Immigration : ce qu'il faut retenir des chiffres de l'Insee
Dans son étude sur les "immigrés et descendants d'immigrés", l'Insee tord le cou à certains préjugés.
SOCIETE – Niveau d'études, accès à l'emploi, santé, discrimination… L'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a tout épluché. L'étude intitulée "Immigrés et descendants d'immigrés en France" et publiée mercredi 10 octobre confirme des tendances mais tord le cou à certains préjugés. FTVi vous en livre les principaux enseignements.
12 millions d'immigrés et enfants d'immigrés
La France compte 5,3 millions d'immigrés, dont 41% ont acquis la nationalité française. Leurs descendants sont plus nombreux : 6,7 millions. La France se trouve ainsi dans une "position originale" en Europe, selon le chercheur Gérard Bouvier. L'immigration en France est ancienne, avec des vagues après chacune des deux guerres mondiales, mais "depuis les années 2000, les flux annuels d'immigration sont un peu plus faibles en France que dans les principaux pays européens", écrit Gérard Bouvier. Par conséquent, chez nos voisins, les immigrés de première génération restent plus nombreux que la deuxième génération.
Des origines toujours plus variées
Entre 1975 et 2008, la part des immigrés venus d'Europe a régulièrement diminué pour passer de 66% à 38%. Une grande partie des travailleurs venus d'Espagne, d'Italie ou du Portugal sont repartis. Et depuis 1999, de nouveaux immigrés arrivent, surtout du Royaume-Uni, de Serbie et de Russie.
L'immigration en provenance du Maghreb s'est aussi développée, précise l'étude de l'Insee. Le nombre d'immigrés venus d'Algérie a augmenté de 28% depuis 1975, pour atteindre 713 000 en 2008. L'immigration marocaine a grimpé de 200% sur la même période, jusqu'à 654 000 personnes. Celle des autres pays d'Afrique, principalement des Camerounais, Ivoiriens et ressortissants de la République démocratique du Congo, s'élève à 669 000.
L'immigration d'origine asiatique est aujourd'hui majoritairement d'origine turque et chinoise. Le nombre de nouveaux arrivants natifs de Chine a plus que doublé depuis 1999, pour atteindre 80 000 en 2008.
90% des enfants d'immigrés se sentent français
Etre immigré de première ou de deuxième génération influe sur le sentiment d'appartenance à la France. Environ 90 % des enfants d'immigrés se sentent français, alors que leurs parents ne partagent ce sentiment qu'à 60%, selon un graphique de l'Insee. Les immigrés déclarent à 89% se sentir chez eux en France, contre 94% de l’ensemble de la population. Cette "perception très positive de la société d’accueil doit être nuancée", tempère Gérard Bouvier. Les immigrés se sentent davantage "du pays d’origine" (pour 81 % d’entre eux) que français (c’est le cas de 66 % d’entre eux).
Un accès à l'emploi plus difficile pour les enfants d'immigrés
Cinq ans après leur sortie du système scolaire, 29% des descendants d'immigrés d'Afrique sont au chômage, contre 11% des Français ayant des parents nés en France, notent les auteurs de l'étude.
Parmi ceux qui ont un emploi, 74% des Français non liés à l'immigration récente ont un contrat à durée indéterminée (CDI), contre 67% des fils et filles d'Africains. Ce léger écart s'explique d'abord par les diplômes : 30% des descendants d'immigrés d'Afrique sortent du système scolaire sans diplôme ou avec au mieux le brevet des collèges. Des difficultés scolaires liées notamment à "leurs origines sociales nettement plus populaires" : 58% d'entre eux ont un père ouvrier (contre 26% pour les descendants de Français "natifs").
Des discriminations perçues dès l'école
"Si les discriminations existent, leur influence est difficile à mesurer", écrivent prudemment les chercheurs. Mais si elle est difficile à quantifier, la discrimination est en tout cas ressentie. En Ile-de-France, 18% des immigrés et descendants d'immigrés disent avoir subi des discriminations à l'emploi, contre 12% de la population globale. En septembre, la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) notait que les enfants d'immigrés maghrébins déclaraient plus souvent "un refus injuste de promotion" (15% contre 7%).
Un sentiment ressenti dès l'école, selon l'Insee, où 14% (contre 4% pour le reste de la population) estiment avoir été "moins bien traités", notamment en matière d’orientation. "Ils sont davantage envoyés dans les filières professionnelles et technologiques que les autres", selon Sylvie Lagarde, directrice régionale Ile-de-France à l’Insee, citée par Le Parisien.
La réussite scolaire dépend du pays d'origine
"Quand l'origine sociale, le niveau de diplôme des parents, la structure familiale et la taille de la fratrie sont pris en compte, la réussite dans le secondaire des enfants d'immigrés n'est pas moins bonne" que celle des non-immigrés, selon les auteurs du rapport. Mais les parcours scolaires des enfants d’immigrés sont très différents selon le pays de naissance des parents. Les enfants d’immigrés venus de Turquie, d’Algérie, d’Espagne ou d’Italie sont surreprésentés parmi les non-diplômés du second cycle du secondaire.
Arrivé au baccalauréat, l'Insee relève trois éléments notables. D'abord, les enfants de l’immigration turque sont en situation de sous-réussite. Au contraire, ceux de l’immigration du sud-est asiatique sont en sur-réussite. Enfin, dans certains pays, les filles se distinguent. Les descendantes de Marocains, de Tunisiens et d'immigrés venus du Sahel obtiennent davantage le bac que les filles non issues de l'immigration.
Aujourd’hui, 38% des descendants d’immigrés sont diplômés du supérieur, contre 33% pour leurs parents. Et 20% endossent le costume de cadre (contre 15%). L'ascensceur social, même lent, semble donc fonctionner.
Un niveau de vie plus élevé que les parents
Le rapport de l'Insee souligne que les descendants d'immigrés se trouvent dans une "situation intermédiaire" : ils vivent mieux que leurs parents, mais moins bien que les Français non issus de l'immigration récente. Le taux de pauvreté est de 13,5% sur l'ensemble de la population, alors qu'il est de 20% pour les descendants d'immigrés et de 37% pour les immigrés.
En 2010, les immigrés vivant en France métropolitaine déclarent un salaire net mensuel médian de 1 400 euros, contre 1 550 euros chez les non-immigrés. Si le niveau de salaire des immigrés de l’Union européenne est similaire à celui des non-immigrés, le salaire des autres immigrés n’est que de 1 300 euros. Un écart qui se réduit chez les enfants d'immigrés, qui atteignent un salaire net mensuel médian de 1 500 euros (1 400 euros pour les enfants d'immigrés hors-UE).
Une santé moins bonne que les non-immigrés
L ’état de santé des immigrés est moins bon que celui des non-immigrés. C'est encore plus vrai pour les immigrés qui ne sont pas originaires d’un pays de l’Union européenne. Globalement, l’état de santé se dégrade en vieillissant. Entre 60 et 74 ans, quatre hommes sur 10 se déclarent en médiocre santé générale, quelle que soit l’origine. Les femmes sont 7 sur 10 dans ce cas. Cela s'explique, entre autres, par la surreprésentation des immigrés dans les catégories socioprofessionnelles (ouvriers, employés, inactifs) où la prévalence du surpoids est grande.
Les consommations de soins des immigrés sont semblables à celles de la population qui n'est pas issue de l'immigration récente. Toutefois, les immigrés se rendent à l’hôpital un peu plus souvent et ont recours mensuellement au médecin généraliste, mais consultent nettement moins des spécialistes.
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