectifs d'intérimaires sur un an, seul indicateur "pertinent" à leurs yeux, ont fondu de plus de 13%.
La confiance revient dans la zone euro. La confiance dans les perspectives économiques s'est améliorée plus qu'attendu en juin dans la zone euro. L'indicateur de sentiment économique publié jeudi par la Commission européenne est à son plus haut niveau depuis mai 2012 : il est de 91,3 points en juin. "Un indicateur de bon augure pour la capacité de l'Europe à sortir de la crise de la dette et à retrouver le chemin de la croissance", avance l’agence Reuters.
La consommation des ménages en hausse. Elle a enregistré une augmentation de 0,5% en mai par rapport à avril, principalement imputable au rebond des achats de produits alimentaires, selon vendredi l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).Cette progression intervient après une baisse de 0,5% en avril.
D’autres chiffres, tels que l’augmentation de 6,6% de la construction de logements neufs en France entre mars et mai 2013, ou encore la légère augmentation du pouvoir d’achat (+1%) au premier trimestre sont autant de bonnes nouvelles dont on ne se prive pas.
La fin d’un cycle de crises ?
Pour Karine Berger, économiste et députée socialiste des Hautes-Alpes, cela ne fait pas de doute : le pire est derrière nous. "La seconde vague de la crise économique, la phase la plus dure, est passée dans le courant de l’hiver. La deuxième partie de 2013 sera meilleure", affirme-t-elle à francetv info. Elle voit dans la stabilisation du chômage "les premiers résultats" de la politique de François Hollande, mais aussi la conséquence de la fin d’un cycle de crises à l’étranger. "Les grands secteurs de l’industrie bénéficient de la reprise aux Etats-Unis et au Japon", ajoute la coauteure de l'ouvrage Les Trente Glorieuses sont devant nous.
L’économiste Philippe Waechter, directeur des études économiques chez Natixis Asset Management, ne partage pas cette analyse. "La reprise aux Etats-Unis reste modeste et son taux de croissance, révisé jeudi à la baisse (de 2,4% à 1,8%), est loin de faire rêver. L’effet de contagion est très réduit", explique-t-il à francetv info. Il relativise aussi les effets bénéfiques de l’économie japonaise. "On n’est pas dans un environnement où tout s’améliorerait. Il n’y a pas de locomotive pour nous tirer vers le haut, c’est à nous de trouver notre propre croissance", estime-t-il.
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