Déraillement de Brétigny : le rapport des experts en quatre questions
Les expertises ferroviaires et métallurgiques sont accablantes pour la SNCF. Elles dénoncent "un état de délabrement jamais vu".
Des rapports accablants. Les experts désignés par la justice pour déterminer les causes de la catastrophe ferroviaire du 12 juillet 2013 à Brétigny-sur-Orge (Essonne) dénoncent "un état de délabrement jamais vu" du réseau. Le procureur d'Evry doit faire, lundi 7 juillet, une déclaration à la presse à ce sujet.
Peu après l'accident, qui avait fait sept morts et des dizaines de blessés en gare de Brétigny, une information judiciaire avait été ouverte pour homicides et blessures involontaires. L'enquête avait été confiée à trois juges d'instruction, qui à leur tour ont missionné des experts.
1Quelles sont les causes de l'accident ?
Dans leurs rapports, dévoilés par Le Figaro, Michel Dubernard et Pierre Henquenet soulignent que "nous ne sommes pas en présence d'un acte de malveillance, et que le processus ayant abouti à la désagrégation complète de l'assemblage s'est bien au contraire étalé sur plusieurs mois et a concerné l'ensemble de l'appareil de voie incriminé, sur lequel ont été relevées plus de 200 anomalies de divers degrés de criticités".
Selon ces experts, "la plupart des anomalies étaient connues de la SNCF ou de ses agents sans pour autant" qu'il y soit remédié "de façon adéquate".
Ils précisent que "l'armement a péri par fatigue, vibrations, battement, défauts de serrage, usure, etc. Tous dommages relevant de la qualité de la maintenance." Les experts ajoutent que l'état du réseau à Brétigny "aurait logiquement dû conduire la SNCF à une surveillance accrue, et surtout adaptée".
2Les agents de maintenance sont-ils en cause ?
Les experts pointent la formation des agents de maintenance. Ils affirment que "le personnel SNCF chargé de la mise en œuvre de la maintenance des voies et appareils devrait être choisi, tout d'abord selon des critères de solide formation à la construction mécanique et de surcroît avoir reçu une formation spécialisée approfondie".
De même, ils jugent que "les prescriptions de maintenance de la SNCF, complexes, parfois difficiles à interpréter ou à appliquer par des hommes de terrain, n'ont pas été parfaitement respectées (...). Ceci a conduit à une insuffisance de prise en compte et de traitement des anomalies rencontrées."
Enfin, les experts, qui ont procédé à des tournées d'inspection des voies le 28 janvier, alertent sur l'état du réseau en gare de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), qu'ils jugent inquiétant.
3Est-ce le premier rapport ?
Comme le précise France Info, ce n'est pas la première enquête après le déraillement du train Paris-Limoges, "mais il s'agit sans doute de la plus importante, puisque demandée par la justice après l'ouverture d'une information judiciaire", détaille la radio.
En janvier, le rapport d'étape du Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre préconisait une amélioration de la maintenance. Les défauts présents sur une éclisse située en amont de la gare avaient alors été mis en avant. Trois des quatre boulons qui maintenaient cette sorte d'agrafe métallique qui relie deux rails dans un aiguillage étaient manquants.
Par ailleurs, un rapport indépendant mené par un expert judiciaire, rendu public le 10 juin, déplorait le manque de maintenance des voies sur la ligne Paris-Limoges.
4Que répond la SNCF ?
Dans un communiqué commun, la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), le gestionnaire du réseau ferroviaire français, "contestent formellement tout 'état de délabrement' du réseau à Brétigny comme ailleurs".
Pour la SNCF et RFF, "certains éléments rapportés d'une des expertises paraissent hors de proportion et hors de fondements techniques".
"Le réseau ferroviaire français fait l'objet d'une maintenance de très haut niveau et d'une surveillance constante qui exclut l'expression outrancière 'd'état de délabrement jamais vu'", poursuit leur communiqué, ajoutant que ces deux rapports, qui s'ajoutent à d'autres constatations, feront l'objet d'un débat contradictoire devant la justice.
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