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Sept réponses à votre beau-père Jean-Louis qui ne supporte plus la réduction des voies pour automobiles à Paris

Bouchons, pollution, travaux... Jean-Louis a l'impression que la mairie de Paris s'acharne contre les automobilistes. Franceinfo lui répond.

Article rédigé par Robin Prudent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 11min
La nouvelle piste cyclable quai Pompidou à Paris, le 4 septembre 2017. (LUDOVIC MARIN / AFP)

La voiture collée pare-chocs contre pare-chocs, le poing posé sur le klaxon, les automobilistes ne sont pas loin de la crise de nerfs dans de nombreux quartiers de la capitale. Après la piétonisation des voies sur berge ces dernières années, voilà que les conducteurs de véhicules motorisés ne peuvent plus circuler que sur une file quai George-Pompidou entre Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) et le pont de Bir-Hakeim, dans le centre de Paris. Idem pour la fameuse rue de Rivoli à partir du mois d'octobre.

A la simple évocation du nom de la maire de Paris, votre beau-père, Jean-Louis, qui prend sa voiture pour aller travailler, ne peut pas s'empêcher de râler contre ces grands travaux de voirie. La "reine des bobos veut la mort des automobilistes et tous nous mettre sur des vélos". Franceinfo répond à sept de ses réflexions.

1"Les pistes cyclables et la piétonisation font exploser les bouchons dans Paris !"

Ah, Jean-Louis, vous, vous êtes resté coincé dans les embouteillages sur les quais de la Seine un soir de semaine. Alors, oui, c'est vrai, après la piétonisation des voies sur berge rive droite à Paris, en septembre 2016, les conditions de circulation sur les quais hauts se sont fortement dégradées, selon le dernier rapport du comité régional d'évaluation des conséquences de la fermeture des voies sur berges parisiennes.

Pire, le temps passé pour parcourir la section concernée s’est allongé globalement de 50% à l'heure de pointe du soir ! Idem pour les bus RATP suivant ou recoupant les quais. Ils ont tous connu des allongements de leurs temps de parcours. Et les bouchons risquent bien de se multiplier aussi du côté de la rue de Rivoli. Avec la suppression de deux voies pour les voitures, cela paraît tout à fait probable, même s'il n’existe pas encore de données pour le calculer.

Mais Jean-Louis, rassurez-vous : ce ne sera pas toujours comme ça. Avec le report modal, le nombre de voitures finira par diminuer dans la ville... Ce n'est pas très agréable, mais ces bouchons servent aussi à décourager les gens de prendre leur voiture, au profit d’autres modes de transport : le vélo, le bus, le métro, le covoiturage… Passé ces ajustements de départ, la circulation va s'ordonner d’elle-même. Le nombre de voitures tendra alors à diminuer, explique Phil Goodwin, professeur honoraire en politique des transports de l’University College de Londres, cité par Le Monde. Et on peut déjà le constater à Paris. Avec les aménagements de voirie (piste cyclable, plots, couloirs de bus), le trafic automobile de la capitale a diminué de 28% depuis 2001 ! Encore un petit effort, et la voie sera libre...

2"Et comment vont faire les policiers et les ambulances pour circuler avec ces bouchons ?"

Vous pensez à l'intérêt général, Jean-Louis, c'est tout à votre honneur. Comme le préfet de police, vous vous inquiétez de la circulation des véhicules prioritaires sur ces portions de route réduites à une voie pour les automobiles. Et particulièrement sur la rue de Rivoli, un axe central et très fréquenté. "Je suis inquiet des difficultés que va poser l’aménagement tel qu’il est prévu pour les véhicules de secours et d’intervention de la police dans un contexte où les congestions vont croissant", déclarait en août le préfet de police de Paris, Michel Delpuech, au Monde.

La mairie de Paris affirme pourtant avoir prévu le coup. Un mode de stationnement adapté aux livraisons doit répondre au problème des véhicules d'urgence. Il prévoit des places de livraison empiétant d'un mètre sur le trottoir et d'un mètre sur la voie de bus, ce qui permet aux véhicules d'urgence de contourner les livreurs, rappelle Le Figaro.

Mais le plus étonnant, dans cette polémique, c'est tout de même le raisonnement de la préfecture de police, pointe Olivier Razemon, journaliste au Monde. Reconnaissez, Jean-Louis, que c'est assez cocasse de voir le préfet de police s'inquiéter que les véhicules prioritaires ne puissent pas circuler sur la voie de bus à cause des camionnettes de livraison qui seraient mal garées... C'est justement ses services qui sont en charge de verbaliser les véhicules gênants. La préfecture de police ne serait-elle pas en train d'affirmer qu'elle fait mal son travail ?

3"Qui dit bouchons, dit pollution ! Alors qu'Anne Hidalgo avait promis que c'était pour notre santé..."

Là encore, votre flair ne vous trompe pas, Jean-Louis. En tout cas à première vue... C’est vrai qu’à deux pas de la file des voitures diesel, les piétons subissent de fortes doses de pollution. AirParif a montré que les niveaux de concentration de dioxyde d’azote, caractéristiques de la pollution automobile, ont augmenté sur tous les axes de report du trafic, après la piétonisation des voies sur berge. En fin de zone piétonisée, en direction de l'est parisien, AirParif note même une augmentation du taux de dioxyde d'azote de 5 à 10% sur un an.

Mais sur cette question, il faut prendre un peu de recul. Un autre rapport d’Airparif de juillet 2013 permet d'avoir une vision à plus long terme des mesures de réduction des automobiles à Paris. Le rapport confirme que les aménagements réalisés dans Paris intra-muros, qui ont abouti à la diminution générale du trafic, ont eu un impact significatif sur la qualité de l’air entre 2002 et 2012, du fait de la réduction des émissions de polluants émis dans l’atmosphère. Sur ces dix ans, les émissions d’oxydes d’azote et de particules fines ont diminué d'environ 30% ! Encore une fois, Jean-Louis, il faut s'inscrire dans la durée pour envisager les conséquences de ces mesures.

4"Le comble, c’est que cette pollution va retomber sur les piétons sur les voies sur berge !"

Alors là, en revanche, vous vous trompez Jean-Louis. Attention aux conclusions hâtives ! En mars 2017, Air Parif note, dans un rapport"une amélioration de la qualité de l’air le long des quais fermés à la circulation". Et pas qu'un peu ! Sur les berges de Seine piétonisées, les niveaux de dioxyde d'azote sont 25% plus faibles que sur le trottoir du quai haut, du fait de l'absence de trafic. A cet endroit, les niveaux sont comparables à ceux que l'on retrouve en situation éloignée du trafic, par exemple dans les parcs.

5"En plus, personne ne les utilise ces pistes cyclables..."

Attention aux fausses impressions... Vous avez vu tourner un peu partout sur les réseaux sociaux ces photos de la toute nouvelle piste cyclable sur la voie Georges-Pompidou quasiment vide. Il faut dire que ces images ont été partagées par une députée LREM, le délégué général de l'association 40 Millions d'automobilistes ou encore l'humoriste Bernard Mabille.

Mais attention, Jean Louis. Les images peuvent être trompeuses et la raison de cette absence de cycliste est assez simple : la piste cyclable est encore... fermée ! Un panneau indique même que les travaux doivent durer jusqu'au 30 septembre à l'entrée de cette piste. La communication aurait pu être plus claire, reconnaît tout de même Christophe Najdovski, l'adjoint au maire de Paris en charge des transports, à nos confrères de France Bleu. Encore une fois, la tendance, sur le long terme est à l'augmentation du nombre de cyclistes. Les dernières données fiables remontent à 2014, année durant laquelle le nombre d'utilisateurs de vélo a grimpé de 8%, pendant que la voiture continuait de décroître.

6"OK OK ! Mais Anne Hidalgo passe en force : elle pourrait au moins faire un peu de concertation"

Cet été, les travaux dans la capitale vous ont un peu chauffé, Jean-Louis. "Tout est fait en même temps, de manière sectaire et sans concertation", selon vous. Pourtant, il est assez aisé de vérifier que ces travaux d'aménagement de pistes cyclables sont connus – et même approuvés – par les responsables politiques de tout bord. En effet, le "plan vélo 2015-2020" a été voté à l’unanimité du Conseil de Paris en avril 2015. De la gauche à la droite, tous ont validé le doublement du nombre de pistes cyclables et la création d'un Réseau Express Vélo, comme celui quai Pompidou...

En revanche, il est vrai que les élus de la banlieue parisienne se sont montrés moins convaincus. A la fin novembre 2016, 168 maires d'Ile-de-France ont adressé une lettre ouverte à la maire de Paris pour critiquer la piétonisation des voies sur berges qui "entraîne une détérioration de la vie quotidienne de dizaines de milliers de Franciliens". Une décision prise "sans concertation", assurent-ils, cités par Le Figaro.

A mi-mandat, le projet de la mairie de Paris affiche plutôt un certain nombre de retards, constate l'observatoire du plan Vélo. Seules 5% des infrastructures prévues ont été réalisées, à la mi-2017, et à peine la moitié des études liées à des projets de pistes cyclables a été menée. Pour respecter les délais fixés par ce plan vélo, les travaux d'aménagement de la voirie devraient donc encore s'accélérer. 

7"J'arrêterai de prendre ma voiture quand les transports en commun seront efficaces"

"Il n'y a pas d'alternative", voilà votre argument imparable quand vous justifiez l'utilisation quotidienne de votre voiture. Pourtant, Jean-Louis, des alternatives, il en existe et de nombreuses. Paris est même la ville au monde la mieux desservie en transports en commun, selon une étude de l’Institute for Transportation and Development Policy. Et de nouvelles infrastructures arrivent, avec de nombreux prolongements de métro et de lignes de tramway et le Grand Paris Express à l'horizon 2024.

Vous n'avez pas envie d'être serré dans le métro ? En voilà une bonne raison pour vous mettre au vélo ! "L'augmentation des déplacements à vélo permet de désengorger le métro", constate ainsi Julien Demade, chercheur au CNRS et auteur du livre Les Embarras de Paris. La capitale possède même l'un des plus grand réseau de vélos en libre-service du monde, les Vélib'.

Bien sûr, toutes ces alternatives ont leurs défauts (le RER n'affiche que 80% de ponctualité en 2016) et dans certaines situations, l'utilisation de la voiture reste indispensable. Mais 80% des véhicules qui roulent dans le centre de Paris ne transportent qu'une seule personne, ce qui laisse une large marge de progression pour les alternatives, comme le covoiturage...

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