Attentats à Paris : "Une sorte d'échantillon de ce que nous allons connaître dans le futur"
Francetv info a interrogé Louis Caprioli, ancien responsable de la lutte antiterroriste à la Direction de la surveillance du territoire.
Comment analyser la série d'attentats meurtriers perpétrés à Paris dans la soirée du vendredi 13 novembre ? Signe-t-elle l'échec de notre lutte contre le terrorisme ? Au lendemain de ces attaques, qui ont fait au moins 128 victimes, francetv info a interrogé Louis Caprioli, ancien patron de la lutte antiterroriste à la Direction de la surveillance du territoire (DST).
Vous êtes un expert du contre-terrorisme. Comment analysez-vous la vague d’attentats que Paris vient de connaître ?
Louis Caprioli : Ce que nous venons de vivre m’évoque ce qu'on a appelé "novembre rouge". Je parle là d'évènements de la guerre d'Algérie. Le contexte était certes très différent. Nous étions aussi face à une guerre civile. C'était une vague d’attentats dans des lieux publics, des actions particulièrement meurtrières. C’est ce souvenir qui me remonte aujourd’hui.
Je redoute que les attentats du vendredi 13 novembre ne soient le prélude à ce que nous allons vivre dans le futur. Une sorte d'échantillon. Je suis pessimiste parce que la monstruosité de l’organisation Etat islamique, qui est à l’origine de cette horreur, n’a cessé de monter en puissance. Les scènes de combat et les résultats sur les terrains syrien et irakien le montrent depuis longtemps. Nous savons parfaitement que nous affrontons une masse considérable d'individus. 7 000 personnes font actuellement l’objet d’un signalement sur notre territoire, 7 000 personnes potentiellement dangereuses. 2 000 font l’objet d’une surveillance. Cette masse constitue un défi en soi.
Faut-il revoir notre efficacité dans la lutte antiterroriste ?
Les services de sécurité sont trop dispersés, selon moi, dans la lutte antiterroriste. Il y a trop de structures, trop d’interlocuteurs. A telle enseigne que l'on parle de coordination, justement parce qu’il faut tenter d’harmoniser cette multiplicité. On connaît la Direction générale du renseignement intérieur, la DGSI, mais à côté il y a le Service central du renseignement territorial (les anciens renseignements généraux RG). Il y a aussi les gens de la police judiciaire antiterroriste… De fait, il serait bon à mes yeux de constituer une véritable "task force" pour améliorer la puissance de la lutte contre les jihadistes. Sans oublier la question des moyens. Oui, les services de sécurité manquent de personnel.
N’est-il pas également indispensable d’organiser davantage cette lutte au niveau européen ? Voire même là où l’organisation Etat islamique a pignon sur rue, c'est-à-dire en Syrie ou en Irak ?
Evidemment. La réponse européenne au terrorisme est une nécessité absolue. Elle existe, mais elle doit être renforcée. Il faut en particulier se concentrer sur la neutralisation de la communication de Daesh. Les moyens numériques de l’Etat islamique doivent être au premier rang de nos cibles. A mes yeux, il s’agit là d’un véritable engagement militaire.
Et pourquoi pas envisager sérieusement la participation de troupes au sol. Les fiefs jihadistes en Syrie ou en Irak sont les noyaux nucléaires de ce que nous subissons maintenant. Nous sommes donc face à un défi quantitatif, mais aussi qualitatif. Le citoyen français va devoir se préparer à affronter le pire. Je ne veux pas jouer les alarmistes, je souhaiterais seulement que l’on prenne la juste mesure des événements, y compris quant aux nouvelles habitudes que chacun d’entre nous devra prendre.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.