La France et l'alcool, c'est grave docteur ?
Un rapport affirme que la consommation alcoolique est devenue la première cause d'hospitalisation en France. Diagnostic d'un phénomène inquiétant.
Au classement des maux de la société française, il vient d'atteindre un sommet. L'alcool est devenu la première cause d'hospitalisation du pays, selon un rapport signé des addictologues François Paille et Michel Reynaud, publié vendredi 22 mars. Le Français a-t-il un problème de bouteille ? Francetv info propose un diagnostic.
Les symptômes : des chiffres alarmants
L'étude menée par les docteurs Paille et Reynaud est formelle. L'an dernier, 400 000 personnes ont été admises dans un hôpital à la suite d'un problème d'alcool, soit 30% de plus qu'il y a trois ans. "Nous voulions connaître les besoins hospitaliers face à la problématique de l'alcool, et nous avons fait cette découverte, explique François Paille à francetv info. Nous avons été très surpris par ces chiffres, d'autant qu'ils sont sûrement minimisés. Car ne sont comptabilisés que les patients où la problématique alcoolique a été détectée lors de l'admission."
Dans le détail, un tiers de ces patients sont venus à l'hôpital pour un problème directement lié à l'alcool, comme une dépendance, ou un coma éthylique. Les deux autres tiers correspondent à des pathologies indirectes, comme une hépatite ou un accident consécutif à une trop grande consommation.
Cette forte augmentation est à rapprocher d'un autre chiffre effrayant : l'alcool aurait tué 49 000 personnes dans l'Hexagone en 2009. D'après le rapport qui relate ces chiffres, les Français de plus de 15 ans boivent trop : 2,7 verres d'alcool par jour, quand une étude britannique recommande de ne pas dépasser le demi-verre.
Face à ces chiffres inquiétants, il faut tout de même rappeler que la consommation alcoolique a fortement baissé en France ces dernières années. Selon l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, de 26 litres d'alcool pur par an et par personnes en 1961, la vente d'alcool est passée à 12 litres en 2010. Et entre 2000 et 2010, la consommation a même baissé de 22%, selon l'Insee.
L'auscultation : le rapport à l'alcool a changé
Ces chiffres de baisse de la consommation cachent, en fait, une transformation du rapport des Français à l'alcool. Le changement le plus notable est un rajeunissement des consommateurs et des malades. Les ravages du binge drinking, les cuites express prisées par les ados, sont une réalité. "C'est indéniable, confirme le Dr Philippe Batel, addictologue, interrogé par francetv info. En 1989, dans la structure où j'officie, la moyenne d'âge des consultations en alcoologie était de 55 ans. Aujourd'hui, elle est passée à 35 ans environ. Et certains patients de moins 25 ans sont fortement atteints, ce qu'on ne voyait pas il y a encore dix ans."
Plus généralement, c'est le rythme et l'ampleur de la consommation qui se sont modifiés dans l'ensemble de la population. "Aujourd'hui, la consommation quotidienne, notamment de vin, a baissé jusqu'à atteindre son seuil plancher. Mais on est passé à une consommation de fin de semaine, détaille Philippe Batel. On boit le vendredi et le samedi, et dans des proportions bien plus importantes.On est dans la culture de la défonce et de la performance."
L'ordonnance : quel traitement ?
Face à ce phénomène, François Paille préconise un renforcement des structures spécialisées au sein des hôpitaux. "Si on se penche sur l'âge des patients hospitalisés, on s'aperçoit que ceux qui viennent pour une alcoolisation aiguë, comme un coma éthylique, ont en moyenne 35 ans. Ceux qui viennent consulter pour une dépendance ont en moyenne 50 ans. Et ceux qui viennent pour des complications, type cirrhose ou cancer, ont en moyenne 56 ans. On constate donc une évolution logique qui doit être endiguée à la base."
L'idée des Dr Paille et Reynaud est d'intégrer des addictologues au sein des services d'urgences hospitalières. "La plupart des admissions que nous avons recensées sont des séjours courts, liés souvent à des suralcoolisations. Et quand elles ont lieu un vendredi soir, le patient ne reste pas jusqu'au lundi pour consulter l'addictologue en poste dans l'hôpital. Or, il faut saisir l'occasion d'engager un dialogue et de repérer les alcooliques." Un moyen d'empêcher les futures complications, et les coûts importants qu'elles induisent, selon le spécialiste.
Au final, l'étude alarmante publiée vendredi devrait permettre de lutter contre le phénomène. D'autant qu'elle contient même une possible bonne nouvelle, selon Philippe Batel. "Ces chiffres augmentent aussi parce qu'il y a un meilleur repérage des dépendances à l'alcool, et que la demande de soins est plus forte et plus précoce chez les malades." Les progrès de l'alcoologie sont donc en marche. Espérons que le patient français réagira bien.
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