Menace terroriste : à la gare du Nord, la police "cherche une aiguille dans une botte de foin"
Quatre jours après l'attaque du train Thalys, les services de contrôle sont renforcés dans la gare parisienne, mais les consignes de sécurité restent floues.
Leurs yeux sont partout à la fois. Postés devant le quai numéro 13 de la gare du Nord, à Paris, Jean, Guillaume et Luc* scrutent les dizaines de passagers qui s'apprêtent à monter dans le train Thalys, direction Bruxelles. Arrivés en renfort dans la soirée du 21 août, aussitôt après l'attaque du Thalys Amsterdam-Paris, les trois CRS ont une mission claire, mais compliquée : identifier le moindre geste ou individu suspect présent dans la gare. "C'est très difficile, il faut être constamment vigilant, observer tout le monde sans exception…"
Selon cette patrouille, qui accepte de témoigner sous couvert d'anonymat, rien n'a cependant changé depuis janvier et les attentats de Paris. "On nous a demandé de faire plus, mais on est déjà aux aguets en permanence. On se mobilise juste davantage sur les trains Thalys", confient les trois hommes.
Une gare fréquentée par 550 000 personnes chaque jour
Les CRS ne sont pas les seules forces de sécurité à scruter le moindre recoin de la gare du Nord. Policiers de la brigade des réseaux ferrés, agents de sûreté de la RATP et de la SNCF, militaires déployés dans le cadre des plans Vigipirate et Sentinelle, vigiles employés par des entreprises privées… Au total, des dizaines d'hommes veillent sur les 550 000 passagers qui transitent ici chaque jour.
"Certains sont armés, d'autres non, mais tous ont le même rôle : assurer la sécurité des passagers et des gens qui travaillent à la gare. Dès qu'il se passe quelque chose, le premier service sur les lieux avertit les autres", décrit le capitaine Azoulay, au commissariat de la gare du Nord.
"Une marge de manœuvre limitée"
Dans les couloirs de la plus grande gare ferroviaire européenne en terme de trafic, les agents opèrent pourtant un peu dans le flou. "Nous, on fait comme d'habitude", détaille l'un d'eux, employé par une entreprise de sécurité privée, qui déploie 300 agents dans la gare. Et, faute de contrôles à l'entrée des trains, ils doivent se contenter de mesures sommaires. "On repère les colis abandonnés, les gestes suspects... S'il arrive quelque chose, si on a un doute, on amène directement les gens au commissariat, car on n'a pas le droit de les fouiller. C'est limité comme marge de manœuvre !"
Face à la confusion, certains agents préfèrent le statu quo : "On nous a demandé de faire plus de contrôles aléatoires, mais moi je n'y adhère pas. Entre l'homme avec des dreadlocks et celui qui porte un costard, je ne sais pas lequel est le plus terroriste. Il n'y a pas de profil type, que des a priori", confie l'un d'eux.
Un peu plus loin, un policier ne s'en cache pas : certains individus retiennent plus l'attention que d'autres.
On essaie de regarder à l'apparence, s'il y a des signes religieux, s'il y a le port de la barbe… C'est très compliqué.
"On essaie de regarder à l'apparence, s'il y a des signes religieux, s'il y a le port de la barbe… C'est très compliqué", avoue-t-il. Ce contrôle au faciès qui ne dit pas son nom, tous les services y sont confrontés, quand bien même le gouvernement s'oppose à une telle méthode discriminatoire.
"Vérifier tout le monde est impossible"
Au premier étage de la gare, dans un bâtiment en verre flambant neuf, le commissariat, inauguré en avril 2015, est chargé de centraliser les interpellations effectuées au sein de la gare, à l'aide des 600 caméras de surveillance du site et des patrouilles.
"Un fonctionnaire regarde en permanence toutes les caméras, repère les individus déjà fichés ou suspects. Lorsqu'une personne fuit notre regard, lorsqu'elle zone trop longtemps dans les lieux hors salle d'attente, cela peut nous alerter, énumère le major Mais notre contrôle est 'varié', pour éviter les discriminations." Dans les faits, les choses restent néanmoins compliquées. "Vérifier tout le monde est impossible, reconnaît la capitaine Azoulay. C'est chercher une aiguille dans une botte de foin."
* Les prénoms ont été modifiés.
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