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Magnotta, le "dépeceur de Montréal", face à ses juges

Le procès du Canadien accusé d'avoir tué et démembré un étudiant chinois en mai 2012 s'ouvre, lundi, à Montréal.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Luka Magnotta à sa descente d'avion, à Montréal (Canada), le 18 juin 2012. ( AFP )

Derrière la vitre du box des accusés, il arbore désormais une petite moustache sur un visage joufflu. Deux années d'incarcération ont rendu méconnaissable celui que la presse a surnommé "Canadian Psycho", "le dépeceur canadien" ou encore "le tueur sadique de Montréal", rapporte Le Journal de Québec. Pour autant, l'attitude de Luka Rocco Magnotta, 32 ans, n'a pas changé. Depuis le 8 septembre, il a assisté, impassible, parfois mi-somnolent, mi-amusé, à l'interminable sélection des jurés qui doivent, à partir du lundi 29 septembre, se plonger dans l'horreur d'une affaire qui a glacé la terre entière. Accusé d'avoir tué et dépecé un étudiant chinois, il garde la même ligne de défense : il plaide non-coupable et entretient le mystère sur ses motivations morbides.

Mutilations et actes sexuels, le supplice de Lin Jun

Les faits remontent à la nuit du 24 au 25 mai 2012. Ce soir-là, Lin Jun, un étudiant en informatique chinois de 32 ans, est tué à l'aide d'un pic à glace dans l'appartement de l'accusé. Le cauchemar continue : la suite est filmée et diffusée sur internet. On y voit des "scènes de mutilation et d'actes sexuels [sur le corps de Lin Jun] si morbides que certains policiers pourtant endurcis ont été incapables de les regarder", rapportait à l'époque le site québécois La Presse. La police a en outre laissé entendre au quotidien britannique The Daily Mail (en anglais) qu'elle avait eu accès à une autre version de la vidéo, dans laquelle l'accusé se livrait à des actes de cannibalisme. 

Mais l'horreur ne s'arrête pas là. Luka Magnotta est également soupçonné d'avoir expédié par la poste à travers le Canada des parties des membres de la victime, y compris au bureau du chef du gouvernement et à des personnalités du parti conservateur au pouvoir. Le tronc de la victime a, quant à lui, été découvert dans une valise mise aux ordures dans une ruelle de Montréal, près du logement de Magnotta à l'époque. La tête n'a été retrouvée qu'en juillet 2012 dans un parc de la ville. 

Il a fallu dix jours à la police pour retrouver sa trace. Le jeune homme avait en effet embarqué le lendemain du meurtre sur un vol en direction de Paris. Sa cavale l'avait ensuite conduit en Allemagne, où il a été arrêté le 4 juin 2012, à Berlin.

Un homme sadique en quête de célébrité

C'est durant ces douze jours de cavale que son visage a fait le tour du monde, et que sa personnalité trouble est décortiquée. Luka Rocco Magnotta, né sous le nom d'Eric Clinton Newman en juillet 1982, a d'abord été strip-teaseur à l'âge de 18 ans dans un bar gay de Toronto, avant de se prostituer et d'échouer à percer dans l'industrie du porno. En 2007, il cherche à se faire connaître en passant des auditions pour une émission de téléréalité. Avec, à chaque fois, la même obsession : devenir célèbre. A défaut de concrétiser ses rêves, il se met en scène sur internet, publiant des photos de lui à sa gloire. On le voit souvent à demi-nu, dans des poses lascives. Mais c'est par un acte sadique qu'il se fait enfin repérer, lorsqu'il met en ligne, en 2010, une vidéo dans laquelle on le voit asphyxier des chatons dans un sac plastique.

Des détails sordides qui ont fait fuir bon nombre de jurés convoqués pour le procès. Si la vidéo du meurtre en lui-même ne sera pas projetée, le juge a cependant prévenu les candidats jurés que des éléments de preuves "choquants et perturbants pourraient [les] déranger".

Plus de 1 600 Canadiens ont été entendus au palais de justice de Montréal pour qu'en soient sélectionnés 16, qui devront être complètement bilingues anglais-français (l'accusé parle anglais mais certains témoins français). Nombre d'entre eux ont ainsi cherché à être exemptés, avec parfois des raisons cocasses, note Le Journal de Montréal. "Pour moi, Magnotta est coupable. J'ai fait des cauchemars cette semaine", confie l'une d'elles, qui ne sera pas retenue. Un autre fera même rire toute la salle : "Je baragouine l'anglais. Je sais dire yes, no, toaster."

Magnotta a ses fans 

Si le personnage dégoûte et repousse, il fascine également certains. Au cours de ses deux années de détention provisoire, Luka Rocco Magnotta aurait en effet reçu des centaines de lettres d'admirateurs, selon Global News. Il leur aurait répondu, racontant ses conditions de détention :"J'ai de belles photos sur mon mur ainsi que des mots d'encouragement de personnes partout dans le monde", aurait-il écrit à une de ses admiratrices. Toujours selon Global News, il aurait également reçu de l'argent, dépensé en produits cosmétiques et en "malbouffe", note Europe 1. Plus improbable, il aurait même reçu un épilateur laser.

Prévu pour durer entre six et huit semaines, le procès doit notamment permettre de déterminer si Magnotta est coupable et s'il a agi avec préméditation. Si celle-ci est retenue, il risque la prison à perpétuité. Dans le cas inverse, cela ouvrirait la possibilité au "dépeceur canadien" de demander une libération conditionnelle plus tôt, en cas de condamnation à de la réclusion.

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