Hessel, un pro-palestinien qui indignait les défenseurs d'Israël
Militant de longue date de la cause palestinienne, l'intellectuel avait notamment appelé au boycott des produits israéliens.
La mémoire de Stéphane Hessel est saluée de toutes parts après sa mort, mercredi 27 février. Mais parmi les éloges, une voix discordante s'est fait entendre. Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), Richard Prasquier, a dénoncé une "volonté obsessionnelle" de faire de Gaza "l'épicentre de l'injustice" dans le monde. "Il va sans dire que nous étions effarés par le succès de son fascicule d'une indigente indignation."
L'engagement en faveur de la Palestine a marqué la vie de Stéphane Hessel. C'est finalement une préface qui en marquera l'épilogue, dans un ouvrage à paraître le 20 mars, Justice pour la Palestine (L'Herne), écrit par des membres du Tribunal Russell sur la Palestine, qui vise à mobiliser les opinions publiques sur le sort des Territoires palestiniens. L'ancien résistant était le président d'honneur de cette organisation composée de personnalités du monde entier. Retour sur plusieurs années de polémiques autour de ce sujet brûlant.
"Hessel est passé à l'ennemi"
Stéphane Hessel s'est forgé de solides inimitiés sur le délicat terrain du conflit israélo-palestinien. En première ligne, les assauts répétés de l'historien et écrivain Pierre-André Taguieff, auteur de La Judéophobie des Modernes (Odile Jacob, 2008) ou de La Nouvelle Propagande antijuive (PUF, 2010). "Hessel est passé à l'ennemi", lance-t-il sur Radio J en octobre 2010.
Autre adversaire, l'avocat Gilles-William Goldnadel, qui dénonce lui aussi l'indigence supposée d'Indignez-vous !. En janvier 2011, il répond à Stéphane Hessel dans un petit essai, Le Vieil Homme m'indigne (éd. Jean-Claude Gawsewitch), calqué sur celui de son adversaire. Un an plus tard, sur le plateau de France 24, il dénonce à nouveau ce "succès planétaire" fondé sur "des impostures" et un auteur "pas très intéressant intellectuellement".
L'écrivain et réalisateur Claude Lanzmann s'en prend également au nonagénaire, au cours d'un entretien au Point, en janvier 2011 : "Voyez les indignations de Stéphane Hessel, qui pérore avec un drapeau palestinien cousu sur son bonnet phrygien. Sa haine d'Israël semble garante de sa longévité."
La question du boycott des produits israéliens
En octobre 2010, il est poursuivi, lui et 80 personnes, pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence, après un appel au boycott des produits d'origine israélienne (campagne "BDS" pour "boycott, désinvestissement, sanctions") décidé à la suite de bombardements israéliens sur Gaza. La plainte est déposée par le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme, créé en 2002 par un commissaire de police honoraire, Sammy Ghozlan.
Le même Bureau se fait à nouveau entendre, trois mois plus tard, en réclamant l'interdiction d'un débat à l'Ecole normale supérieure sur l'avenir du Proche-Orient. Stéphane Hessel doit y donner une conférence de presse sur cette campagne de boycott de produits israéliens, au côté de Leïla Shahid, représentante de la Palestine à Bruxelles. Le président du Crif, Richard Prasquier, prend alors sa plume et publie une tribune dans Libération pour reprocher à l'ancien diplomate d'être "obsédé par Israël" : "Ce sont les sectaires qu’il faut boycotter." Face au tollé, la direction de l'établissement préfère annuler l'événément.
La comparaison entre "occupation israélienne" et "occupation allemande"
Stéphane Hessel donne un entretien au quotidien allemand Frankfurter Allgemeine Zeitung, en janvier 2011. A la fin de l'interview, il revient sur l'occupation allemande de la France durant la seconde guerre mondiale :
"Si j'osais une comparaison audacieuse sur un sujet qui me touche, je dirais ceci : l'occupation allemande était – par rapport à l'occupation actuelle de la Palestine par les Israéliens – relativement inoffensive, exceptées les arrestations, les internements et les exécutions, ainsi que le vol de chefs d'œuvre."
Ces propos passent d'abord inaperçus de ce côté-ci du Rhin. Comme l'explique le site Arrêt sur images, la polémique débute un an et demi plus tard, à la faveur d'une tribune rédigée par l'essayiste Jacques Tarnero et publiée le 3 juillet 2012, qui dénonce des "insanités d'autant plus intolérables qu'elles proviennent non pas de nostalgiques du nazisme mais d'une icône de la bonne conscience". L'affaire fait grand bruit. Jonathan Hayoun, président de l'UEJF (Union des étudiants juifs de France), se lance à son tour dans la bataille, le 11, sur le Plus du Nouvel Observateur.
Le même jour, Stéphane Hessel publie sa réponse, sur le même site : "Les expressions que j’ai employées dans ce texte sur le FAZ [Frankfurter Allgemeine Zeitung] étaient peut-être rapides, vite écrites, et vite lues", admet-il. Mais il maintient l'essentiel : "Dans ces territoires occupés, les Palestiniens sont dans une constante mise à l’épreuve par la présence israélienne. Je pense en particulier au cas de Gaza : jamais l’occupation allemande n’a entouré le territoire français de tels obstacles."
Son combat pour l'adhésion palestinienne à l'ONU
En décembre 2011, Stéphane Hessel assiste à l'adhésion de la Palestine à l'Unesco, saluant "un pas symbolique, important", devant un journaliste de l'AFP, tout en attendant que "les Etats-Unis changent un peu de position et soutiennent la cause palestinienne. (...) Nous avons tous besoin que la Palestine devienne un plein membre de la communauté internationale. Plus elle le fait (...), plus elle s'oblige par là même à être pacifique, à être culturellement intéressée par les cultures des autres."
Ses efforts lui valent d'être nommé avec cinq autres Français "citoyen d'honneur" de Palestine, le 5 novembre 2012, pour "son combat visant à l'établissement de l'Etat de la Palestine indépendant avec Jérusalem-Est comme capitale." Cinq jours plus tard, alors que la colère gronde au Proche-Orient, avec 23 morts en trois jours, une inscription "Hessel antisémite" barre la façade de l'immeuble où il réside, dans le 14e arrondissement de Paris, rapporte Le Parisien. A la fin du mois, le 29, la Palestine devient un Etat observateur non membre de l'ONU.
Une rencontre très critiquée avec le Hamas
Stéphane Hessel s'est rendu à de nombreuses reprises dans les Territoires palestiniens. C'est notamment le cas en 2008, à l'occasion d'une mission d'observation à Gaza et à Ramallah, qui le conduit également en Israël, à Jérusalem. En octobre 2010, il se rend en compagnie du philosophe Régis Debray au Centre culturel français à Gaza.
A cette occasion, il rencontre une délégation menée par le chef du gouvernement du Hamas à Gaza, Ismaïl Haniyeh. Le Crif réagit alors sur son site. "Ces rencontres n’ont pas été que culturelles et Stéphane Hessel et Régis Debray n’ont pas hésité à rencontrer le chef d’une organisation terroriste." Selon ce dernier, "c'est Ismaïl Haniyeh qui a su, par un de ses intermédiaires, que nous étions à Gaza". Selon Le Point, les deux hommes auraient par ailleurs évoqué le sort de Gilat Shalit, le soldat franco-israélien retenu, à l'époque, dans la bande de Gaza.
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