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L'école dès 2 ans pour lutter contre les inégalités scolaires

La circulaire Peillon veut favoriser l'entrée des tout-petits en maternelle. Dans quel objectif ? Sous quelles conditions ? Francetv info fait le point.

Article rédigé par Emilie Jéhanno
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Des enfants de 2 ans jouent dans une classe d'école maternelle pour les tout-petits à Firmi (Aveyron). (ERIC CABANIS / AFP)

L'idée n'est pas nouvelle. En 1989, la loi sur l'école maternelle avait déjà la volonté d'étendre, en priorité aux zones défavorisées, l'accueil des enfants de moins de 3 ans. La circulaire Peillon, parue au bulletin officiel mardi 15 janvier, va dans le même sens. Contacté par francetv info, le ministère de l'Education nationale confirme son objectif de "favoriser la réussite éducative des enfants des zones défavorisées, c'est-à-dire dans les zones d'éducation prioritaire, les départements d'outre-mer et dans les zones rurales isolées." Trois mille postes de professeurs devraient être créés pour ces tout jeunes élèves d'ici à 2016. 

Depuis 2000, le nombre d'enfants de moins de 3 ans scolarisés a chuté, passant de 34,8% à 11% en 2012. Pour Catherine Peyge, maire PCF de Bobigny (Seine-Saint-Denis), il y avait urgence à agir : "La scolarisation dès 2 ans correspond a une forte attente des parents. Elle n'a jamais été abandonnée mais petit à petit avec les suppressions de postes, il n'y avait plus d'enseignants dans les classes pour assurer l'accueil."

Que change la circulaire dans l'accueil des tout-petits ?

A la rentrée 2013, de nouveaux professeurs devraient arriver à l'école maternelle. Leur nombre n'a pas encore été dévoilé. Agnès Florin, professeure de psychologie et d'éducation à l'université de Nantes (Loire-Atlantique), estime que cette circulaire prend en compte la spécificité de l'accueil des tout-petits. "La scolarisation précoce a été utilisée à partir des années 1960 puis à la fin des années 1990. Pour une fois, on écrit qu'il y a des conditions de qualité nécessaires."

Parmi ces critères, les locaux d'accueil des moins de 3 ans doivent être adaptés : pas d'étage à monter, un coin de repos, des espaces ludiques. La structure peut être mixte : il peut s'agir d'une école maternelle intégrant un ou plusieurs niveaux d'élèves ou s'associant à des services de la petite enfance. Le texte prévoit aussi une certaine souplesse dans les horaires d'entrée et de sortie, à condition que l'enfant soit présent au moins une demi-journée.  

Autre nouveauté : les professeurs de ces maternelles recevront une formation spécifique. "C'est une très bonne chose, assure Agnès Florin. Il est important de connaître les rythmes de vie des enfants et d'adapter en conséquence le programme éducatif. Il faut trouver un équilibre entre les temps de mobilisation cognitive, les moments de jeux libres et les repas." 

Dernier changement : le retour à la rentrée échelonnée. Il sera possible pour un enfant de moins de 3 ans d'arriver en milieu d'année à l'école maternelle. Le principal syndicat des professeurs et instituteurs des écoles, le SNUipp a demandé que les enseignants soient mieux encadrés et que le nombre d'élèves soit limité à 15 dans ces classes.

Peut-elle réduire les écarts scolaires dus aux inégalités sociales ?

C'est un des arguments promus par le gouvernement : "Il s'agit d'un moyen efficace de favoriser la réussite scolaire, en particulier lorsque, pour des raisons sociales, culturelles ou linguistiques, la famille de l'enfant est éloignée de la culture scolaire. Cette scolarisation précoce doit donc être développée en priorité dans les écoles situées dans un environnement social défavorisé."

Dans un rapport datant d'octobre 2012, la Cour des comptes pointait du doigt la hausse des inégalités scolaires. "La France fait partie des pays où l’écart des résultats scolaires selon les statuts sociaux et les territoires est le plus marqué. Notre pays se caractérise par le constat que le système éducatif ne les corrige pas, et contribue même à les renforcer."

Pour Agnès Florin, la scolarisation dès 2 ans peut effectivement être bénéfique pour les enfants issus de zones défavorisées. "Les études nous montrent que la scolarisation dite précoce est bénéfique dans le développement du langage." Notamment si le tout-petit baigne dans un environnement où le français n'est pas la langue parlée couramment. "On peut repérer les effets de la scolarisation précoce jusqu'en 6e. Après, d'autres facteurs s'entrecroisent et les effets se diluent. Mais il est évident que ce qui créé le plus grand écart entre les enfants, c'est le milieu social."      

2 ans, n'est-ce pas un peu trop tôt ?

La réponse est nuancée. Car tout dépend de la maturité du petit. "Il faut voir comment a évolué l'enfant avant la scolarité, quelles expériences de vie collective il a connues, appuie Agnès Florin. L'important, c'est de s'assurer que le rythme de vie de l'enfant soit adapté à l'école maternelle. Si c'est un dormeur du matin par exemple, ça risque d'être plus difficile." En ce qui concerne la question souvent soulevée de la propreté, l'âge "classique" se situe autour de 2 ans et demi. "Mais les écoles sont équipées", poursuit Agnès Florin. 

"Globalement, l'école à 2 ans a un impact positif mais pas pour tous les enfants. Il faut qu'un certain nombre de conditions soient réunies", conclut Agnès Florin. Ainsi, à Bobigny, 20 enfants de moins de 3 ans bénéficient d'une classe maternelle spécifique. Et pour CatherinePeyge, maire de la ville, les bienfaits sont évidents : "C'est une mesure très positive,  pas simplement pour des questions matérielles mais pour l'intégration, le contact, l'apprentissage de la langue. Et à partir du moment où l'on met des enseignants devant des enfants, on n'est pas dans une garderie mais dans une école."  

En Bretagne, une des régions où les enfants de moins de 3 ans sont le plus scolarisés, nos collègues de France 3 ont rencontré des parents satisfaits de cette disposition et des enseignants qui attendent beaucoup de cette circulaire.

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