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Témoignage franceinfo "J'aimerais comprendre pourquoi il a fait ça", confie le lycéen frappé par un policier à Paris en mars

Article rédigé par franceinfo - Raphaël Godet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Une vidéo montre un adolescent se faire frapper par un policier non loin du lycée Bergson de Paris, le 24 mars 2016, en marge de la mobilisation contre la loi Travail. (CR12 C / YOUTUBE)

Jeudi 24 mars 2016, cet adolescent de 15 ans a reçu un violent coup au visage devant le lycée Henri-Bergson, en marge de la mobilisation contre la loi Travail. Il a accepté de parler à franceinfo, alors que s'ouvre le procès du policier.

Adan* ne lâche jamais son paquet de mouchoirs. C’est pour son nez. Depuis ce fameux 24 mars 2016, jour où un policier lui a asséné un violent coup de poing en plein visage, Adan ne parvient plus à respirer correctement. C’était un jeudi, à quelques mètres du lycée Henri-Bergson à Paris, où Adan est encore scolarisé aujourd'hui. Le jeune garçon participe alors à la mobilisation lycéenne contre la loi Travail, lorsque deux policiers le prennent en tenaille. Un troisième, muni d'un casque, s'approche et le frappe violemment. Adan s'effondre sur le trottoir.

La scène, filmée par un témoin à l'aide d'un téléphone portable, est aussitôt diffusée sur les réseaux sociaux et relayée par la presse. "Ces images sont choquantes et m'ont choqué car elles ne correspondent pas à l'image que l'immense majorité des policiers de France se font de leur mission", réagit le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, conscient de l'émoi que suscitent les images.

Adan a le nez fracturé, mais il n'est pas opérable pour le moment. "Je dois d’abord attendre d’avoir fini ma croissance", raconte-t-il aujourd'hui.

"Je ne veux pas revoir les images"

Plus de sept mois après, le jeune homme, qui a accepté de se confier à franceinfo, dit aller "un peu mieux". Adan a repris les cours en septembre, toujours au lycée Bergson, mais toujours en seconde. "Avec ce qui s’est passé, j’ai raté douze jours de cours. Et puis les notes, ce n’était pas trop ça. Ils ont préféré que je redouble", confie-t-il.

Dans le cabinet de son avocat, Adan, enfoncé dans son fauteuil, cherche ses mots. Ça s'entend, et ça se voit. Quand il ne sait pas, il enfonce son cou dans sa veste de survêtement aux couleurs du Real Madrid, "[son] club de foot préféré". Il faut bien tendre l’oreille pour entendre ce que le lycéen a à dire.

Adan affirme qu'il n’a jamais revu les images de la scène, qui ont pourtant été vues par des dizaines de milliers d'internautes sur internet. "Je ne veux pas les revoir. Ça me rappellerait des mauvais souvenirs." De cette journée du 24 mars, l'adolescent se souvient "très bien" du "policier et de son poing" et de "[sa] chute par terre". Aujourd’hui, il lui arrive de se "bloquer" quand il croise des policiers dans la rue.

Son père s'inquiète pour lui

Assis à ses côtés, son père Guy hoche la tête. Il se désole de voir que son fils n’est pas comme avant. "Il a changé complètement, il a le regard figé parfois. Quand on lui demande, il nous dit que ça va. Mais nous, on voit que ça ne va pas. On a peur qu’il se passe quelque chose après." Adan et son père sont allés voir un psychologue, "histoire de discuter avec lui, afin qu’il se libère, car il a quelque chose en lui".

La nuit, il ne dort pas bien, il se réveille, on le retrouve parfois dans le couloir. Vraiment, ça m’inquiète.

Guy, le père d'Adan

à franceinfo

Jeudi 10 novembre, Adan va refaire face au policier pour la première fois, lors du procès qui se tient au tribunal correctionnel de Paris. Agé de 26 ans, le fonctionnaire est poursuivi pour "violences volontaires par personne dépositaire de l'autorité publique". Durant sa garde à vue à l'IGPN, la police des polices, l'homme a reconnu "avoir usé à tort d'une force disproportionnée", selon le quotidien Libération. Son avocat, lui, n'a pas souhaité s'exprimer avant l'audience.

De ce procès, Adan n’attend "pas grand-chose". "Si, juste une chose, reprend-il. J’aimerais comprendre pourquoi il a fait ça. Après, je passerai à autre chose." Son avocat, Arié Alimi, espère "surtout" que la qualité de victime du jeune Adan sera reconnue. "La particularité dans cette affaire de violences policières, c’est que c’est un enfant qui a été frappé par un représentant de l’ordre. Il n’avait que 15 ans." Il en aura 16 le mois prochain.

* Le prénom a été modifié.

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