Législatives : quatre scénarios après la victoire d'Emmanuel Macron à la présidentielle
Les élections législatives des 11 et 18 juin donneront aux Français l'occasion de laisser les mains libres au nouveau président pour gouverner. Ou au contraire d'orienter sa politique vers la droite ou vers la gauche.
Elu président de la République avec plus de 66% des voix, Emmanuel Macron va-t-il pouvoir gouverner ? Les élections législatives des 11 et 18 juin offriront aux Français l'occasion de dire s'ils souhaitent laisser les mains libres au nouveau président pour gouverner, ou au contraire s'ils veulent faire pencher la balance vers la droite ou vers la gauche pour orienter sa politique.
Les signaux envoyés d'ici là par Emmanuel Macron – nomination du Premier ministre, composition du gouvernement, premières mesures symboliques ou concrètes – pourraient avoir de lourdes conséquences sur l'issue du scrutin. A cinq semaines de ces élections cruciales, passage en revue des principaux scénarios possibles.
Hypothèse n° 1 : Emmanuel Macron remporte une majorité absolue à l'Assemblée nationale
C'est le scénario rêvé par Emmanuel Macron, celui aussi que ses soutiens présentent officiellement comme le plus probable. "Les Français ont choisi un nouveau président. Ils lui donneront une majorité nouvelle et forte", veut croire François Bayrou, en vertu de l'habitude prise par les électeurs à agir ainsi sous la Ve République.
Sûrs de leur capacité à remporter cette bataille, les macronistes se montrent fermes sur la stratégie à adopter dans cette campagne qui s'ouvre. "Nous aurons 577 candidats dans 577 circonscriptions sous une bannière unique qui s'appellera La République en marche", a indiqué lundi matin, sur France Inter, Benjamin Griveaux, porte-parole d'En marche !. Les socialistes ou les Républicains qui souhaiteraient faire partie de la majorité présidentielle sont donc priés de solliciter l'investiture d'En marche ! et de ne pas se présenter sous leur étiquette d'origine.
Si Emmanuel Macron réussit son pari en juin, il pourra mettre en œuvre son programme avec une grande liberté, soutenu par une Assemblée nationale à ses couleurs. PS et LR seraient alors clairement dans l'opposition et disposeraient chacun de cinq ans pour se reconstruire.
Mais cette hypothèse n'est pas forcément la plus plausible. A la différence de ses prédécesseurs, Emmanuel Macron ne dispose pas d'un parti installé ni d'élus implantés dans les territoires. Elu par la grâce du vote utile au premier tour et du front anti-FN au second, il ne pourra pas non plus compter sur sa popularité pour soulever les foules. Selon un sondage Ipsos/Sopra Steria publié dimanche soir, le nouveau chef de l'Etat a du souci à se faire : 61% des Français indiquent en effet ne pas souhaiter qu'il obtienne une majorité au Parlement.
Hypothèse n° 2 : la droite remporte les législatives et impose une cohabitation
La droite et son nouveau commandant en chef, François Baroin, n'ont pas perdu l'espoir de remporter la mise lors des élections législatives. Une opposition qui devient majoritaire à l'Assemblée dans la foulée d'une élection présidentielle, ce serait du jamais-vu sous la Ve République. Certains élus LR estiment que la débâcle présidentielle est en grande partie due à l'affaire Fillon et "au débat d'idées confisqué", et imaginent la droite prendre une belle revanche en juin. Dans ce cas, il est probable que François Baroin soit nommé à Matignon. Emmanuel Macron, lui, devrait rester cantonné à son domaine réservé, la politique internationale.
Mais l'histoire semble trop belle pour Les Républicains. Selon un sondage Kantar Sofres réalisé juste avant la présidentielle, En marche ! recueillerait entre 24% et 26% des intentions de vote aux législatives, devant Les Républicains (22%), le Front national (21-22%), la France insoumise (13%-15%) et le PS (8-9%). Peu convaincus par la capacité de leur camp à gagner, certains élus LR évoquent déjà, comme Bruno Le Maire, la possibilité de "travailler dans une majorité de gouvernement" avec Emmanuel Macron.
Au sein des Républicains, traversés par de fortes dissensions, on sert les rangs comme on peut. Si jamais l'ancien ministre de l'Agriculture entrait au gouvernement, il aurait "un candidat LR face à lui", a averti François Baroin dimanche soir sur France 2. "Si Bruno Le Maire rejoint le gouvernement dans une dizaine de jours, de fait il quitte la famille, de fait il appartient à En marche !" a-t-il menacé. Ces menaces suffiront-elles à dissuader les éventuels transfuges ?
Hypothèse n° 3 : privé de majorité absolue, Emmanuel Macron doit composer avec une partie du PS et de LR
Au soir du 11 juin, il est possible qu'En marche ! ne parvienne pas à obtenir les 289 sièges nécessaires à l'obtention d'une majorité absolue à l'Assemblée nationale. Le seul sondage qui, à ce jour, propose une projection en sièges, réalisé par OpinionWay le 3 mai, estime entre 249 et 286 le nombre de sièges que pourrait gagner le parti d'Emmanuel Macron (200 à 210 pour LR et l'UDI, 28 à 43 pour le PS, 15 à 25 pour le FN et 6 à 8 pour le Front de gauche).
Dans ce cas, deux solutions s'offriront à Emmanuel Macron. La première : essayer de construire une majorité de coalition avec l'appoint de députés PS et LR qui s'affranchiraient de leurs camps respectifs. Dans ce cas, les groupes parlementaires socialiste et Les Républicains (aujourd'hui les plus importants dans l'Hémicycle) pourraient se scinder en deux avec, d'un côté, ceux qui soutiendraient la politique d'Emmanuel Macron, et de l'autre, ceux qui resteraient dans l'opposition. Un remaniement interviendrait alors pour que ces tendances soient représentées au gouvernement.
Deuxième solution, si la précédente échoue : s'en remettre à des majorités fluctuantes selon les textes soumis au Parlement. Sur tel projet de loi, des socialistes apportent leur soutien, sur tel autre, ce sont une partie des Républicains qui viennent au secours du gouvernement. C'est la ligne que semble défendre, à droite, Jean-Pierre Raffarin, pour qui "il faudra aider la France à réussir" et qui évoque un "parlementarisme constructif". Une perspective qui promet de belles crises de nerfs dans les couloirs de l'Assemblée, et qui aurait l'inconvénient d'affaiblir considérablement la présidence Macron.
Hypothèse n° 4 : les législatives accouchent d'une France ingouvernable
Dernière hypothèse : les élections législatives débouchent sur une Assemblée nationale morcelée, à l'image du résultat du premier tour de la présidentielle. Pour schématiser : plusieurs forces politiques – En marche !, LR, l'UDI, le PS, le FN, la France insoumise et les communistes – se partagent le gâteau sans qu'aucun n'approche de la majorité absolue ou ne se détache nettement des autres.
Dans ce cas, la marge de manœuvre du futur gouvernement se trouverait extrêmement réduite, car il serait incapable de faire adopter ses textes. La France serait alors ingouvernable. L'article 49-3 de la Constitution, dont Michel Rocard avait fait usage à 24 reprises entre 1988 et 1991, ne peut plus être utilisé à une telle fréquence. Depuis la révision constitutionnelle de 2008, il est limité aux budgets de l'Etat et de la Sécurité sociale, et à un texte supplémentaire par session parlementaire.
Il serait très difficile pour Emmanuel Macron de tenir cinq années dans ces conditions. Le chef de l'Etat disposerait toujours de la possibilité de dissoudre l'Assemblée nationale et de renvoyer les électeurs aux urnes. Sans aucune certitude sur le résultat.
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