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"Charlie Hebdo" : le lycéen menacé de mort est "dégoûté par le manque de soutien de l'Education nationale"

Louis, 17 ans, est le rédacteur en chef d'un journal lycéen du Val-de-Marne. Depuis la sortie d'un numéro "Je suis Charlie" il y a quatre mois, il reçoit des menaces de mort.

Article rédigé par Clément Parrot - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Capture d'écran du numéro spécial du journal lycéen "La Mouette bâillonnée" à la suite des attentats de janvier. (LA MOUETTE BAILLONNEE )

A 17 ans, Louis a déjà reçu sept menaces de mort. Son tort ? Etre le rédacteur en chef de La Mouette bâillonnée, un journal lycéen qui a sorti un numéro spécial après les attentats de janvier. Elève en première ES au lycée Marcelin-Berthelot à Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne), Louis a été très affecté par cette affaire.

Jeudi 21 mai, pour protester contre l'inaction, selon lui, de l'Education nationale, un rassemblement a été organisé devant son lycée. Malgré les menaces de mort, Louis rêve toujours de devenir journaliste après son baccalauréat. Il a accepté de répondre aux questions de francetv info.

Quels sont les événements qui vous ont conduit à recevoir des menaces de mort ?

Après les attentats de janvier, on a appris que des membres de la famille de deux élèves du lycée avaient été directement touchés à Charlie Hebdo et à l'Hyper Cacher de la porte de Vincennes. Nous avons décidé de réagir en publiant un numéro spécial de La Mouette bâillonnée, en faisant appel à des contributions sous forme de textes ou de dessins de presse. Une cinquantaine d'élèves nous ont envoyé une contribution et, le jeudi 22 janvier, nous avons pu distribuer 1 800 exemplaires de notre journal aux 2 300 élèves du lycée.

Sur le moment, nous n'avons pas eu de problème, mis à part un professeur qui a fait un scandale en disant qu'on ne parlait pas assez des juifs de l'Hyper Cacher. Mais, dès le lendemain, nous avons reçu dans la boîte aux lettres du lycée une première menace. Il s'agissait de la une de notre journal sur laquelle était agrafée une feuille comportant une croix gammée, un cercueil et une phrase : "Si c’est nous que tu cherches, tu vas nous trouver." On a alors décidé avec mes parents de porter plainte pour menaces de mort et la police nous a demandé de ne pas en parler pour les besoins de l’enquête.

Les menaces ont-elles alors cessé ?

Non, une demi-douzaine de menaces de mort ont suivi. On a reçu une balle dans une enveloppe le lundi suivant, puis un mot le vendredi d'après indiquant qu'ils savaient où j'habitais et qu'ils n'hésiteraient pas. Avec les vacances de février, cela s'est un peu calmé et on a préparé un nouveau journal. Les menaces sont alors revenues. D'abord pour nous dire qu'ils savaient que nous étions allés voir la police, puis pour nous reprocher la sortie d'un nouveau numéro de notre journal.

Fin mars, j'ai reçu sept balles de pistolet dans la boîte aux lettres de mon domicile. La police est venue récupérer les preuves et m'a juste conseillé de m'enfermer chez moi, alors que j'étais tout seul. Le lendemain, j'ai obtenu de l'Education nationale la protection de services de sécurité, mais cela n'a duré que deux jours. Puis, au retour des dernières vacances, le 4 mai, une nouvelle menace au goût d'ultimatum a été glissée sous la porte du journal. Elle s'en prenait directement à moi en m'annonçant que j'étais un homme mort, qu'ils étaient prêts et que je pouvais faire mes adieux autour de moi.

Comment avez-vous vécu ces quatre derniers mois ?

Pendant les premiers mois de l’enquête, tout le monde penchait pour une mauvaise blague, mais j’étais quand même un peu troublé. Quand les menaces sont revenues, je me suis vraiment senti mal. Pour tout dire, j'ai consulté récemment un médecin judiciaire qui a évalué mon préjudice à 9 jours d'ITT [incapacité totale de travail]. J'ai le bac de français à la fin de l'année et j'ai manqué pas mal de cours à cause de cette histoire.

Aujourd'hui, je suis surtout dégoûté par le manque de soutien de l'Education nationale. J'ai perdu un peu patience en constatant que le proviseur comme le rectorat ne faisaient rien pour ne surtout pas faire de vague. Quand Najat Vallaud-Belkacem affirme que le harcèlement scolaire est son premier combat, et que je vois que l'on ne fait rien pour lutter contre cette situation... Ce qui est inquiétant, c'est que les menaces viennent forcément de l'intérieur du lycée, car, avec le plan Vigipirate, le lycée n'est pas accessible aux personnes de l'extérieur. 

Ensuite, je veux rendre hommage aux professeurs et aux élèves qui m'ont adorablement soutenu ces derniers mois. Ce midi, ils étaient entre 500 et 600 personnes devant le lycée pour exprimer leur soutien au journal et pour pousser un coup de gueule contre l'Education nationale.

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