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Comment "Charlie Hebdo" s'est enfoncé dans la crise

Quatre mois après les attentats, malgré des ventes exceptionnelles, les différends internes minent le redémarrage de "Charlie Hebdo". La convocation d'une journaliste à un entretien préalable à un licenciement n'a rien arrangé.

Article rédigé par franceinfo
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Des copies du numéro de "Charlie Hebdo" diffusé le 14 janvier 2015. (AFP)

A peine une semaine après les attentats, Charlie Hebdo s'était relevé. Après la perte de membres éminents de la rédaction, le magazine satirique parvenait à publier un "numéro des survivants", diffusé à près de huit millions d'exemplaires. Un engouement jamais vu pour le journal.

Mais quatre mois plus tard, malgré des ventes exceptionnelles, Charlie Hebdo s'enlise dans la crise, avec des différends internes qui s'affichent dans la presse. Dernier épisode en date : la convocation de la journaliste Zineb El Rhazoui à un entretien préalable à un licenciement pour faute grave. Francetv info revient sur les divisions qui minent la renaissance du magazine satirique.

La crise de gouvernance

L'argent récolté dans la foulée des attentats a rapidement empoisonné la vie du journal satirique. En mars, onze salariés de Charlie Hebdo, dont l'urgentiste Patrick Pelloux et le dessinateur Luz, ont réclamé à la direction un statut d'"actionnaires salariés à parts égales". Le capital est pour l'heure détenu par Riss (40%), le directeur financier Eric Portheault (20%), les 40% restant appartenaient à Charb.

Réunis en collectif, ils ont appuyé leur demande dans une tribune publiée dans Le Monde, appelant à "la refondation de Charlie Hebdo". "Le journal doit abandonner le statut d'entreprise commerciale", estimaient-ils, dénonçant par ailleurs un processus de décision "opaque". "Nous refusons qu'une poignée d'individus prenne le contrôle, total ou partiel, [de Charlie Hebdo] dans le mépris absolu de ceux qui le fabriquent et de ceux qui le soutiennent", concluait le collectif.

Sauf que tout le monde, au sein du magazine, n'apprécie pas la mobilisation. Après cette tribune, la direction demande aux membres de la rédaction de ne plus s'exprimer publiquement sur les affaires internes du journal, explique Mediapart. Et la perspective d'une redistribution de l'actionnariat n'enchante pas non plus. "Quand le journal perdait de l’argent, personne ne demandait à entrer au capital, ni à changer de statuts, critique un membre de la direction, interrogé par le site. L’envie de prendre le pouvoir et l’appât du gain leur montent à la tête."

La mise à pied de la journaliste Zineb El Rhazoui

Un peu moins de deux mois après avoir signé la tribune appelant à la "refondation" de Charlie Hebdo, la journaliste Zineb El Rhazoui est mise à pied en attendant son entretien préalable à un licenciement pour faute grave, annonce Le Monde"Je suis choquée et scandalisée qu’une direction qui a bénéficié d’autant de soutien après les attentats de janvier fasse preuve d’aussi peu de soutien envers un de ses salariés, qui est sous pression comme tous dans l’équipe et fait l’objet de menaces", réagit l'intéressée.

Il s'agit seulement de la "rappeler à ses obligations minimales vis-à-vis de son employeur, suite à de nombreux incidents", indique finalement à l'AFP une porte-parole de la direction. Mais le procédé est une bien mauvaise publicité pour le journal, qui affiche ainsi une nouvelle fois ses tensions internes au grand jour. "Charlie Hebdo doit garder tous ses salariés et blessés des attentats, réagit l'urgentiste Patrick Pelloux sur Twitter. Il doit être exemplaire car le peuple a soutenu et donné beaucoup d'argent."

Le possible départ de Luz

C'est dans cette ambiance que  l'un des membres de la rédaction du magazine pourrait claquer la porte. Pas n'importe qui : Luz, l'une des figures historiques de Charlie Hebdo. L'auteur de la une du "numéro des survivants", publié dans la foulée des attentats, aurait annoncé son départ de la rédaction pour septembre, selon Mediapart, qui cite des sources internes à Charlie Hebdo. Le dessinateur "a confié récemment qu'il n'en pouvait plus", écrit le site internet.

Fin avril, Luz avait déjà surpris, en faisant ses adieux à Mahomet, qu'il avait pourtant immortalisé avec son dessin "Tout est pardonné". Dans un entretien aux Inrocks, le dessinateur annonçait qu'il arrêtait de le dessiner. "Il ne m'intéresse plus, explique-t-il. Je m'en suis lassé, tout comme celui de Sarkozy. Je ne vais pas passer ma vie à les dessiner."

Cette décision lui vaut les critiques, violentes, de Jeannette Bougrab, qui s'est présentée comme la compagne du défunt Charb après les attentats. Interrogée par Valeurs actuelles, elle décrit Luz comme un "médiocre", un "usurpateur" et estime qu'en arrêtant de croquer Mahomet, "il finit le job" des terroristes. Des déclarations qui ne risquent pas d'apaiser l'ambiance autour de Charlie Hebdo.

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