Trois questions sur le contrat de travail unique évoqué par Manuel Valls
Le Premier ministre a estimé qu'il s'agissait d'une "idée intéressante", jeudi, sur BFMTV. Francetv info revient sur ce contrat, censé remplacer les CDD et CDI, souvent annonncé depuis plus de dix ans, mais qui n'a jamais abouti.
Vers la fin du CDI et du CDD ? Déterminé à engager des réformes profondes, le Premier ministre Manuel Valls a estimé que le contrat de travail unique (CTU) était une "idée intéressante", jeudi 23 octobre, sur BFMTV. Une piste notamment préconisée par le Français Jean Tirole, prix Nobel d'économie 2014. Francetv info revient sur cette (vieille) idée qui fait son retour.
A quoi ressemblerait ce contrat ?
Le contrat de travail unique doit bouleverser le marché du travail actuel, que Jean Tirole décrit ainsi au Figaro : "D'un côté les stages, les CDD, les emplois aidés et le chômage. De l'autre, les CDI auxquels une grande partie de la population n'a pas accès." L'économiste français préconise un "contrat de travail unique" pour mettre fin à ce "mauvais système", a-t-il estimé sur i-Télé. Selon lui, il y a "une protection excessive du CDI qui se traduit par une précarisation de tous les autres".
Jean Tirole n'a pas donné de détails, mais une proposition a déjà été faite, en 2011, par l'association nationale des DRH. Europe 1 indiquait alors que le contrat de travail unique serait "sans référence au temps ; il sera, par nature, à durée indéterminée et se substituera à tous les CDI, CDD, contrats de missions, contrats saisonniers, actuellement en vigueur". La radio précisait que "les motifs de rupture seront alors la faute du salarié, la rupture d'un commun accord, ou la fin de l'activité sur laquelle ce salarié avait été affecté. Ce contrat à durée indéterminée pourrait être rompu assez facilement, du moins au début, la sécurité du salarié se renforçant au fur et à mesure que son ancienneté progresse dans l'entreprise."
Quels sont les effets recherchés ?
Il est censé dynamiser le marché du travail, donner de la flexibilité aux employés, et finalement créer de l'emploi. Manuel Valls en est convaincu. "Ce qui marche, ce qui est efficace, ce qui permet de retrouver de l'emploi, ce qui permet de respecter aussi les gens, personne n'est au chômage par plaisir (...), il faut le faire", a-t-il martelé sur BFMTV.
"Ce type de réforme a un effet très clair sur la productivité et sur la croissance", donc potentiellement sur la création d'emplois à long terme, estimait auprès de La Croix Andrea Bassanini, économiste à l'OCDE, en janvier 2013. Au moment de la reprise de l'activité économique, les entreprises pourront mieux en profiter grâce à cette flexibilité.
Une analyse que ne partage pas l'économiste Liem Hoang Ngoc, ancien secrétaire national adjoint à l'économie au Parti socialiste. "Il n'y a pas de relations entre le degré de protection de l'emploi dans un pays et les performances en matière de croissance et d'emploi", avait-il insisté auprès de Libération, en 2012.
Pour quand est-il prévu ?
Le contrat de travail unique n'est pas pour tout de suite. "Les partenaires sociaux ne l'ont pas adopté", a indiqué le chef du gouvernement sur BFMTV. Ils l'ont, en effet, écarté lors des négociations sur l'emploi en janvier 2013.
Mais les négociations ne sont terminées. "Le dialogue social est la marque de ce quinquennat. Il y a une crise des corps intermédiaires (...). Donc, nous devons les respecter, les conforter. Et les partenaires sociaux peuvent pouvoir avancer", a assuré le Premier ministre.
Toutefois, Manuel Valls ne cache pas sa détermination. "Faisons confiance aux partenaires sociaux", a-t-il lancé. Avant de reconnaître que "oui, nous pouvons être amenés à prendre nos responsabilités".
Pourtant, l'idée a déjà été mise sur la table à plusieurs reprises avant d'être abandonnée. Jean Tirole l'avait déjà formulée en 2003, avec Olivier Blanchard, actuellement chef économiste du Fonds monétaire international (FMI), plutôt classé à gauche. Depuis, le contrat de travail unique ne cesse de revenir dans les débats. Ce fut le cas en 2005, en 2007, lorsque Nicolas Sarkozy l'avait évoqué pendant sa campagne présidentielle, en 2011, ou encore en 2012, lorsqu'il était défendu par la Commission européenne. Reste à voir si Manuel Valls réussira à faire aboutir ce projet.
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