Des salariés à temps plein sont incités à se désinscrire de Pôle emploi
Des associations de chômeurs dénoncent des "grandes manœuvres pour faire baisser les chiffres du chômage".
Une façon de faire baisser les statistiques ? Pôle emploi demande depuis octobre à des salariés à temps plein de Rhône-Alpes, de Midi-Pyrénées et d'Aquitaine pourquoi ils restent inscrits comme demandeurs d'emploi.
Ce test aboutira à désinscrire ou à changer de catégorie ceux qui ne cherchent pas activement un autre emploi. La question est suivie de près par le gouvernement, qui a confié en juin à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) une enquête sur la hausse des demandeurs d'emploi exerçant une activité. Explication en trois temps.
En quoi consiste cette opération ?
L'opération de Pôle emploi cible une population très précise. Elle vise les demandeurs d'emploi travaillant à temps plein "depuis au moins trois mois", inscrits "en catégorie C", "non indemnisés", hors intermittents du spectacle et assistantes maternelles, selon un mail de la direction de l'opérateur public en Rhône-Alpes dont l'AFP a eu copie. Soit "11 850 demandeurs d'emploi" dans cette région.
"La direction générale [de Pôle emploi] nous demande de mener un test sur ces populations afin de leur proposer une cessation d'inscription ou un transfert" de la catégorie C à la catégorie E, écrit la direction régionale. La catégorie E correspond à des personnes en emploi dispensées de recherche.
"Ces demandeurs d'emploi n'ont aucun intérêt à rester inscrits" en catégorie C, affirme Pôle emploi, "dans la mesure où ils ne peuvent prétendre ni à des droits à allocations ni à des aides", et "ne font l'objet d'aucun suivi, et d'aucun accompagnement".
S'agit-il de faire baisser les statistiques ?
Les associations de chômeurs ne l'entendent pas de cette oreille. "Recours radiation" dénonce ainsi des "grandes manœuvres pour faire baisser les chiffres du chômage". En passant en catégorie E, souligne-t-elle, les demandeurs d'emploi sortent des radars des médias, qui se concentrent chaque mois sur les seules catégories A (sans activité), B (activité courte) et C.
Faux, répond Pôle emploi, interrogé par l'AFP : "Si telle était notre intention, on aurait appliqué la règle de manière bête et méchante, en transférant d'office les demandeurs d'emploi." L'opérateur assure qu'au final "l'écrasante majorité des gens concernés par le test vont probablement rester en catégorie C" car la déclaration du demandeur d'emploi reste déterminante. Ainsi, les salariés qui continuent de chercher parce qu'ils ont accepté un job alimentaire ou qu'ils ont peur que leur entreprise ferme "ne changeront pas de catégorie".
Alors pourquoi un tel test ? Il s'agit d'une simple mesure de "bonne gestion", assure Pôle emploi. "L'objectif est de connaître la situation réelle de ces demandeurs d'emploi".
Quel est l'enjeu ?
Les statistiques de Pôle emploi sont d'autant plus sensibles que François Hollande a conditionné sa candidature à la présidentielle de 2017 à une baisse "crédible" du chômage en 2016.
Fin juin, déjà, François Rebsamen, alors ministre du Travail, avait demandé à l'Igas d'enquêter sur la "hausse atypique, presque incompréhensible", des demandeurs d'emploi en activité. Myriam El Khomri, qui lui a succédé, faisait le même constat vendredi lors d'une audition à l'Assemblée nationale : "Est-ce que vous savez que 38% de la catégorie C, c'est-à-dire près de 450 000 personnes, ont une activité à temps plein ? La réalité, c'est celle-ci."
Une "réalité" qui ne fait pas les affaires du gouvernement. Alors que le chômage a enfin baissé en septembre (-0,7% en métropole, avec 3 547 800 chômeurs de catégorie A, c'est-à-dire sans aucune activité.), le nombre de demandeurs d'emploi exerçant une activité, lui, continue de monter en flèche (+1,4%).
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