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Les ratés de Cheops, le système censé détecter les terroristes

Le logiciel était en panne à Marseille, mardi, lors du retour de Turquie de trois jihadistes présumés. Destiné à aider la police et la gendarmerie, cet outil est victime de nombreux couacs.

Article rédigé par Simon Gourmellet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Un contrôle d'identité le 29 novembre 2011, à l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle (Val-d'Oise). (  MAXPPP)

Le couac a résonné jusqu'à l'Elysée. François Hollande a pointé "des manquements" après les ratés qui ont permis à trois Français, jihadistes présumés (dont le beau-frère de Mohamed Merah), de s'évaporer dans la nature à leur retour de Turquie, mardi 23 septembre. Les trois hommes se sont finalement eux-mêmes rendus dans une gendarmerie de l'Hérault, le lendemain.

Le manque de coopération avec la Turquie a été pointé du doigt pour expliquer l'incident. Mais le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a aussi diligenté une enquête de l'Inspection générale de l'administration et de la "police des polices". Elle devra expliquer pourquoi le logiciel de contrôle des passeports Cheops était en panne ce jour-là. L'occasion pour francetvinfo de revenir sur ce système qui centralise quasiment tous les fichiers de police et de gendarmerie. 

Qu'est-ce que Cheops ? 

Acronyme du système de Circulation hiérarchisée des enregistrements opérationnels de la police sécurisés, le Cheops a été créé en 2001. Il permet de mettre en commun différents fichiers et systèmes de surveillance utilisés par la police et la gendarmerie, comme le Système de traitement des infractions constatées (Stic), le fichier des personnes recherchées, ou encore le fichier des renseignements généraux. Ils sont détaillés dans le rapport de la commission sur le contrôle des fichiers de police, menée en 2008 par le professeur de criminologie Alain Bauer. 

Lorsqu'un policier souhaite contrôler un passeport, il entre alors l'identité dans le logiciel Cheops, qui signale si la personne est fichée. Mais en cas de panne, l'officier est en quelque sorte aveugle.

De quelle panne a été victime le système ? 

Selon le ministère de l'Intérieur, Cheops a subi une panne dans la ville de Marseille. Ce qui ne serait pas une première : Christophe Rouget, du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure, interrogé sur France Info, affirme que le système est régulièrement hors service. "Nous avons des pannes tous les jours", déplore-t-il. Elles sont fréquentes "parce que nous avons des systèmes informatiques avec des moteurs de 2 CV". Pour expliquer ce problème, il pointe la "disette budgétaire" et les choix de développer "des systèmes différents entre policiers et gendarmes, qui conduisent aujourd'hui les policiers français à utiliser des systèmes informatiques dépassés". 

De plus, il n'existe pas de système de secours. En cas de panne, le policier qui souhaite contrôler un passeport à l'aéroport n'a donc accès à aucune base de données.

Et si Cheops avait fonctionné, les jihadistes présumés auraient-ils été interpellés ? 

Pas forcément. Dans le cas des trois jihadistes présumés, leur arrivée aurait de toute façon pu passer inaperçu, car elle n'a pas été signalée aux policiers en poste à Marseille. 

Concrètement, sur un vol qui ne pose a priori pas de risque particulier, comme c'était le cas du vol Istanbul-Marseille, il n'y a pas de contrôle systématique des passagers de nationalité européenne à l'arrivée. "C'est le policier de la Police aux frontières qui a l'initiative" de contrôler ou non les voyageurs, "en fonction du niveau de risque qu'il perçoit", explique à l'AFP une source policière. En outre, il existe en général une file spéciale pour les ressortissants de l'Union européenne, explique le JDD. Elle permet de ne pas subir les contrôles systématiques de douane. Il suffit que les individus soient passés par cette file pour que le contrôle au scanner de leurs passeports ne soit pas automatique. Seul un transit dans un pays "à risque" ou un comportement suspect peut déclencher une vérification. 

Enfin "il existe une très grosse pression commerciale" des sociétés aéroportuaires pour réduire les files d'attente en cas de grande affluence. Ce qui conduit à "contrôler le moins de passagers possible", confie une source policière à l'AFP.

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