Cet article date de plus de huit ans.

Corse : ce que l'on sait du saccage d'une salle de prière musulmane à Ajaccio

Une manifestation de soutien à deux pompiers et un policier blessés la veille dans des échauffourées a dégénéré.

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Des policiers sont déployés dans le quartier des Jardins de l'Empereur à Ajaccio (Corse du Sud), après de violentes échauffourées, le 25 décembre 2015. (MAXPPP)

Un rassemblement d'environ 600 personnes a dégénéré à Ajaccio (Corse-du-Sud), vendredi 25 décembre en fin de journée, quand certains manifestants ont attaqué une salle de prière musulmane et ont tenté de brûler des exemplaires du Coran. Les manifestants protestaient contre l'agression de deux pompiers et un policier la veille pris, pour cible dans un "guet-apens", selon la préfecture.

Corse : une salle de prière musulmane saccagée à Ajaccio
Corse : une salle de prière musulmane saccagée à Ajaccio Corse : une salle de prière musulmane saccagée à Ajaccio (FRANCE 2)

Que s'est-il passé ?

Vendredi vers 16 heures, les manifestants se sont d'abord rassemblés devant la préfecture, à Ajaccio, en soutien aux pompiers et au policier blessés la veille. Environ 250 à 300 personnes se sont ensuite dirigées vers les Jardins de l'Empereur, une cité sur les hauteurs de la ville, pour tenter de retrouver les auteurs de l'agression.

Malgré le dispositif policier, certains individus ont saccagé une salle de prière musulmane du quartier, et ont tenté de regrouper des exemplaires du Coranpour y mettre le feu, selon les autorités. Une partie des livres ont été détruits dans un début d'incendie. Certains manifestants scandaient des slogans xénophobes : "Arabi fora (les Arabes dehors) !""On est chez nous !", ou encore "Il faut les tuer !".

Des exemplaires du Coran partiellement brûlés dans le quartier des Jardins de l'Empereur à Ajaccio (Corse). (PIERRE-ANTOINE FOURNIL / AFP)

La terrasse d'un restaurant kebab situé à proximité a également été endommagée dans ces incidents, qui ont pris fin vers 21 heures. La préfecture a renforcé les dispositifs de sécurité autour des lieux de prières.

Que s'était-il passé la veille?

Dans la nuit de jeudi à vendredi, vers minuit et demi, "un incendie a été volontairement allumé" dans la cité du Jardin de l'Empereur, "pour attirer les forces de l'ordre et les pompiers dans un guetè-apens en leur jetant des projectiles et en s'en prenant directement aux sapeurs pompiers", a indiqué le sous-préfet François Lalanne. 

Deux pompiers ont été "sérieusement" blessés par des éclats de verre après des "agressions physiques" au cours desquelles des vitres de leur véhicule d'intervention ont été détruites, toujours selon le sous-préfet, qui évoque "de nombreux jeunes encagoulés" impliqués dans les échauffourées.

L'intervention des forces de l'ordre, au cours de laquelle un policier a à son tour été "légèrement" blessé, a duré jusqu'à 2h45, heure à laquelle le calme est revenu dans le quartier. Une batte de baseball, des clubs de golf et une bouteille d'acide ont été saisis, mais aucune interpellation n'a eu lieu. "Plusieurs éléments d'identification utiles" ont été recueillis, précise toutefois le sous-préfet.

Comment ont réagi les responsables politiques ?

Sur Twitter, le Premier ministre Manuel Valls a condamné aussi bien l'agression des policiers que la dégradation d'une salle de prière, appelant au respect de la loi républicaine. 

Dans un communiqué, le ministre de l'Intérieur souhaite que les auteurs de l'agression contre les sapeurs-pompiers et policiers soient "interpellés dans les meilleurs délais", et également que toute la lumière soit faite sur les dégradations commises dans une salle de prières musulmane. Pour Bernard Cazeneuve, ces exactions "portent atteinte aux valeurs mêmes de la République".

"Soutien total et fraternel aux #pompiers agressés à #Aiacciu. Vargogna à quelli ch´anu fattu què" ("Honte à ceux qui ont fait ça!"), a réagi sur Twitter le nouveau président du Conseil exécutif de Corse, Gilles Simeoni.

"Aggressione vergugnosa in Aiacciu ("agression honteuse à Ajaccio"): solidarité sans faille avec les pompiers", a de son côté tweeté Jean-Guy Talamoni, président de l'assemblée de Corse.

Le patron du Sdis de Corse-du-Sud a aussi vivement réagi, avec un vocabulaire tout aussi politique. "Je dis aux individus de ce soir, les pseudos courageux, que nous ne sommes pas dans certains quartiers du continent où règnent la terreur et le chaos. Ici c'est Ajaccio et nous ne laisserons personne dicter ses propres règles, imposer la peur et s'accaparer un quartier de notre ville. Si cela les indispose, ils sont libres de partir", a commenté Charles Voglimacci, dans un communiqué.

L'Observatoire national contre l'islamophobie du Conseil français du culte musulman (CFCM) a "condamné avec force" ces faits, dénonçant une agression "qui se déroule en un jour de prière pour les musulmans et pour les chrétiens". Pour son président Abdallah Zekri, "c'est un moment qui aurait dû servir à la paix et à la fraternité entre toutes les confessions".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.