Renseignement, secours... Ce qu'il faut retenir du rapport de la commission d'enquête sur les attentats
La commission d'enquête parlementaire, qui a procédé à près de 200 heures d'auditions au cours des cinq derniers mois, a proposé notamment, mardi, la création d'une "agence nationale de lutte contre le terrorisme"
Quelles sont les principales conclusions de la commission d'enquête parlementaire sur les attentats de Paris ? Il n'y a "pas eu de gros ratés" dans leur gestion, mais la France n'était pas "prête" à affronter des attaques jihadistes de cette ampleur, estiment, mardi 5 juillet, le rapporteur, le député socialiste Sébastien Pietrasanta, et le président de la commission, le député Les Républicains Georges Fenech.
Voici, selon leurs travaux, les principales leçons à tirer des attaques meurtrières qui ont frappé la capitale en 2015.
Le pays n'était pas "prêt"
"Notre pays n'était pas préparé, maintenant il faut se préparer", a déclaré Georges Fenech, qui a présidé la commission d'enquête sur "les moyens mis en œuvre par l'Etat pour lutter contre le terrorisme depuis le 7 janvier 2015", jour de l'attaque contre Charlie Hebdo.
Toutefois, sur les menaces qui avaient visé le Bataclan ou, plus largement, "une salle de rock" par le passé, le rapporteur estime qu'il était impossible de faire le lien avec une éventuelle attaque de la salle de spectacle parisienne en 2015. En 2009, selon la commission, une Française d'origine albanaise, Dude Hohxa, arrêtée en Egypte après l'attentat du Caire qui avait fait un mort - une lycéenne française - et 24 blessés, avait, en effet, déclaré aux services égyptiens qu'un Belge, Farouk Ben Abbes, projetait d'attaquer la salle de spectacle.
Il faut une refonte des services de renseignement
Georges Fenech prône la refonte des services de renseignement autour d'une agence nationale de lutte contre le terrorisme. "Les deux grands patrons du renseignement ont reconnu, pendant leurs auditions, que les attentats de 2015 représentent un 'échec global du renseignement'", révèle Sébastien Pietrasanta. "C'est un échec quand il y a un attentat, confirme Georges Fenech. Face au défi du terrorisme international, il faut des ambitions beaucoup plus élevées que ce qu'a mis en œuvre jusqu'à maintenant le ministère de l'Intérieur en termes de renseignement."
Selon les parlementaires, qui ont procédé à près de 200 heures d'auditions au cours des cinq derniers mois, la création d'une agence nationale du renseignement est nécessaire, pour une meilleure coordination. "Les frontières entre services de renseignement ont permis la levée de la surveillance de Saïd Kouachi dès lors qu'il a quitté Paris pour Reims", donne en exemple Georges Fenech. Saïd Kouachi a alors disparu des radars, pour ne réapparaître que le 7 janvier 2015, lors de l'attaque de Charlie Hebdo.
Des failles du renseignement pénitentiaire
Le cas d'Amedy Coulibaly, tueur de l'Hyper Cacher en janvier 2015, est également emblématique des failles du renseignement, cette fois-ci pénitentiaire. Dans ce domaine, "tout est à faire", a reconnu le ministre de la Justice, Jean-Jacques Urvoas, lors de son audition.
Condamné plusieurs fois, notamment lors du procès d'un projet d'évasion de Smaïn Aït Ali Belkacem, l'un des auteurs des attentats de 1995, Amedy Coulibaly est sorti de prison sans que l'information ne soit transmise, ni qu'aucune surveillance ne soit prévue alors même que sa radicalisation ne faisait plus de doute.
Des défaillances du contrôle judiciaire constatées
Le cas de Samy Amimour, assaillant du Bataclan, qui a pu partir faire le jihad en Syrie en 2013 malgré une interdiction de sortie du territoire, "est emblématique des défaillances du contrôle judiciaire", estime Sébastien Pietrasanta.
"L'ancien juge d'instruction antiterroriste Marc Trévidic, pendant son audition, nous a expliqué que trafiquants de shit et terroristes font l'objet du même traitement, les seconds n'étant pas plus surveillés que les autres", explique le rapporteur.
L'opération Sentinelle n'a pas prouvé son efficacité
Globalement, selon la Commission d'enquête, l'état d'urgence a eu une portée limitée et l'opération Sentinelle, une extension de l’opération Vigipirate qui vise depuis 1991 à protéger des zones jugées sensibles en appui des forces de sécurité du ministère de l’Intérieur, n'a pas prouvé son efficacité aux yeux des députés, estime le rapporteur, Sébastien Pietrasanta.
Le député socialiste s'interroge sur "l'efficacité réelle de ce dispositif dans la sécurisation du territoire national". Dix mille soldats sont mobilisés à Paris et en région dans cet objectif.
La fusion des trois forces d'élites préconisée
Le soir du 13 novembre, l'arrivée "des forces d'intervention a été rapide, efficace et a démontré qu'elles étaient capables de collaborer", précise Sébastien Pietrasanta, qui s'interroge toutefois sur "le bien-fondé du maintien de plusieurs forces d'intervention spécialisées". Il préconise, à terme, "la fusion des trois forces d'élite" (GIGN, Raid et BRI).
Les secours ont été bien gérés
Même constat globalement positif sur l'intervention des secours, confrontés, le 13 novembre, aux attentats les plus meurtriers jamais perpétrés en France, avec 130 morts et des centaines de blessés.
Si Sebastien Pietrasanta avoue avoir d'abord été "très critique" sur la prise en charge des victimes dans la salle de spectacle du Bataclan et aux terrasses de cafés et restaurants parisiens visés par les attaques, il a été "convaincu" par les auditions, notamment du directeur général de l'Assistance Publique-Hôpitaux de Paris Martin Hirsch. "Les secours ont été gérés dans les meilleures conditions possibles suivant les circonstances", approuve Georges Fenech.
L'évacuation des victimes a sans doute été retardée
Le principal problème, selon la commission, a été l'évacuation des victimes. Celle-ci a pu être retardée par le fait que les secours d'urgence n'avaient pas accès au périmètre des forces d'intervention.
Dans ses 39 propositions, qui devaient être formellement adoptées mardi matin, la commission préconise l'instauration de "colonnes d'extraction" des victimes. Autrement dit des sections hybrides bénéficiant d'équipements de protection et permettant d'intervenir alors même que le périmètre de sécurité n'est pas levé, précise Le Figaro.
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