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"Katiba des Narvalos" : rencontre avec une armée d'internautes qui fait la chasse aux jihadistes

Depuis l'attentat de Charlie Hebdo il y a deux ans, des internautes, regroupés sous la bannière de la "Katiba des Narvalos", font la chasse aux jihadistes sur les réseaux sociaux. Ses membres ont témoigné de leur engagement. 

Article rédigé par franceinfo, Gaële Joly
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Les internautes de la "Katiba des Narvalos" traquent les jihadistes sur Internet depuis l'attentat de Charlie Hebdo en janvier 2015.  (RADIO FRANCE)

Il y a deux ans, la rédaction de Charlie Hebdo était frappée par un attentat. A l'époque, des internautes, choqués, décident de s'engager à leur échelle et commencent un travail de contre-propagande humoristique sur les réseaux sociaux, sous la bannière "Katiba des Narvalos". Mais depuis, ils traquent aussi les partisans du groupe Etat islamique. Des informations qu'ils transmettent aux autorités. 

Traqueurs de jihadistes. Le reportage franceinfo de Gaële Joly.

Ces internautes sont difficiles à joindre car la plupart travaillent. Le reste du temps, ils le passent devant leur écran. Ils ont entre 30 et 60 ans, sont autant de femmes que d'hommes : des enseignants, des informaticiens, des professionnels de la santé, des retraités, tous bouleversés par la tuerie de Charlie Hebdo. franceinfo a recueilli leurs témoignages.

On est nombreux à avoir eu ce déclic à ce moment-là

Alexandre, traqueur de jihadistes sur le web

franceinfo

Après la grande marche du 11 janvier 2015, à Paris, Alexandre, la quarantaine, a décidé de s'engager. "Avec les gamins, je me suis dit qu'il y avait une génération qui allait devoir gérer ça, et je me suis demandé 'quelles sont mes compétences', explique-t-il. C'est comme ça que j'ai commencé à rencontrer d'autres activistes sur Twitter." 

Depuis, avec des comptes parodiques, ils attaquent la propagande du groupe terroriste Etat islamique sur la toile. Le groupe signale aussi les profils d'internautes radicalisés sur Pharos, la plate-forme dédiée du gouvernement, grâce à des indices qu'ils recoupent.

Une vingtaine de personnes arrêtées en France

Alexandre a bien voulu raconter à franceinfo sa traque sur le Net, à laquelle il passe quatre heures par jour : "Le gars habitait dans la banlieue de Strasbourg. Comment on l'a identifié ? Une fois, il avait posté une photo de son plateau Mac Donald’s sur Twitter, et sur la facture on avait vu l'adresse du Mac Do".

Le quadragénaire ajoute que plus tard, "au 1er de l'an, il avait posté une photo d'une voiture brûlée sur le parking en bas de chez lui. On a fini par localiser son appartement par l'angle de la photo".

Ces internautes disent avoir facilité l'arrestation d'une vingtaine de personnes en France, comme récemment un étudiant en médecine, à Marseille, surnommé "Al Bistouri".

Ils font aussi de l'infiltration dans la sphère jihadiste, jusqu'en Irak et en Syrie, aidés par des anciens des renseignements et des arabophones. "On fait appel aux arabophones pour adopter les codes et gagner la confiance des interlocuteurs. On a plusieurs comptes sur Twitter et Telegram",  explique Jean-François, un membre du collectif.

Régulièrement menacés de mort

Par mesure de sécurité, les membres de la "Katiba des Narvalos" ne se rencontrent jamais. Très peu en ont parlé à leur famille car ils sont régulièrement menacés de mort.

De son côté, le ministère de l'Intérieur refuse tout commentaire sur le dossier. Mais cette armée d'internautes, Romain Caillet, spécialiste de la mouvance jihadiste, l'observe sur la toile au quotidien. Selon lui, ils ont une réelle efficacité contre la propagande du groupe Etat islamique sur les réseaux sociaux. "Il faut reconnaître qu'ils gênent la propagande jihadiste en français", remarque l'expert.

Ils leur mettent clairement des bâtons dans les roues !

Romain Caillet, spécialiste du jihadisme

franceinfo

"Il y a un certain nombre de comptes jihadistes qui enregistrent entre 300 et 400 abonnements en 24 heures, ajoute Romain Caillet. Ces comptes, s'ils n'étaient pas censurés régulièrement, auraient rapidement une dizaine de milliers d'abonnés. Or, ils ne peuvent pas se développer, aujourd'hui, à cause de ces activistes."

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