Fiscalité écologique : "Le rapprochement des taxes diesel et essence ne va pas assez loin"
L'eurodéputé écologiste Yannick Jadot juge insuffisantes les propositions que le président du Comité pour la fiscalité écologique doit présenter jeudi.
Instaurer dès 2014 une taxe carbone progressive d'ici à 2020, faire converger les prix du diesel et de l'essence. Telles sont les grandes lignes que l'économiste Christian de Perthuis devrait faire adopter, jeudi 13 juin, par le Comité pour la fiscalité écologique (CFE) qu'il préside. Membre de ce comité chargé de soumettre des propositions au gouvernement, l'eurodéputé écologiste Yannick Jadot réagit pour francetv info aux mesures évoquées.
Francetv info : Christian de Perthuis propose de rapprocher le prix du gazole de celui de l'essence. Cela va-t-il dans le bon sens ?
Yannick Jadot : Le rapprochement des fiscalités diesel et essence ne va pas assez loin puisque, selon cette proposition, il restera en 2020 encore 12 centimes d'écart [contre 18 actuellement]. Or, le diesel fait autour de 16 000 morts par an, soit quatre fois plus que les accidents de la route. Le diesel, c'est un enjeu sanitaire majeur. C'est un piège pour les automobilistes, parce que les trois quarts d'entre eux n'amortissent pas le surcoût à l'achat d'un véhicule diesel. C'est un piège pour l'industrie automobile car cela génère d'importants problèmes de compétitivité sur les marchés internationaux. C'est aussi un coût pour la collectivité : l'avantage fiscal du diesel représente 7 milliards d'euros.
S'attaquer au diesel risque de ne pas faire les affaires de PSA Peugeot-Citroën, qui a beaucoup misé sur cette technologie…
PSA coule à cause du diesel. Le débat est parfois extraordinaire : on a une économie qui se désindustrialise, on a des constructeurs automobiles, notamment PSA, qui sont complètement à la ramasse, et on nous dit : "Attention, il ne faut pas changer le contexte parce qu'ils vont mal." Le problème, c'est qu'on nous dit ça en permanence, et qu'au final ça va de plus en plus mal.
L'enjeu pour les constructeurs, c'est de se remettre sur les secteurs essence (y compris hybrides essence et électriques) et de produire des moteurs sobres : c'est comme ça qu'on fera travailler les sous-traitants et qu'on allégera la facture des ménages. Parce qu'un véhicule sobre non seulement pollue moins, mais consomme beaucoup moins.
Christian de Perthuis se prononce pour l'instauration d'une fiscalité écologique en France dès 2014. Etes-vous satisfait ?
Le mécanisme est intéressant, mais les taux proposés sont très insuffisants et manquent d'ambition. Pour 2014, on parle d'une fiscalité carbone de 7 euros la tonne de CO2 : c'est moins du quart du prix proposé par le comité Rocard il y a quatre ans [32 euros] et moins de la moitié de ce que proposait le président Sarkozy [17 euros]. On est très en dessous du signal qu'il faudrait envoyer pour inciter les entreprises et les ménages à la sobriété énergétique et à la sobriété carbone.
Cette feuille de route prévoit tout de même d'arriver à 20 euros par tonne en 2020…
Là, aussi, c'est bien trop insuffisant. Sur un litre de carburant, cela représente 5,3 centimes de plus pour le gazole et 4,6 centimes pour l'essence. Par rapport aux variations de prix, ce n'est pas significatif ! Il faudrait au moins, à partir de 2014, rajouter 5 euros par tonne et par an pour parvenir à protéger l'environnement et permettre les investissements nécessaires.
Par ailleurs, la volonté des écologistes, mais aussi de l'Assemblée nationale à travers la résolution votée le 4 juin, était d'aller vers une contribution climat énergie qui incite à la sobriété sur l'ensemble des énergies, et pas seulement sur les énergies carbonées (par exemple sur l'électricité). Cela manque cruellement dans la proposition de Christian de Perthuis.
Pensez-vous, comme Noël Mamère, que les écologistes devraient quitter le gouvernement si la fiscalité écologique ne voit pas le jour en 2014 ?
C'est très clair pour nous : il faut que la fiscalité écologique soit engagée en 2014. Le cas contraire poserait un très gros problème. A la fin de l'année 2013, lorsqu'on sera plus au clair sur les intentions du gouvernement pour 2014, nous évaluerons le sens de notre participation à l'exécutif. La fiscalité écologique et la transition énergétique seront nos deux principaux éléments d'appréciation.
Si le gouvernement reprend à son compte la proposition du Comité pour la fiscalité écologique, soutiendrez-vous ce texte ?
Pour l'instant, ce n'est que la proposition du président, pas la proposition du comité. Jeudi, au sein du comité, il va y avoir un débat, qui devrait être vif, et potentiellement un vote. Pour nous, en l'état, il est difficile d'approuver ce texte.
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