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Départementales : en Isère, EELV rêve de nouvelles victoires sans le PS

Les écologistes ont intégré un Rassemblement citoyen aux côtés du Parti de gauche et d'autres organisations. Et espèrent réitérer le succès d'Eric Piolle, devenu en 2014 maire de Grenoble en battant le PS et la droite.

Article rédigé par Mathieu Dehlinger
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
L'ancienne ministre Cécile Duflot et le maire de Grenoble Eric Piolle aux journées d'été d'Europe Ecologie-Les Verts à Bordeaux (Gironde), le 23 août 2014. (MAXPPP)

Dans son verre, du vin, bio évidemment. En plein tour de France pour soutenir les représentants écologistes aux élections départementales, Cécile Duflot a fait étape, lundi 9 mars, dans le Grésivaudan, chez un jeune viticulteur. Mais l'ancienne ministre n'est pas venue en Isère que pour parler cépages.

Le matin même, elle appelait, dans Libération, à "l'émergence d'une nouvelle force politique"."Avec un grand P" s'il vous plaît. Ni "un nouveau parti", ni "une addition d'étiquettes", mais "une force culturelle, sociale et civique", "un rassemblement des progressistes". La description ressemble à s'y méprendre à celle adoptée par les candidats aux départementales avec qui elle est venue s'afficher ce jour-là, en campagne dans presque tous les cantons de l'Isère, sous la bannière du "Rassemblement des citoyens pour une Isère solidaire et écologique".

Contre les "dérives" et les "renoncements" de la majorité

Derrière cette étiquette, 46 candidats réunis dans un mouvement soutenu par Europe Ecologie-Les Verts, mais pas seulement. Participent à l'aventure le Parti de gauche et Nouvelle Donne, ainsi que plusieurs autres organisations marquées à gauche, comme le Forum social des quartiers populaires. A peu de choses près, le cocktail qui a fait gagner Eric Piolle aux municipales de mars 2014 à Grenoble. L'homme est devenu le seul élu EELV aux commandes d'une ville de plus de 100 000 habitants, gagnant au nez et à la barbe d'une liste d'union de la gauche menée par les socialistes, et reléguée en deuxième position. Un symbole, pour certains, d'une alternative aux alliances avec le PS.

Olivier Bertrand espère que la recette connaîtra le même succès auprès des électeurs lors des départementales. "La mayonnaise est en train de prendre", veut-il croire. Elu aux côtés d'Eric Piolle aux dernières municipales, il est aussi l'un des deux conseillers généraux écologistes sortants. Il a claqué la porte de la majorité départementale. La faute aux "dérives" et aux "renoncements" de l'équipe, assure-t-il à francetv info. Le Vert cible particulièrement André Vallini, l'ancien président du conseil général. Le socialiste a quitté son fauteuil en juin dernier pour devenir un simple membre de l'assemblée départementale, après son entrée au gouvernement. Mais le secrétaire d'Etat à la réforme territoriale est à nouveau en campagne dans son canton de Tullins.

"André Vallini était de plus en plus dans une logique gouvernementale, un réalisme presque cynique", dénonce Olivier Bertrand. Lui veut offrir une nouvelle voie aux électeurs, "en défendant les valeurs de la gauche des écologistes au sens large", par exemple en renforçant la politique sociale du département. "Si on doit résumer notre ligne en quelques mots, nous voulons proposer des alternatives aux politiques d'austérité et aux grands projets inutiles et coûteux, c'est le ciment qui nous a rassemblés", explique à francetv info Dominique Mulé. Le co-secrétaire départemental du Parti de gauche, associé au Rassemblement citoyen, évoque notamment la très contestée installation d'un Center Parcs à Roybon ou l'achèvement de l'autoroute A51 entre Grenoble et Sisteron.

Haro sur les socialistes ?

Face à cette concurrence, le successeur d'André Vallini à la présidence du conseil général affiche un certain flegme quand on évoque avec lui la désunion de la gauche. "Dans mon canton, j'ai toujours eu le Parti communiste ou des écologistes en face de moi au premier tour, assure Alain Cottalorda à francetv info. Donc finalement, en ce qui me concerne, rien de nouveau." Mais tout de même, ce Rassemblement citoyen a un goût un peu amer pour l'élu PS. "Avec les écologistes ici, il y a une volonté de casser du socialiste par tous les moyens, c'est un peu regrettable, estime-t-il. Pourtant, à part quelques points où nous sommes irréconciliables, comme le Center Parcs, nous avons été d'accord sur l'essentiel pendant des années."

"Nous ne crions pas haro sur les socialistes", se défend Olivier Bertrand, évoquant même des "discussions" engagées avec certains d'entre eux. Mais le PS n'est pas le seul, à gauche, à égratigner le Rassemblement citoyen. Les communistes ont, eux, choisi de faire cavaliers seuls dans certains cantons ou de partir sous les couleurs de l'actuelle majorité départementale dans d'autres. C'est le cas à Echirolles, où se présente Sylvette Rochas, unique conseillère générale PCF sortante à briguer un nouveau mandat. L'élue craint que les écologistes n'aient été grisés par l'ivresse du succès de Grenoble. "Malheureusement, cela risque d'avoir des conséquences, prédit-elle, interrogée par francetv info. J'ai souvent été en opposition avec les politiques ou les modes de fonctionnement d'André Vallini. On peut les contester, faire bouger les lignes. On peut dire qu'on est contre, sans pour autant jeter le bébé avec l'eau du bain."

"Nous sommes le meilleur rempart contre le FN"

Pour la communiste, la configuration est loin d'être idéale pour ce scrutin. "Il aurait fallu un rassemblement général des forces de gauche, pour faire barrage au FN et à la droite, qui a pour velléité de reconquérir le département, estime Sylvette Rochas. EELV et les autres jouent avec le feu."

Certes, il y a "un fort danger de voir la droite revenir" au pouvoir, reconnaît Dominique Mulé. Mais ni le Parti de gauche, ni EELV ne semblent croire aux vertus du rassemblement derrière le PS. "Les socialistes se sont pris beaucoup de gamelles, nous sommes les meilleurs défenseurs des principes et des idées de la gauche, nous sommes plus fédérateurs", poursuit le responsable local du Parti de gauche.

Pour convaincre, il évoque les chiffres des dernières européennes. A eux seuls, les écologistes ont talonné les socialistes dans le département, avec respectivement 12,26 et 14,66% des voix, et les ont dépassés dans certains cantons. "Ce qui peut faire gagner la gauche, c'est le Rassemblement citoyen, renchérit Olivier Bertrand. Nous sommes le meilleur rempart contre le Front national. Parce qu'on offre un espoir, on essaye de mobiliser un électorat qui sinon n'irait pas voter." A peu de choses près, les mots de Cécile Duflot dans Le Parisien, où elle voyait dans "ce qui s'est fait à Grenoble" non pas "un truc de la gauche de la gauche" mais "un truc qui gagne".

Côté socialiste, Alain Cottalorda espère encore convaincre ses anciens alliés de le rejoindre pour le second tour. Et éviter que la "mayonnaise" du Rassemblement citoyen ne provoque, pour les socialistes, une crise de foie électorale au lendemain des départementales.

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