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La Manif pour tous, "une aubaine" pour les groupuscules d'extrême droite

Le débat sur le mariage pour tous est un bon moyen d'exister pour ces groupes radicaux, selon le politologue Jean-Yves Camus.

Article rédigé par Christophe Rauzy - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des membres du GUD (Groupe union défense), organisation étudiante d'extrême droite, manifestent contre le mariage pour tous, le 13 janvier 2013 à Paris. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Blousons noirs, coupes courtes et provocation chevillée au corps. En marge des manifestations d'opposants au mariage pour tous, comme à Nantes le 13 avril, des groupuscules d'extrême droite se sont signalés par des débordements : heurts avec les forces de l'ordre, slogans homophobes et revendications ultra-nationalistes. GUD, Bloc identitaire, Renouveau français, Jeunesses nationalistes, autant de petits groupes qui se sont greffés à la Manif pour tous.

Pour eux, l'objectif est de défendre "la famille", "des valeurs" et une "civilisation". Mais comme l'explique le politologue Jean-Yves Camus, spécialiste de l'extrême droite, à francetv info, il s'agit surtout de faire fructifier une exposition médiatique et politique.

Francetv info : Pourquoi ces groupuscules d'extrême droite manifestent-ils contre la loi sur le mariage pour tous ?

Jean-Yves Camus : Parce qu'ils y trouvent ce que j'appelle "un effet d'aubaine" : ils en tirent un gain sans avoir provoqué ce phénomène à la base. Ce ne sont pas les quelques centaines de membres de ces groupes extrémistes qui ont créé la Manif pour tous. Mais ils profitent de ce qu'a construit un milieu structuré, les associations catholiques, pour se greffer dessus. Mais ils n'ont pas tous le même objectif. Le Bloc identitaire, par exemple, cherche à faire passer ses idées nationalistes, en trouvant des convergences avec la droite conservatrice. Les Jeunesses nationalistes veulent, de leur côté, se servir de ce thème pour poursuivre leur but : créer de l'agitation et déstabiliser la République.

Mais sont-ils hostiles à l'homosexualité ?

Le Bloc identitaire est très prudent sur la question, preuve qu'il cherche à se rapprocher des positions officielles de la Manif pour tous. Mais des gens comme les membres des Jeunesses nationalistes, eux, revendiquent leurs slogans homophobes et appellent à rejeter "le mariage sodomite et saphique". Cette homophobie fait partie de cette culture d'extrême droite. De nombreux mouvements dénoncent fréquemment le poids du "lobby homosexuel" en France.

Quel est leur but dans ces manifestations ? Recruter ?

Ils peuvent peut-être y recruter quelques dizaines de membres, même si je n'ai jamais vu personne remplir un bulletin d'adhésion dans un cortège. Leur but est avant tout de se montrer, dans les journaux et à la télévision, pour rappeler qu'ils existent. Il s'agit alors de s'adresser à des Français qui considèrent la violence et la radicalisation comme légitime.

Selon vous, légitimer cette radicalisation, c'est favoriser ces mouvements ?

Ceux qui, comme les dirigeants de la Manif pour tous, ont justifié une radicalisation de la contestation contre le mariage homosexuel, ont été très imprudents. Ils évoquent une violence gouvernementale, mais elle n'existe pas. La seule vraie violence, c'est celle de Lille [où un bar gay a été saccagé par des skinheads] mercredi soir. Ils ont ouvert une boîte de Pandore qu'ils ne pourront pas refermer. Et ils ne se débarrasseront pas de ces groupes extrémistes, qui viendront de plus en plus grossir leurs cortèges.

Certains observateurs comparent la situation actuelle avec celle des années 1930. Le climat est-il favorable pour ces groupuscules d'extrême droite?

Non, parce que justement, ce sont des groupuscules. Ils ne vont quand même pas "marcher sur Rome" [comme l'avait fait Mussolini en Italie pour prendre le pouvoir, en 1922]. Ils rejouent souvent dans leurs esprits le 6 février 1934 [date de la manifestation des ligues d'extrême droite à Paris, qui avait tourné à l'émeute]. Mais il ne faut pas exagérer. A l'époque, les ligues représentaient plusieurs centaines de milliers de personnes. Aujourd'hui, Marine Le Pen n'est pas le colonel de La Rocque. Et si, désormais, il existe bien un vide idéologique né de la dédiabolisation du FN, ces petits groupes, avec leurs  5 000 membres tous mouvements confondus, ne le combleront jamais.

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