Lance Armstrong est-il fini ?
Lâché par six sponsors en 24 heures, obligé de quitter la présidence de sa fondation contre le cancer, qu'est-ce qui peut encore sauver Lance Armstrong ?
SPORTS - "Il n'y a pas que le vélo dans la vie." C'est le titre d'un des livres de Lance Armstrong, et ça pourrait devenir l'épitaphe de sa carrière sportive. Le septuple vainqueur du Tour de France (pour le moment) vient de perdre six sponsors en 24 heures et de démissionner de la tête de sa fondation. Muet sur Twitter où il aime d'ordinaire à communiquer, Armstrong réfléchit à une ligne de défense pour sauver non pas son honneur ni sa carrière, mais son avenir.
Armstrong est devenu "toxique"
En 24 heures, l'équipementier Nike, le fabricant de vélos Trek, le brasseur Anheuser-Busch, la marque de casques Giro, le fabricant de produits énergétiques PRS et Honey Stinger, spécialiste de la nutrition sportive, l'ont lâché. Et les lunettes de soleil Oakley "réfléchissent", ajoute le Wall Street Journal (lien en anglais). Le revirement de Nike est le plus spectaculaire. Il y a deux semaines, Armstrong rencontrait le patron de la marque. La semaine dernière, Nike lui réaffirmait son soutien. Et mercredi 17 octobre, l'équipementier rompait avec lui leur partenariat à sept millions de dollars annuels (5,4 millions d'euros). Avec cette décision, la marque à la virgule a forcé la main à tous les autres.
"Le partenariat entre Armstrong et Nike dépassait le cadre du sport, explique à FTVi Boris Helleu, professeur de marketing sportif à l'université de Caen. Il y avait une dimension philanthropique dans ce partenariat. Mais Nike a eu peur d'être contaminé par l'affaire Armstrong, d'autant plus qu'un journal américain l'a accusé d'avoir couvert un contrôle antidopage d'Armstrong en 1999."
Le New York Daily News (lien en anglais) parle même d'un chèque de 500 000 dollars (380 000 euros) directement versé par Nike au président de l'Union cycliste internationale (UCI) de l'époque, Hein Verbruggen. Le centre de fitness Lance Armstrong du campus de la marque, situé dans l'Oregon (Etats-Unis), sera prochainement débaptisé.
"Il y a clairement un effet de panique dans la décision des sponsors, poursuit Fabrice Lorvo, avocat spécialiste du droit du sport au cabinet FTPA. Si un sponsor, a fortiori le plus important, se démarque sur le partenariat avec Armstrong, les autres doivent suivre sous peine de paraître aux yeux du public comme un soutien indirect. D'autant plus que Lance Armstrong a arrêté de contester les faits."
Un rebond est encore possible
Pour autant, Lance Armstrong n'est pas encore à la rue. Nanti d'une fortune personnelle frôlant les 100 millions d'euros, il attend les premiers procès de pied ferme. Contrairement à son ex-assureur qui veut obtenir réparation, il n'est pas sûr que Nike et consorts traînent Armstrong en justice. "Les contrats de sponsoring comprennent souvent une rémunération fixe et une part variable liée à la performance, détaille Fabrice Lorvo. Ça me paraît compliqué que Nike réclame la part fixe. Après tout, ils ont profité de l'image d'Armstrong pendant sa carrière. En revanche, pour les primes de victoires, c'est envisageable. Après, le sponsor doit peser le pour et le contre : un tel procès sera médiatisé, et risque d'abîmer encore plus son image."
Et rien ne dit que d'autres marques ne voudront pas associer leur image à un champion défendu bec et ongles par une partie du public américain. "Un sponsor traditionnel, ça m'étonnerait, mais pourquoi pas une société plus petite ?", se demande Fabrice Lorvo. "Je serais curieux de savoir s'il accepte un nouveau partenariat, nuance Boris Helleu. Il peut aussi décider de renoncer à toute forme d'activité."
D'autres sponsors qui ne l'ont pas encore lâché peuvent se positionner comme des soutiens indéfectibles. Nike, justement, avait orchestré la rédemption de Tiger Woods dans un clip demeuré célèbre.
Et même après les révélations de dopage, après sa marionnette aux "Guignols de l'info", Richard Virenque avait conservé une partie de ses sponsors et une popularité sans égale. Au point de rêver un temps au ministère des Sports au début du mandat de Nicolas Sarkozy, rappelle cyclisme-dopage.com.
Armstrong n'est pas si seul
Armstrong a encore des soutiens. Rares sont les sportifs qui le critiquent aux Etats-Unis, en dehors des anciens cyclistes. Côté politique, on craint de s'attaquer à un homme toujours populaire auprès d'une partie de l'opinion. Jadis reçu à la Maison Blanche par George W. Bush, il a toujours eu des soutiens des deux côtés de l'échiquier politique. C'est à la suite de pressions politiques, pour ne pas parasiter la campagne présidentielle, que l'enquête criminelle contre lui a été abandonnée, au printemps dernier, sous-entend le patron de l'agence américaine antidopage dans L'Equipe, en septembre.
Le parlementaire républicain Jim Sensenbrenner avait été jusqu'à demander de tailler dans le financement de l'agence américaine antidopage (PDF en anglais), en juillet dernier. Avec un démocrate, il a tenté de faire passer à la Chambre des représentants une loi pour améliorer la protection des athlètes contre les agences antidopage. D'autres élus de Californie ont demandé un audit de l'Usada, explique le site Velo News (lien en anglais). Tout ça en deux mois, comme s'il fallait protéger Armstrong. Des critiques beaucoup plus discrètes depuis la divulgation de 200 pages du rapport de l'Usada. Un site internet, standupforlance.com, a quand même été créé par une association conservatrice, Restore America's Voice, et tente de récolter des dons pour sauver le soldat Armstrong.
CNN (lien en anglais) a demandé aux internautes possesseurs du fameux bracelet jaune de la fondation Livestrong s'ils avaient encore foi en Armstrong. Sur Twitter, la réponse est clairement "oui". "Quand quelqu'un aura levé 500 millions de dollars contre le cancer, on en reparle", écrit un internaute. "Qu'il se dope ou pas n'a aucun rapport", renchérit un autre. "Cette cause dépasse l'homme", conclut un autre.
#livestrongthoughts when some1raises 500 million 4 cancer patients & can challenge Lance's awareness; we can talk! twitter.com/ARTSALTERNATIV…
— AGG (@ARTSALTERNATIVE) Octobre 17, 2012
Whether he did or didn't dope is irrelevant! He is passionate about how #Livestrong has helped people. #livestrongthoughts
— Kevin Thomas (@kevbo14) Octobre 17, 2012
The cause is much bigger than one man #IStillSupport #LivestrongThoughts @livestrong @nike twitter.com/Alex_Rod83/sta…
— Alex Rodriguez (@Alex_Rod83) Octobre 17, 2012
"Le cancer est la meilleure chose qui me soit arrivée", écrivait Lance Armstrong dans sa biographie. Reste que les conférences où il parle de son combat contre le cancer, facturées 75 000 euros pièce, ne sont plus à l'ordre du jour. En revanche, sa participation à l'anniversaire de Livestrong (lien en anglais) vendredi 19 octobre, avec Norah Jones et Sean Penn en guest-stars, est toujours d'actualité. Lance Armstrong n'est pas seul.
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