Incendies : la pyromanie est-elle une vraie maladie ?
Franceinfo a interrogé le psychiatre Pierre Lamothe, expert auprès de la Cour de cassation, pour tenter de comprendre les motivations des pyromanes.
Plus de 7 000 hectares de végétation brûlés en trois jours : le sud-est de la France est en proie aux incendies depuis lundi 24 juillet. Dans les Bouches-du-Rhône, les trois incendies de Carro, Peynier et Martigues sont "maîtrisés" et en cours de noyage. Pour deux de ces sinistres, les forces de sécurité ont interpellé plusieurs personnes se trouvant à proximité des départs de feu et soupçonnées de les avoir allumés accidentellement.
Pour les autres incendies, l'enquête se poursuit. L'origine est loin d'être avérée. Si elle est criminelle, peut-on parler de personnes pyromanes ? Et la pyromanie est-elle une maladie à proprement parler ? Pour répondre à ces questions, franceinfo a interrogé le psychiatre Pierre Lamothe, expert auprès de la Cour de cassation.
Franceinfo : A quoi reconnaît-on un pyromane ?
Pierre Lamothe : Les pyromanes sont majoritairement des hommes, qui ont une fascination pour les flammes. Mais la pyromanie n'est pas une maladie mentale, c'est plus proche de la perversion. La personne qui est en victime vit plutôt cachée, et a tendance à ne pas revendiquer ses actes. Elle jouit, en cachette, du spectacle grandiose qu'offre l'incendie dont elle est à l'origine. Les images de feux de forêt diffusées par les médias l'été retiennent l'attention des pyromanes. Ils aiment observer le ballet des Canadairs, ou encore voir le ministre de l'Intérieur arriver sur les lieux. Toute cette agitation est simple à obtenir : il suffit d'une boîte d'allumettes pour la déclencher.
D'où vent ce besoin de mettre le feu ?
Le pyromane est souvent une personne frustrée, et qui a des difficultés à communiquer avec les autres. La sexualité peut, par exemple, expliquer cette frustration. Ils sont complexés par un défaut, et le fait de mettre le feu est un moyen de défense pour eux, ou une manière de montrer leur puissance. Ils évaporent leur agressivité dans cet acte.
Ces personnes ont-elles conscience du danger que représente un incendie ?
Les pyromanes veulent apprécier le spectacle du feu, sans prendre en considération les risques que cela comporte. Mais dans la plupart des cas, ils sont tout à fait capables de prendre conscience de leurs actes. En consultation, des patients soutiennent qu'ils ne sont pas responsables, car ils ne souhaitent pas que des biens soient détruits ou que des personnes soient victimes de l'incendie volontaire. Avec ce raisonnement immature, ils sont capables de nier l'évidence. Le pervers n'a pas peur d'être contradictoire pour se dédouaner.
Au vu de ces comportements, est-il possible de soigner des pyromanes ?
La réussite des soins est très variable. Des personnes restent bloquées dans leur raisonnement, et sont obnubilées par leurs actes. Certains patients m'expliquent qu'ils veulent bien être soignés, si je leur explique pourquoi ils ont agi ainsi. C'est la pire situation pour un psychiatre. Certains usent même de stratégies pour éviter la discussion lors des consultations. Un professeur, qui avait été condamné pour avoir mis le feu à sa salle de cours, arrivait systématiquement en retard aux rendez-vous, et revenait à chaque fois sur les raisons de son retard. C'est une manière de détourner le travail de psychothérapie.
En tant que psychiatre, on doit également torpiller la fascination qu'ils éprouvent à déclencher un incendie, et leur expliquer que leur geste est, en réalité, un aveu de faiblesse. Mais pour soigner les pyromanes, il faut réussir à les remettre en relation avec les autres individus.
Mais les incendies volontaires sont-ils toujours l'œuvre de pyromanes ?
Dans ma carrière de psychiatre, je n'ai croisé que quelques pyromanes. Ce sont des profils très rares. Il faut distinguer les pyromanes des incendiaires. Celui qui déclenche un incendie criminel a souvent des motivations précises pour expliquer son acte, notamment la vengeance. Dans ce cas-là, les auteurs veulent que ça pète, que ce soit spectaculaire. Face aux enquêteurs, ils vont alors expliquer plus facilement leur geste, et le revendiquer.
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