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Le "modèle allemand" existe aussi en foot

Le Fußball outre-Rhin fait rêver toute l'Europe. Antisèche avant le match France-Allemagne de ce soir.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
La chancelière allemande, Angela Merkel, laisse éclater sa joie lors du quart de finale Allemagne-Grèce à l'Euro, le 22 juin 2012 à Gdansk, en Pologne. (SILZ / DDP IMAGES EDITORIAL / SIPA)

Deutsche Qualität. Il n'y a pas que pour vendre des voitures ou faire carburer leur économie que les Allemands considèrent avoir trouvé la formule ultime, il y a aussi pour le foot. Avant le match amical France-Allemagne, mercredi 6 février, et la poignée de main en tribune entre François Hollande - qui se rêvait ailier du FC Rouen - et Angela Merkel - qui campait dans les tribunes de Leipzig dans son jeune temps -, antisèche sur cet autre "modèle allemand".

1Des stades pompes à fric

Le dossier des stades reste le gros raté de la Coupe du monde 1998 dans l'Hexagone. L'Allemagne, qui accueillait la compétition huit ans plus tard, a fait tout l'inverse : elle a bâti de nouvelles enceintes, plus grandes, avec plus de sièges VIP et plus de boutiques autour. 

Et pendant ce temps-là, en France : on fantasme sur l'Euro 2016 pour reprendre un coup d'avance, en cherchant à s'inspirer du modèle allemand. On va construire de nouveaux stades à Nice, Lille, Lyon ou Bordeaux. "La France est aujourd'hui au niveau où se situait l'Allemagne il y a dix ans", résumait le rapport du gendarme financier du foot français en 2010 (PDF, p.24). 

2Des supporters qui ne regardent pas à la dépense

Les supporters du Borussia Dortmund lors d'un match face au Bayern Munich, à Berlin (Allemagne), le 12 mai 2012.  (MICHAEL DALDER / REUTERS)

Un supporter allemand vient rarement au stade sans le maillot, l'écharpe et le bonnet (selon la météo) de son club favori. Ce qui donne un stade entièrement jaune et noir à Dortmund, par exemple, ce qu'on voit peu en France. Ce qui explique aussi pourquoi le maillot du Bayern Munich s'est écoulé à près de 900 000 exemplaires en 2012, dans le Top 10 européen, et loin devant les locomotives tricolores (l'OM et le PSG autour de 300 000), relève Sporting Intelligence (en anglais).

Et pendant ce temps-là, en France : là où le supporter allemand dépense 10 euros en moyenne en plus de son ticket, le Français ne lâche qu'1,5 euro, remarque le think-tank Terra Nova dans son rapport sur le football (PDF). Même pas de quoi acheter une bière à la buvette du club...

3 Un public fidèle 

Les prix des places sont restés modérés, ce qui permet à la Bundesliga d'afficher la plus forte affluence des championnats européens, avec plus de 40 000 spectateurs de moyenne. Et la plus forte croissance (autour de 10%). En Allemagne, il est possible de voir jouer le Bayern Munich pour 15 euros - quand c'est 35 euros minimum pour le PSG - et le transport est gratuit, note le blog Das Boot (en anglais)

Et pendant ce temps-là, en France : des clubs très populaires comme Lens ou Nantes sont descendus en L2, et la qualité du spectacle n'a pas suivi celle du prix du billet. Conséquence : d'après le dernier rapport de l'UEFA, l'affluence moyenne a baissé de 10% sur un an (PDF, p.63). 

4Des propriétaires responsables

Ne cherchez pas d'oligarque ou de pétrodollars dans le foot allemand, il n'y en a pas. La Bundesliga a voté une règle interdisant à un investisseur seul de détenir plus de 49% d'un club. Du coup, les supporters et les membres actifs de l'association ont pouvoir de décision dans le club. Ce qui limite les transferts pharaoniques et les décisions impulsives. Le transfert le plus cher jamais réalisé en Bundesliga s'élève à 40 millions d'euros pour Javi Martinez, une somme qui a beaucoup choqué outre-Rhin. D'habitude, ça ne dépase par 15 ou 20 millions.

Et pendant ce temps-là, en France : certes, le PSG version qatarie a fait beaucoup pour l'attractivité de la Ligue 1, mais est-ce un modèle pérenne et transposable dans d'autres clubs ? Pas sûr... "Les Qataris ont investi à Paris, parce que c'est Paris. Il est loin d'être sûr qu'ils l'aient fait à Lyon ou à Marseille", remarque Boris Helleu, professeur de marketing à l'université de Caen, contacté par francetv info.

5Une formation qui marche

"Nous avons dépassé la France et les Pays-Bas dans le domaine de la formation depuis longtemps", fanfaronne Gerhard Mayer-Vorfelder, ancien président de la Ligue de foot allemande, dans la plaquette vantant l'excellence du modèle allemand (PDF en anglais, p.12). Aujourd'hui, un joueur sur deux de Bundesliga est passé par un centre, et l'âge moyen du championnat est de 25 ans. 

Les joueurs de l'équipe d'Allemagne Philipp Lahm, Thomas Müller et Bastian Schweinsteiger, tous formés au Bayern Munich, le 8 juin 2012 à Lviv (Ukraine).  (FRANCK AUGSTEIN / SIPA)

Et pendant ce temps-là, en France : l'excellence de la formation à la française, vantée à l'époque de France 98, a fait long feu. La France s'est rendue compte un peu tard qu'elle formait des joueurs moyens en grande quantité. Une nouvelle politique de formation a été mise en place, mais il faudra des années avant qu'elle produise des effets pour l'équipe nationale. 

6 Pas de salaires démesurés

Si les salaires en Bundesliga sont confortables, les clubs n'ont pas suivi l'inflation démentielle qui a cours en Espagne et en Angleterre. Leur masse salariale ne représente que 51% de leur budget, un chiffre considéré comme raisonnable. A titre de comparaison, c'est 65% en Angleterre et 69% en France.

Et pendant ce temps-là, en France : les salaires en France sont encore plus raisonnables qu'en Allemagne - PSG excepté - mais les revenus des clubs sont à des années-lumière des meilleures équipes allemandes. Mathématiquement, la proportion des salaires est donc supérieure.

7Un financement équilibré

Le patron de la Bundesliga, Christian Seifert, parle de "sainte trinité" dans le Guardian (lien en anglais) : les recettes de billeterie, les droits télé et le sponsoring contribuent à hauteur d'un tiers chacun dans le financement du foot allemand.

Et pendant ce temps-là, en France : même pour les clubs les plus populaires comme Lyon ou Marseille, les droits télé représentent plus de la moitié des revenus, note l'étude annuelle Moneyleague du cabinet Deloitte (PDF en anglais).

Le modèle allemand, que le Wall Street Journal (en anglais) qualifie de "semi-socialiste", est-il parfait pour autant ? Comme dans d'autres pays, les clubs les plus fragiles en 3e ou 4e division mettent la clé sous la porte - la liste dans cet article vengeur du Daily Mail (en anglais). La question de la possibilité d'exporter ce modèle est posée : peut-il marcher dans un pays où le foot n'est pas roi, et où les clubs drainent moins de monde, comme en France ? Pas sûr...

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