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Quand la hausse du chômage prendra-t-elle fin ?

Alors que le gouvernement a dévoilé une nouvelle hausse du taux de chômage lundi, deux économistes reviennent sur cette spirale négative qui, d'après eux, ne pourra être brisée qu'avec des réformes importantes.

Article rédigé par Christophe Rauzy - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le nombre de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi en catégorie A s’établit à 3 509 800 en France métropolitaine à la fin mars 2015, un chiffre en augmentation de 0,4% par rapport au mois précédent. (SARAH ALCALAY / SIPA)

Le scénario semble se répéter inlassablement. Depuis mai 2012, les ministres du Travail, Michel Sapin puis François Rebsamen, ont dû annoncer, chaque mois, à de rares exceptions près, une nouvelle hausse du taux de chômage en France. Dernier exemple en date, lundi 27 avril, avec une augmentation de 0,4% du nombre de chômeurs de catégorie A au mois de mars 2015.

Le gouvernement continue pourtant de tabler sur un retournement de la tendance d'ici à la fin de l'année. Stéphane Auray, professeur d'économie à l'Ecole nationale de la statistique et de l'analyse de l'information, et Nicolas Bouzou, économiste et fondateur du cabinet de conseil Asterès, répondent aux questions de francetv info sur la possibilité de voir la France sortir la tête de l'eau.

Francetv info : Alors que le chômage a atteint un nouveau record en France, on a le sentiment que le phénomène est sans fin. La situation peut-elle s'inverser et, si oui, quand ?

Nicolas Bouzou : Ça finira bien par venir. A partir du moment où la croissance atteindra le fameux chiffre de 1,5%, les entreprises devraient pouvoir créer le nombre d'emplois nécessaires pour inverser la courbe du chômage. J'imagine bien un taux de croissance suffisant début 2016. Cela aurait pour conséquence de permettre une baisse du chômage à la fin de cette année. Mais ce ne sont que des prévisions, et, la vraie question à se poser, c'est : est-ce qu'on peut mettre en place des politiques économiques qui pourront faire baisser le chômage ? Ça, je n'en suis pas sûr.

Stéphane Auray : Je n'ai pas de boule de cristal, et je ne me risquerai pas à faire de prédictions. Mais je suis plutôt pessimiste. Dès septembre 2014, on ne voyait aucun indicateur qui laissait penser que le chômage allait baisser. Et on peut être d'autant plus inquiet aujourd'hui, car la probabilité de trouver un emploi a atteint son niveau le plus bas depuis 2009, alors que la probabilité de perdre son poste n'a jamais été aussi haute depuis vingt-cinq ans. Mais l'économie est cyclique, il y aura forcément un retournement un jour. En revanche, d'ici un ou deux ans, je crois plus à des petits retournements temporaires.

Le gouvernement a-t-il tort d'être plus optimiste ?

Stéphane Auray : Je ne vois aucune raison d'être optimiste. Miser sur une croissance de 1,5%, ce n'est pas suffisant. D'abord parce que c'est un niveau très faible pour renverser la courbe du chômage en France. D'ailleurs, ce regain de croissance pourrait d'abord être utilisé pour résorber le déficit, pas pour embaucher. Mais, ce qui est le plus inquiétant, c'est que le nombre de personnes au chômage depuis trois ans est quasi-égal à celui des personnes sans emploi depuis trois mois. Ce qui signifie que le chômage de longue durée risque d'atteindre un niveau irréversible, que ces chômeurs ne parviendront jamais à retrouver un emploi. Et la conséquence, c'est une perte de capital humain extrêmement nocif pour l'économie.

Nicolas Bouzou : Le souci vient de la passivité des pouvoirs publics face à cette situation, alors qu'ils doivent absolument mettre en place les réformes qui permettront de lutter contre ce chômage structurel. Il y a également un problème de confiance des entreprises qui sont tétanisées par les politiques contradictoires qu'on leur a présentées ces dernières années. Elles craignent que les règles changent à nouveau. Pour regagner leur confiance, le gouvernement doit être crédible et prendre des mesures fortes. Or, pour le moment, ce n'est pas ce que l'on voit, à l'image du dossier du dialogue social où, là encore, l'exécutif fait preuve de passivité.

Quelles solutions faut-il privilégier pour enrayer la spirale du chômage ?

Stéphane Auray : Il faut moins de rigidité et des signaux forts : un allègement massif des charges pour les bas salaires ou encore un contrat unique. Il faut également miser sur l'apprentissage, revaloriser le travail non qualifié, et cibler des secteurs porteurs. On peut mettre tous les pansements que l'on veut, comme le pacte de responsabilité ou le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), il faut surtout une politique globale et d'une ampleur suffisante. 

Nicolas Bouzou : Les difficultés sont d'abord liées aux blocages existants dans le marché du travail : un coût du travail trop élevé pour les emplois moins qualifiés, un droit du travail trop judiciarisé ou encore une indemnisation des chômeurs qui n'incitent pas à retourner vers l'emploi. Il faut également réorienter la formation professionnelle pour que les chômeurs et les travailleurs les moins qualifiés en bénéficient en priorité, alors que ce sont surtout les salariés les plus privilégiés qui en profitent aujourd'hui. 

Certains économistes, notamment cités par Challenges, estiment que l'augmentation de la population active, liée à la forte croissance démographique française, joue un rôle dans cette augmentation du chômage et plombe l'emploi des jeunes. Quel est votre avis sur cette analyse ?

Nicolas Bouzou : Ça crée bien un effet d'engorgement, puisque le marché du travail n'arrive pas à absorber ces nouveaux actifs en augmentation. A la base, cette forte démographie est un avantage pour la France, mais notre marché du travail dysfonctionne tellement qu'il n'est pas capable d'en profiter.

Stéphane Auray : Quand on voit le niveau du chômage des jeunes, on peut être inquiet. Pourtant, en France, les jeunes sont bien formés si on se réfère au taux de réussite au bac. Il faudrait non seulement revaloriser le travail peu qualifié, qu'on a encouragé il y a trente ans avant de le dévaloriser, mais aussi donner la priorité à des secteurs porteurs. Aujourd'hui, par exemple, la dynamique de l'emploi est plus porteuse dans le secteur de la plomberie que chez les commerciaux spécialisés dans l'immobilier.

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