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Comment Pôle emploi va contrôler si les chômeurs cherchent du travail

Quelque 200 contrôleurs, répartis dans toute la France, vont vérifier si les demandeurs d'emploi sont suffisamment actifs dans leurs démarches. L'opération débute dans trois régions le 28 septembre.

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Le stand de Pôle emploi au Salon pour l'emploi de Lille, le 28 mai 2015. (PHILIPPE HUGUEN / AFP)

Mieux contrôler les chômeurs ou casser le thermomètre ? Comme cela a été annoncé par François Rebsamen avant son départ du ministère du Travail, le gouvernement va mettre en place, à partir de lundi 28 septembre 2015, un "contrôle" accentué des chômeurs. En septembre 2014, le prédécesseur de Myriam El Khomri rue de Grenelle justifiait ainsi ce contrôle : "En France, 350 000 emplois ne trouvent pas preneur", malgré un taux de chômage de 10%. 

A terme, dans toute la France, quelque 200 contrôleurs devront superviser la recherche d'emploi de 5,5 millions de chômeurs, dont 3,5 millions en catégorie A (totalement sans activité).  En quoi va consister ce contrôle ? 

Ce dispositif de contrôle, où et quand démarre-t-il ?

Le déploiement des contrôleurs dans les différentes directions de Pôle emploi commence lundi 28 septembre. Il débute en Limousin, Poitou-Charentes et Aquitaine. "Le choix de Poitou-Charentes, notamment, n’est pas le fruit du hasard puisque le dispositif y a été testé entre 2013 et 2014, précise Le ParisienCinq conseillers ont été affectés à cette région pour 80 000 demandeurs d’emploi, deux en Limousin et dix en Aquitaine."  A terme, 200 agents seront déployés dans l'Hexagone.

Expérimenté dans trois régions (Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur et Franche-Comté) de juin 2013 à mars 2014, le dispositif aurait ainsi montré qu'à Toulon (Var), un chômeur sur cinq ne cherchait pas assez activement du travail. C'est du moins ce qu'affirme Pôle emploi dans ce reportage de France 2.

Qui peut être contrôlé ?

"C'est un contrôle global qui peut concerner tout le monde", précise Pôle emploi à francetv info,  l'exception des chômeurs qui ne sont pas tenus de rechercher un emploi" (parce qu'ils sont en formation, par exemple). La moitié des contrôles se feront au hasard, les autres seront ciblés en fonction des métiers jugés porteurs. "On estime, spécifie Pôle emploi, que les 200 contrôleurs devront contrôler chaque année 180 000 demandeurs d'emploi, soit environ 5% des chômeurs." Soit 900 dossiers par an par agent. 

En quoi consiste ce contrôle ?

Le contrôleur, en principe, fera tout (ou quasiment) depuis son bureau. "On regarde par exemple si le demandeur d'emploi a une recherche active sur internet, s'il a bien mis son CV en ligne", explique Pôle emploi. "Durant le test en Poitou-Charentes, dans 30% des cas, les investigations n’étaient pas allées plus loin", assure Le Parisien.

Promis, juré, un indice isolé ne sera pas pris en compte, il faudra "un ensemble de faisceaux". Le demandeur d'emploi ciblé reçoit alors un questionnaire et doit fournir des justificatifs pour prouver qu'il cherche vraiment du travail. Si ce n'est pas suffisant, le contrôleur l'appelle. En dernier recours, le demandeur d'emploi est convoqué à un rendez-vous, soit par le contrôleur, soit, plus vraisemblablement, par son conseiller, s'il est géographiquement plus proche.

S'agit-il de chasser des fraudeurs ?

"Non, s'insurge-t-on à Pôle emploi, ce n'est pas le sujet, ni le terme adéquat puisqu'il ne s'agit pas, sauf exception, de fraude : ils sont bien demandeurs d'emploi ! Il s'agit de retravailler sur les freins périphériques à l'emploi." De comprendre, par exemple, qu'une femme de ménage ne peut pas répondre à certaines offres parce qu'elle n'a pas le permis de conduire. 

Mais ce contrôle va-t-il néanmoins déboucher sur des sanctions ?

Oui. Si la recherche d'emploi n'est pas jugée assez active, il y a sanction. Le demandeur d'emploi est radié durant quinze jours et son indemnisation reportée de quinze jours. En cas de récidive, la radiation dure un mois, et l'indemnisation est reportée d'un mois, selon Le Parisien 

Après les expérimentations réalisées dans trois régions de France, 8% des inscrits ont été radiés en Provence-Alpes-Côte d'Azur et 15% en Poitou-Charentes. Bémol de taille dans ces statistiques qui se veulent impressionnantes : Pôle emploi a reconnu qu'il s'agissait d'un échantillon "non représentatif", détaille France 3.

Quels sont les effets attendus ?

Pôle emploi se défend de toute tentative de manipulation des statistiques du chômage, d'autant que les radiations sont, en principe, temporaires : "Non, ce n'est pas ça qui va faire baisser le chiffre du chômage !" L'organisme affirme qu'il n'y a aucune volonté de "stigmatiser" les demandeurs d'emploi, mais plutôt de les "redynamiser". 

Contactées par francetv info il y a un an alors que le projet était en gestation, des associations de défense des chômeurs jugeaient  la mesure globalement hors sujet. Elles estimaient qu'elle ne répondait pas aux vrais défis posés par un chômage de masse. "Quand on n'est pas capable de faire une politique de création d'emplois, on fait une politique de contrôle", taclait Pierre-Henri Magnan, du Mouvement national des chômeurs et des précaires, dans une interview à France 3, en mai 2015.

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