Ce qu'il faut savoir avant d'envoyer un sexto
Arrivé dans nos vies avec les smartphones, le concept de sexto, un texto à caractère sexuel, parfois accompagné d'une photo, soulève de nombreuses questions. Attention, le petit oiseau va sortir.
"A quel moment un truc aussi bizarre est-il devenu la norme ?" Dans ce sketch (lien en anglais), le comédien américain Aziz Ansari s'interroge : pourquoi donc les hommes partagent-ils des photos de leur sexe ? Il y a trente ans, ces messieurs auraient-ils pris la peine d'aller faire développer des photos de leur pénis pour les distribuer à leurs potentielles conquêtes comme autant de cartes de visite ? Peu probable. Pourtant, les sextos (textos érotiques) accompagnés de photos sont entrés dans les mœurs. Avec des conséquences parfois catastrophiques.
En Virginie (Etats-Unis), un adolescent de 17 ans qui avait envoyé une vidéo de ses attributs à sa petite amie de 15 ans s'est retrouvé accusé de production de pornographie infantile, indiquions-nous jeudi 10 juillet. En 2009 déjà, Slate se faisait l'écho du suicide de deux adolescentes, âgées de 13 et 18 ans, humiliées par la diffusion dans leurs écoles respectives de photos intimes qu'elles avaient envoyées de leur plein gré à un garçon. Excitants, drôles, tue-l'amour, inoffensifs ou tragiques, les sextos ? Si exhibo-connectée soit elle, la société s'interroge encore sur cette pratique née de la rencontre de la technologie et de notre passion pour le sexe. Alors, faut-il encadrer les sextos ? (Comprendre "établir des règles" et non "imprimer la photo pour en faire une Marie-Louise", auquel cas la réponse est : "Non. En aucun cas !")
Règle 1 : évidemment, un bon sexto est un sexto consenti
En matière de sexe, la pratique virtuelle doit être calquée sur la pratique réelle. En d'autres termes, vous devez vous assurer du consentement du destinataire. Inutile pour cela de lui demander la permission sous la forme d'un : "jpeu t'envoyé 1 tof de ma b*** stp ? lol". Interrogez-vous plutôt sur l'attitude que vous adopteriez face à cette personne "IRL" ("in real life", dans la vraie vie). Si vous êtes susceptible de vous retrouver nu(e) devant elle sans qu'aucun d'entre vous ne soit effroyablement gêné et/ou choqué, c'est tout bon. Dans le cas contraire, vous vous exposez à des poursuites pour harcèlement sexuel.
"Les pires photos de pénis que j'ai pu recevoir sont celles que je n'ai pas souhaité recevoir", expliquait en 2011 au site Salon.com Madeleine Holden, jeune avocate néozélandaise à la tête d'un blog consacré à ce que les Anglosaxons appellent explicitement des "dick pictures".
Même lorsque le destinataire est votre partenaire de longue date, l'initiative peut être mal reçue. Selon un sexologue américain, également cité par Salon (en anglais), si les hommes hétérosexuels plébiscitent largement les photos olé olé, tout le monde n'est pas fan du pénis en pièce jointe. Les femmes sont même divisées sur la question. "Les hommes hétérosexuels s'imaginent simplement que les femmes éprouvent le même désir qu'eux [de zoomer sur des parties génitales]", détaille Charlie Glickman. Or, ce n'est pas toujours le cas. Enfin, le témoignage de Josh, cité par Salon, met l'accent sur le contexte : inscrit sur des sites de rencontre gays, il note qu'"une photo de pénis seul, comme ça, qui sort de nulle part, ça me fera juste rire."
Règle 2 : la loi est floue, mais il faut la connaître
Comme dans la vraie vie, le fait de solliciter sexuellement un mineur est puni par la loi. Mais lorsque l'échange se fait entre adolescents, quels risques encourent-ils ? Aux Etats-Unis, l'histoire de ce jeune homme de 17 ans accusé de production de pornographie infantile, en Virginie, a suscité une vive émotion. Son méfait : avoir envoyé, en réponse à une photo de sa petite amie de 15 ans, une vidéo explicite (le sexe en érection, champion toute catégorie de l'explicite). Selon la loi américaine, il s'est donc lui-même mis en scène dans un contenu pédopornographique avant de le partager, risquant d'être répertorié à vie dans le fichier des délinquants sexuels.
En France, l'entrée du terme "sexting" dans le vocabulaire juridique en décembre, traduit par "textopornographie", tend à valider cette définition réductrice, et précise les circonstances dans lesquelles le sexto est punissable. Dans la loi du 5 août 2013, "le fait pour des mineurs de plus de quinze ans de se photographier ou de se filmer dans des positions 'à caractère pornographique' ne tombe plus sous le coup de la loi pénale, dès lors que ces derniers sont consentants et qu’ils n’entendent pas diffuser ces films et photos", explique la juriste Amélie Robitaille-Froidure dans cet article. Elle souligne que cette disposition protège mal les ados. Car, de fait, un sexto se partage. (Garder des photos de soi nu sur son téléphone pour usage personnel, n'est-ce pas follement plus tordu que de les envoyer à sa copine ?)
Règle 3 : protégez-vous
Le petit pervers qui sommeille en chacun de nous peut remercier Snapchat. L'application, qui permet de prendre des photos éphémères, effacées au bout de quelques secondes, a beaucoup œuvré pour la propagation du sexto. Et pour cause, elle ne laisse pas de trace. Enfin, en théorie. "La première chose que j’ai reçue, c’est le sexe d’un pote", racontait au Nouvel Obs, il y a quelques mois, Stephen des Aulnois, rédacteur en chef du site érotico-X Le Tag Parfait. Il est plus prudent de s'échanger ces photos via des services ne permettant pas au destinataire de garder (et donc potentiellement, de partager) l'image en question. Méfiez-vous également des emails que vous recevez : un logiciel dit "cheval de Troie" installé sur votre téléphone peut permettre à un hackers de s'y servir.
Si toutefois vous gardez les poses suggestives de votre cher et tendre dans votre téléphone, protégez vos albums photos par un mot de passe (avec des applis telles KeepSafe ou Photo Enhancer). Enfin, vous pouvez aussi éviter de montrer votre visage, ce qui vous permettra éventuellement de nier la paternité/maternité du cliché s'il venait à circuler. De la même façon, attention aux tatouages ou autres particularités, susceptibles de vous trahir (n'est-ce pas Kanye West ?). D'ailleurs, si vous êtes connu et globalement considéré comme sexy, sachez que rien n'empêchera internet de mettre la main sur vos sextos. Que vous vous appeliez Scarlett Johansson, Christina Hendricks ou Vanessa Hudgens. Pour un florilège de messieurs, cliquez ici. Aux Etats-Unis, des photos explicites ont notamment brisé la carrière politique d'Anthony Weiner, qui se rêvait en maire de New York, tandis que le cas Laure Manaudou a appris au commun des mortels à se méfier du "revenge porn".
Règle 4 : vous n'êtes pas Annie Leibovitz, mais vous pouvez faire un effort
Selon Madeleine Holden, la collectionneuse de pénis susmentionnée, il est possible de réussir un sexto (et voici l'équipement couvert de louange). Elle donne quelques conseils. Par exemple : "Faites attention à la lumière, les éclairages légers rendent généralement mieux que la lumière criarde de votre écran d'ordinateur."
Le site Gizmodo proscrit aussi l'usage du flash, quelle que soit la partie de votre anatomie que vous souhaitez mettre en valeur. Oubliez la lumière crue façon Terry Richardson, mais surtout opter pour une pose avantageuse. Pour lui : allongé, c'est mieux. Pour elle : inclinée en avant, mais pas trop, et pourquoi pas de côté. Garder un peu de vêtement, ok, mais pas trop. Bref, tout un art.
Règle 5 : tournez sept fois votre pouce avant d'appuyer sur "envoyer"
La phrase de Valérie Trierweiler, prononcée pour clôre le "tweetgate" né du soutien de cette dernière à l'adversaire de Ségolène Royal aux élections législatives, s'applique au sexto. Pourquoi ? Parce que nous avons tous déjà envoyé un texto au mauvais destinataire. Si dire "slt bb, tu pourras prendre du papier toilette en rentrant ? " à son patron est gênant, envoyer une photo de ses seins à son père transporte le malaise dans une catégorie stratosphérique.
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