La taxe à 75% ne va pas tuer la Ligue 1... enfin, pas toute seule
Oubliez les cris d'orfraie des pontes du foot français, des économistes sont moins pessimistes qu'eux sur le devenir du ballon rond dans l'Hexagone.
"C'est le châtiment ! Faites pénitence ! La fin des temps est venue !" Ainsi parlait... le prophète Philippulus dans les aventures de Tintin. Le discours des acteurs majeurs du football professionnel en France est pratiquement le même. Pour eux, la taxe à 75% sur les hauts revenus dans sa deuxième version, présentée par François Hollande jeudi 28 mars, est synonyme de fin du monde. "On étrangle les clubs", s'est lamenté Frédéric Thiriez, président de la Ligue de football professionnel (LFP). "C'est comme si on armait un pistolet et qu’on le pointait en direction du football", regrette Bernard Caïazzo, co-président de l'AS Saint-Etienne, dans Le Parisien. Est-ce vrai ?
La taxe va faire fuir les meilleurs joueurs de l'Hexagone
PAS TOUT À FAIT. "Il n'y aura pas d'exode des joueurs, au contraire, les clubs vont les pousser dehors", affirme Jacques Saurel, spécialiste de la fiscalité du sport, contacté par francetv info. En effet, les meilleurs joueurs du championnat de France ont des clauses dans leurs contrats qui les assurent de toucher la même somme en net. C'est donc les clubs qui payent la différence pour tout changement fiscal. "Les clubs vont avoir tendance à encore plus réduire leur masse salariale, poursuit Jacques Saurel. De nombreux clubs le font déjà, comme l'OL qui cherche à se débarrasser de Gourcuff." Le milieu, joueur français le mieux payé du championnat de L1, ne traduit pas son salaire de 5,8 millions d'euros annuels par des performances de haut vol sur le terrain. Même être bon ne suffit pas : Lyon a cherché à refourguer un peu partout lors du mercato son attaquant Bafétimbi Gomis, auteur de plus de 10 buts en championnat.
La taxe va étrangler les clubs de Ligue 1
EN PARTIE. D'après les calculs de la LFP, l'application de la taxe coûterait 82 millions d'euros aux clubs de Ligue 1. L'Olympique lyonnais, dans le haut du tableau, serait pénalisé à hauteur de 15 millions d'euros, a expliqué son président, Jean-Michel Aulas, sur RMC. La facture serait double pour le PSG, d'après les estimations de Capital.fr. Un joueur qui touche 200 000 euros par mois coûterait environ la même chose à son club en taxes diverses (impôt sur le revenu, taxe à 75%), sans compter les cotisations sociales. Les gros clubs (PSG, Lyon, Marseille, Lille) seront les plus durement touchés. Quatre-vingt-cinq joueurs sont concernés, mais pas que des têtes d'affiche. Un joueur comme Javier Pastore (PSG) dispose du 20e salaire de L1 avec 2,9 millions d'euros par an.
"Ce qui va se passer, c'est que les clubs ne vont plus pouvoir se payer des stars internationales, analyse Lionel Maltese, professeur de marketing sportif à l'université d'Aix-Marseille, interrogé par francetv info. Mais soyons réalistes. Hors PSG, quelles stars sont arrivées en L1 récemment, à part des vieux ou des blessés ?"
La taxe va amplifier le déclin de la L1
VRAI. "L'arrivée de la taxe ne va faire qu'accélérer les choses, estime Lionel Maltese. On va assister à un lissage du niveau sportif de la Ligue 1, derrière le PSG. Le championnat de France va devenir un championnat de formation et de passage, comme au Portugal. Il y a des risques que cela devienne comme en Pro A de basket, où les jeunes joueurs partent tôt en NBA pour toucher de hauts salaires, et où le dernier bon parcours en Euroligue remonte à la fin des années 90. Et qu'on ne me dise pas que ça va faire fuir les stars. Le problème de compétitivité du foot français, c'est un ensemble, pas seulement cette taxe."
La taxe ne peut pas être contournée
PAS ENCORE. La dernière niche fiscale du foot français, c'est l'abattement fiscal de 30% sur les joueurs arrivant de l'étranger. "Elle a été instaurée en 2008, au moment même où les Espagnols abolissaient la loi Beckham, qui l'avait imposée en Liga", ironise Jacques Saurel. Tant qu'on ne connaît pas les contours du projet, difficile de donner des conseils pour éviter de payer la taxe. Le fait que ce sont les clubs et plus les joueurs qui payent rend les montages financiers plus compliqués. Seul un Beckham peut se permettre de toucher un faible salaire compensé par les royalties sur les ventes de maillots. "Il y a un gros marché pour les fiscalistes s'ils trouvent une manière de contourner cette taxe", conclut Lionel Maltese.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.