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Après la débâcle aux législatives, comment les socialistes peuvent espérer faire renaître le PS de ses cendres

Après avoir encaissé la plus violente déroute de son histoire lors de ces élections législatives, le Parti socialiste se cherche un avenir.

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 9min
Un homme tient une rose à la main, devant le siège du PS, le 14 mai 2017. (ISA HARSIN / SIPA)

Le cœur n'y est pas. Sonnés par la débâcle électorale qui a réduit leurs troupes à peau de chagrin, dimanche 18 juin, les socialistes se cherchent un avenir. En ruine au lendemain des élections législatives, le parti est dans un tel état que certains se demandent s'il vaut la peine d'être sauvé. En attendant, les différentes chapelles qui composent le PS avancent quelques idées pour imaginer la suite.

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Faire le ménage à la tête du parti

"Dans n'importe quelle démocratie digne de ce nom, le chef d'un parti qui a fait 6% à la présidentielle aurait démissionné sur le champ !", lance un responsable socialiste. Après avoir résisté pendant toute la campagne des législatives, le premier secrétaire du PS, Jean-Christophe Cambadélis, a fini par annoncer sa démission. "Il ne s'agit pas pour moi d'organiser une retraite mais de permettre une renaissance", a-t-il lancé dimanche 18 juin, peu après l'annonce des résultats du second tour.

Dans les prochains jours, il est probable d'assister à de violents règlements de comptes. "Ça va d'abord se faire dans la douleur, pronostique Sébastien Denaja, député sortant battu dès le premier tour dans l'Hérault. On va voir ressortir la boîte à gifles, chercher qui sont les coupables..."

Dès le soir du premier tour, dimanche 11 juin, l'ancien ministre François Lamy, proche de Martine Aubry, avait lancé les hostilités avec un tweet vengeur à l'encontre de François Hollande et Manuel Valls.

Au PS, beaucoup plaident pour un grand ménage dans les instances du parti.

L'avenir ne peut pas être incarné par ceux qui ont été aux manettes depuis trente ans, sous François Mitterrand, sous Lionel Jospin et sous François Hollande.

Alexis Bachelay, député sortant battu au premier tour

à franceinfo

Avant la débâcle des législatives, la jeune génération – incarnée par des personnalités comme Najat Vallaud-Belkacem, Matthias Fekl ou Juliette Méadel – semblait tenir la corde pour reprendre le parti en main. Problème : "Ils ont tous été battus. Si c'est ça, on n'est pas sortis de l'auberge !", persifle un vieux grognard hollandais. "A l'époque de Mitterrand, on avait de vrais leaders, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui", soupire un membre de l'aile droite du parti. Bref, la succession, même immédiate et temporaire, est loin de mettre tout le monde d'accord.

Ravaler leurs ambitions personnelles

En ces temps marqués par le "dégagisme" et la rénovation des pratiques politiques, personne au PS n'ose se placer ouvertement dans l'optique de 2022. Et pourtant, les stratégies personnelles de reconquête du pouvoir ne sont jamais bien loin.

"Dans la jeune génération, il y a beaucoup plus d'ambitions – c'est bien normal – et d'ambitions personnelles", observe Laurence Rossignol, interrogée sur franceinfo. "On a plutôt intérêt aujourd'hui à s'appuyer sur des gens qui disent : 'Moi, je ne serai pas candidat à la présidentielle, je ne veux pas être premier secrétaire du PS, et je ne veux pas me construire une écurie'", plaide l'ancienne ministre des Familles. 

Je pense qu'on est dans le temps de la mise sous l'édredon des ambitions personnelles et qu'il faut revenir au collectif.

Laurence Rossignol, ancienne ministre des Familles

à franceinfo

Autre membre du gouvernement sortant, Thierry Mandon estime lui aussi qu'"il ne faut surtout pas recommencer les stratégies individuelles pour se différencier, exister, reconstruire autour de soi… Le nouveau Parti socialiste aura d'abord besoin de collectif, de goût du travail ensemble", énumère-t-il avec force, interviewé sur RTL.

Thierry Mandon : "On aura d'abord besoin de goût du travail ensemble."
Thierry Mandon : "On aura d'abord besoin de goût du travail ensemble." Thierry Mandon : "On aura d'abord besoin de goût du travail ensemble."

L'ancien frondeur Alexis Bachelay approuve : "Si la gauche n'est pas capable de s'extraire de la course à l'échalote permanente pour savoir qui sera à l'élection présidentielle, elle n'y arrivera pas." Pour gérer l'après-législatives, de nombreux responsables plaident donc pour une direction collégiale.

Repenser le fonctionnement du parti

Pour que le PS conserve une chance de survivre, il faudra "tout reconstruire, du sol au plafond", clament en chœur les socialistes. Preuve qu'il ne permet pas, sous sa forme actuelle, de se projeter vers l'avenir, certains d'entre eux ont d'ores et déjà lancé leurs propres initiatives, en dehors du parti : Matthias Fekl avec son Mouvement pour la vie des idées et des alternatives (Movida), créé en octobre, Anne Hidalgo et Christiane Taubira avec leur mouvement Dès demain, Benoît Hamon et son mouvement transpartisan Pour reconstruire la gauche, qui doit être lancé le 1er juillet.

Si certains restent sceptiques à propos de l'éclosion de "ces clubs à tout-va", tout le monde ou presque s'accorde à dire que le PS doit changer dans son organisation. "Rien ne serait pire pour le PS que de refaire un congrès comme d'habitude avec des motions insipides qui n'aboutissent à rien et qui ne donnent envie à personne", estime Matthias Fekl dans Le Figaro. "Plutôt que de se poser la question dès le premier jour de savoir qui nous portera vers une victoire dans cinq ans ou dix ans, la première question que nous avons à nous poser, c'est comment nous pouvons ensemble reconstruire quelque chose qui permette aux gens de se retrouver dans ce que nous portons", a déclaré, dimanche sur BFMTV le président sortant du groupe PS à l'Assemblée nationale, Olivier Faure.

"Prenez le congrès de Poitiers en 2015 : il ne s'est pas déroulé sur des bases politiques, mais sur des arrangements de personnes", se souvient le président du groupe PS au Sénat, Didier Guillaume, interrogé par franceinfo. 

Le PS ne peut plus fonctionner comme il a été conçu à Epinay en 1971, avec des motions, des contributions et des accords d'appareil.

Didier Guillaume

à franceinfo

Dans une référence explicite à l'attitude des frondeurs, Didier Guillaume regrette aussi que les décisions prises collégialement au sein du parti aient été bafouées tout au long du quinquennat. Pour l'avenir, prévient-il, "il ne sera possible de travailler ensemble que si chacun respecte les règles démocratiques".

La question du nom se posera aussi à plus ou moins long terme. Vieille revendication de Manuel Valls, elle avait été jugée "pas impossible" après la présidentielle par Jean-Christophe Cambadélis. Les personnalités interrogées par franceinfo estiment qu'il n'y a aucune urgence. "C'est un débat secondaire. Et il n'est pas question d'abandonner le fait d'être socialiste", prévient la frondeuse Marie-Noëlle Lienemann. Pour Alexis Bachelay, changer le nom du parti "ne peut pas se faire au début du processus. Ça ne pourrait en être que l'issue, sinon ça s'appelle du marketing".

Trancher leur ligne politique

C'est sans doute le point le plus important, mais aussi le moins consensuel en interne : quelle ligne politique pour le nouveau PS ? "Il y a un besoin de définir ce que nous sommes : un parti social-démocrate, social-réformiste, ou une gauche plus radicale ?", interroge Didier Guillaume.

Le premier moment de vérité va intervenir dès la semaine prochaine, lors de la constitution des groupes parlementaires. Les 46 députés socialistes et apparentés devront indiquer aux services de l'Assemblée nationale s'ils s'inscrivent comme un groupe d'opposition ou simplement comme un groupe minoritaire. Et le 4 juillet, ils devront voter sur la déclaration de politique générale du Premier ministre, Edouard Philippe.

"Politiquement, on ne peut pas se permettre d'être dans un soutien ambigu à Emmanuel Macron. Il faut s'assurer que les députés PS ne votent pas la confiance au gouvernement !", s'inquiète déjà Marie-Noëlle Lienemann. Un vœu qui risque bien de rester pieux, puisque la plupart des nouveaux députés socialistes ont été élus parce que LREM, qui les a jugés "Macron-compatibles", n'a pas présenté de candidat contre eux… 

Les débats sur la ligne politique risquent donc très rapidement de mettre en évidence l'impossible cohabitation entre des protagonistes aux orientations opposées. Jusqu'à l'éclatement du parti ? "Ce qui va se passer dans les prochains mois va être déterminant", juge Alexis Bachelay.

Si la rénovation se résume à un replâtrage, il sera difficile de garder tout le monde.

Alexis Bachelay

à franceinfo

Un hiérarque socialiste va plus loin : "Tout le monde sait qu'une scission est inévitable. Mais le premier qui le dit, il est foutu ! Alors tout le monde joue les faux-culs…"

Une position que ne partage pas Marie-Noëlle Lienemann. Le parti doit "respecter sa diversité et inventer des synthèses contemporaines" qui permettent de maintenir son unité, insiste-t-elle, tout en se démarquant de l'héritage de l'ex-chef de l'Etat. "On dit qu'Hollande était le roi de la synthèse. Pas du tout… C'était le roi des arrangements !"

Dans leur malheur, les socialistes peuvent se consoler en regardant le calendrier électoral. Hormis les élections sénatoriales en septembre, perdues d'avance, aucun scrutin n'est prévu avant les européennes de 2019 et les municipales de 2020. Ce qui laisse du temps pour se reconstruire plus sereinement.

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