Crise agricole : "L'élevage est une aberration"
Et si on abandonnait l'élevage ? Après le mouvement des agriculteurs, francetv info a interrogé Brigitte Gothière, la porte-parole de l'association L214, qui prône "un changement de modèle" plutôt radical.
Des pneus brûlés, des cochons lâchés dans un supermarché ou des marchandises jetées sur la chaussée... Les images de la colère des éleveurs, exaspérés par la faible rémunération de leur production, n'ont pas échappé à L214. "Il est urgent de changer de modèle, non de l'entretenir", a réagi le mouvement de défense des animaux, mercredi 22 juillet, jour de l'annonce par le gouvernement d'un plan d'urgence de 600 millions d'euros pour la filière.
Images du jour. Il est urgent de changer de modèle, non de l'entretenir. #Elevage #Animaux #Planète #StopAbattoirs pic.twitter.com/B2qb0vPFnU
— L214 éthique animaux (@L214) 22 Juillet 2015
Francetv info a interrogé Brigitte Gothière, la porte-parole de cette association qui prône la fin de l'élevage au profit de productions végétales.
Francetv info : Comprenez-vous la colère des éleveurs ?
Brigitte Gothière : La mobilisation montre bien leur détresse. Evidemment, il y a un gros problème par rapport à leur niveau de revenus. Ce sont des professions sous perfusion, avec des subventions diverses et variées. On a poussé ces éleveurs dans un modèle qui, économiquement, ne marche pas. On le voit, crise après crise, je ne sais pas ce qu'il faut comme preuve supplémentaire.
Ces productions créent de la misère humaine, mais aussi une très grande misère au niveau des animaux, qui sont des êtres sensibles et qui aimeraient eux aussi vivre leur vie de la meilleure manière possible. Sans compter qu'on a des terres en surface limitée et de l'eau en quantité limitée. Il faut beaucoup plus d'énergie pour produire une calorie d'origine animale qu'il n'en faut pour une calorie d'origine végétale : l'élevage est une aberration de ce point de vue-là. Le système marche vraiment sur la tête.
Que pensez-vous de la réponse des autorités ?
Le gouvernement est en train de remplir une passoire, c'est sans fin. On ne résout rien en augmentant le prix du lait artificiellement. On a l'impression que le gouvernement se dit : "Débarrassons-nous du problème rapidement, dans quelques mois, on réinjectera de l'argent, au fur et à mesure des râleries".
Au lieu de s'obstiner, de mettre des rustines sur un trou béant, nous, on demande un changement de système, de sortir des productions animales pour aller vers des productions végétales. Le véganisme [ne plus consommer aucun produit d'origine animale] apporte des solutions à beaucoup de problèmes : on sait aujourd'hui qu'on peut se nourrir sans production animale. Il est temps de se poser des questions, car notre niveau de consommation actuel n'est pas durable.
Concrètement, vous proposez de procéder comment ?
Changer de modèle ne se fera pas du jour au lendemain, mais on pourrait déjà commencer par un moratoire sur les élevages les plus grands. Quand on voit la ferme des 1 000 vaches ou d'autres installations géantes, on pourrait dire non à ce genre d'exploitations. Ce serait déjà une mesure courageuse.
Ensuite, il faut soutenir les humains, les sortir d'un modèle qui les broie, en travaillant sur la reconversion des éleveurs. Ce ne serait pas un travail si massif, ils ne représentent qu'une toute petite partie des actifs en France. Avec le montant du plan d'urgence du gouvernement, 600 millions d'euros, on réussirait à faire pas mal de choses.
Et puis, à côté de ça, il y a toute une gastronomie à réinventer, sans produits carnés. Aujourd'hui, la France se vante d'être la championne en gastronomie, mais on a perdu le côté inventif. Des chefs comme Joël Robuchon ou Alain Ducasse ont déclaré très récemment vouloir se réorienter vers davantage de végétal. Tout un pan de créativité peut émerger. Si c'est vraiment une question de goût, des alternatives à la viande existent.
Les politiques ne semblent pas vraiment sur la même longueur d'onde...
Quand on se tourne vers les citoyens, vers les consommateurs, on remarque qu'il y a une prise de conscience de plus en plus forte de la nécessité de réduire notre consommation de produits d'origine animale. Mais cette prise de conscience n'arrive pas au plus haut niveau.
Le poids du lobby agricole est encore très important. On voit bien l'influence de Xavier Beulin [président de la FNSEA], qui tape des pieds, qui fait des actions assez violentes, très démonstratives, et qui est tout de suite reçu par le gouvernement dès qu'il bouge le petit doigt.
S'il y avait une volonté politique, ça pourrait accélérer le mouvement. Il y a eu une volonté politique de pousser vers la production animale à partir des années 1970, ça a été très rapide. Les gens ne mangeaient pas autant de viande à cette époque et, aujourd'hui, ils en consomment une quantité astronomique. Il faut faire le chemin inverse.
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