La première chasse parisienne sur "Pokémon Go" fait le plein malgré l'interdiction du Sénat
Le jardin du Luxembourg était rempli de fans de Pikachu et de ses camarades, jeudi après-midi. Francetv info était sur place.
"Ça vibre toutes les deux secondes !" En clair : il y a des Pokemon partout. Yann, 28 ans, habite Bagneux (Hauts-de-Seine). Il s'est rendu au jardin du Luxembourg, jeudi 14 juillet, pour participer à la première chasse parisienne sur Pokémon GO, l'application pour smartphone qui permet de capturer des Pokémon en réalité augmentée.
Le nez plongé dans le téléphone
La veille, le rassemblement a été annulé par le Sénat. Mais Yann a quand même fait le déplacement, comme d'autres qui avaient prévenu de leur intention de braver l'interdiction malgré le temps instable. Yann est accompagné d'Hélène, 28 ans, Alex, 39 ans, et Abi, 35 ans. Côte à côte, d'un pas lent, ils déambulent ensemble dans le parc sans vraiment lever les yeux, le nez plongé dans leurs téléphones. "Il n'y a que des Roucool et des Rattata par ici, on retourne par là-bas", lance Abi, cheffe de projet dans les jeux vidéos. "Des Roucool et des Rattata, il y en a partout", commente-t-elle. Or ils sont là pour attraper de nouvelles bestioles, rares si possible.
Hélène est contente. Elle vient d'attraper un Rondoudou, un Pokémon de couleur rose, à la bouille de peluche, qui chante, et qui peut endormir ses adversaires grâce à une berceuse. Abi annonce qu'elle fait évoluer son Evoli en Voltali. "Fais voir !", lance l'un des membres du groupe, qui s'agglutine aussitôt autour d'elle pour assiter à la transformation.
"Mon Evoli évolue en Voltali", lance Abi. "Fais voir !"
— Louis San (@Louis_San) 14 juillet 2016
Les trois autres rappliquent #PokemonGO pic.twitter.com/ufp4tumE8u
"Il veut pas 100 balles et un Mars, non plus ?"
Soudain, un jeune homme accourt vers eux, l'air un peu paniqué, téléphone à la main. Il a repéré qu'ils étaient sur Pokémon GO et leur demande avec douceur s'ils n'ont pas un peu de batterie pour le dépanner. "Oui mais on la garde pour nous", rétorque Abi, avec un sourire diplomatique. Le jeune homme s'éloigne. "Alors celle-là, elle est pas mal", soupire-t-elle. "Il veut pas 100 balles et un Mars, non plus ?", enchérit Yann. Smartphone oblige, l'énergie est le nerf de la guerre. Trois d'entre eux sont branchés sur une batterie mobile. Alex n'y est pas encore, mais elle l'a à portée de main dans son sac en bandouillère.
Donc de gauche à droite : Alex, Abi, Yann et Hélène #PokémonGO pic.twitter.com/nEjuqa0YRP
— Louis San (@Louis_San) 14 juillet 2016
Pas étonnant qu'un parfait inconnu les abordent pour une telle requête. Où que l'on pose les yeux, on aperçoit dans le jardin du Luxembourg des petits groupes qui, comme eux, errent les yeux absorbés par les smartphones.
Il y a du monde, plein de petits groupes #PokémonGO (Et le soleil est revenu) pic.twitter.com/kh5bRG6IW8
— Louis San (@Louis_San) 14 juillet 2016
"J'ai mon Hypotrempe qui me nargue depuis une demi-heure"
Ce qui trahit un joueur au premier coup d'œil, ce sont les t-shirts qui font référence aux mangas (Pokémon, évidemment) et aux comics (Batman en tête), et la batterie externe branchée. Surtout, ce sont les exclamations et les discussions qui ne trompent pas. En marchant, on entend toutes les dix secondes un nom ou une expression incompréhensible pour le commun des mortels : "Un Piafabec !", "J'y vais, j'ai mon Hypotrempe qui me nargue depuis une demi-heure", "J'ai mon encens qui se consume pour rien [dans le jeu, l'encens permet d'attirer les Pokémon]", "Oh la la, j'ai utilisé trop de poké ball". "C'est un peu le repère des geeks, là", lance une connaissance d'Abi.
Il y aussi des réactions étonnantes, comme Hélène qui sautille de joie sur place, son téléphone entre les mains. Un œuf vient d'éclore. "C'est un Sabelette. Ca fait plaisir, surtout quand tu l'as pas encore", commente-t-elle, en continuant à marcher sans regarder devant elle.
"Quelle team ?", est la question qui revient le plus souvent. On se la pose en se croisant, pour savoir à qui l'on a à faire. Un clin d'œil complice, un "C'est bieeeeen", un "Aaaaaaah" satisfait est alors lancé à l'inconnu d'en face s'il est dans la même équipe. C'est un faux regard de défiance ou une pique joueuse qui est dégainé(e) si l'autre est dans une team adverse. Car pour pouvoir faire des combats dans les arènes, il faut, au préalable s'inscrire dans une des trois équipes que propose le jeu. Trois couleurs – le rouge, le bleu ou le jaune – en référence aux trois Pokémon légendaires des premières versions du jeu : Sulfura, Artikodin et Elektor. Le choix de la team trouve son utilité lorsque l'on se lance dans la conquêtes des arènes, ce qui intéresse finalement peu les chasseurs de Pokémon.
La rumeur Dracofeu
Des personnes qui ne se sont jamais vues se retrouvent à marcher ensemble. C'est le cas de Justin (26 ans, de Versailles), Loïc (15 ans, du Blanc-Mesnil) et Hadrien (22 ans, de Saint-Denis). Après avoir discuté sur Facebook, ils se sont donnés rendez-vous pour venir chasser ensemble malgré l'annulation. "On comprend, mais on savait qu'il y aurait du monde. C'est juste logistique : on est le 14 juillet, il y a l'état d'urgence, ils ont autre chose à faire", analyse Hadrien, qui porte un t-shirt arborant une poké ball sous son sweat à capuche.
Plus loin, deux Kevin de 23 ans et 25 ans, échangent quelques mots avec Clément, 22 ans, et Hadrien [un autre], 23 ans. Tous ne se connaissent pas. Seuls les deux derniers sont amis, ils sont venus en voiture depuis Saint-Maur, une ville du Val-Marne limitrophe de Paris, et ont sorti leur skateboard.
Voici Clément (à gauche) et Hadrien #PokemonGO pic.twitter.com/A7fLIemC7x
— Louis San (@Louis_San) 14 juillet 2016
Ensemble, ils parlent de leur niveau dans le jeu, de leurs dernières captures, de ce qu'ils trouvent près de chez eux. L'un des Kevin est assez satisfait. Il a attrapé un Lokhlass et un Leveinard au jardin du Luxembourg. "Il y a beaucoup de Magicarpe sur les bords de Marne", révèle Clément. "Excusez-moi, vous avez trouvé quoi ici ?", demande soudainement un nouvel inconnu, portable à la main, et batterie externe branchée. Il vient du parc de la Cité universitaire et énumère ses trouvailles. Clément et Hadrien se disent alors qu'ils devraient y faire un tour. Quelqu'un dit sans conviction qu'un Dracofeu, un Pokémon très puissant, serait trouvable dans le Jardin du Luxembourg. "Ça, c'est une rumeur", s'amuse Hadrien.
Addiction rapide
Le jeu n'est sorti aux Etats-Unis que le 6 juillet mais toutes les personnes rencontrées lors de cette chasse parisienne sont déjà accros. Alex, Abi et Hélène y jouent le matin et le soir dans le bus en allant au bureau. Kevin, lui, a joué quatre heures d'affilée la veille au soir avec un ami. Alex raconte qu'elle a failli traverser une route sans le savoir à cause de l'application. Elle s'est arrêtée à temps "grâce à une bande sur le trottoir pour les aveugles". Abi s'est aventurée "dans une ruelle glauque à 23h30 sous la pluie pour un Carapuce. Normalement, j'aurais même changé de trottoir mais là j'y suis allée pour l'attraper et je suis vite partie".
Pokémon Go incite aussi à sortir car il faut marcher un certain nombre de kilomètres pour faire éclore les œufs. Hélène et Yann ont ainsi marché 8 km le dimanche précédent pour chasser et inciter les œufs à éclore. Clément et Hadrien, qui ne jouent que depuis trois jours, ont déjà roulé en voiture en pleine nuit dans une petite ville à 15 km/h : "Ils disent qu'il faut marcher mais si tu roules très lentement, ça fonctionne aussi", expliquent-ils.
Dans l'introduction du jeu, le personnage Saule encourage le joueur à parcourir le monde et à l'explorer. Encore faut-il profiter du paysage. Souriant, un homme assis sur une chaise du jardin du Luxembourg lance à des chasseurs : "Levez la tête, c'est joli."
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